Sans qu'ils sachent comment, cinq individus ont été kidnappés et séquestrés dans un lieu coupé du monde. C'est tout d'abord dans l'obscurité la plus totale qu'ils devront faire connaissance mais bien vite, la lumière s'allume. Les malheureux détenus prennent alors conscience qu'ils sont au fond d'un puits, avec comme seules ressources quatre rouleaux de papier toilette, sept cent cinquante litres d'eau potable et un scalpel. Un compte a rebours semble indiquer qu'ils sont là pour trente jours mais bien vite, la faim se fait sentir. Jusqu'où seront-ils capables d'aller pour rester en vie ?
Réalisateur d'un long métrage en 95, JACKLIGHT, puis de deux courts en 98 et 2000, Steven Hentges n'est pas un bonhomme très productif dans le milieu du cinéma. Difficile donc de savoir pourquoi et comment le scénario de ce HUNGER a pu lui arriver entre les mains. Qu'importe en réalité car Hentges tombe sous le charme de ce script a priori simple, mais finalement plutôt ambitieux. A l'aide de son producteur et directeur de la photographie John Sawyer, il met donc en route ce projet minimaliste, dont le décor se résumera grosso modo à une double salle souterraine, et le casting à cinq acteurs.
HUNGER, ou plutôt AFFAMÉS en français, est en effet de ces films qui pallient leur manque de budget par le biais d'un concept intéressant, passant par la mise en abîme de l'Homme. Cette formule, le spectateur la connaît bien puisqu'elle est par exemple à l'origine du premier SAW mais aussi de métrages moins aboutis comme BREATHING ROOM ou AQUARIUM. Dans ces films comme dans AFFAMÉS, des individus sélectionnés pour des raisons que l'on ignore sont séquestrés dans un lieu coupé de l'extérieur. Leurs actions ou réflexions seront alors épiées par un ou plusieurs individus mystérieux, et ce à des fins là encore inconnues... Le cinéphile sera donc en terrain connu dès le début mais bien vite, le film de Hentges affirme sa personnalité et reprend à son compte l'un des postulats de CUBE : Le tortionnaire ne s'adressera jamais à ses cobayes, que ce soit oralement, ou par écrit. L'incompréhension règnera donc tout du long dans l'esprit des cinq malheureux captifs. Pour eux, l'objectif est simple et la survie devient rapidement la seule et unique préoccupation. Mais de l'autre côté du moniteur, ce qui intéresse le «bourreau», de même que le spectateur, c'est de voir comment les personnages vont assurer leur avenir...
Et sur ce point, le titre est évocateur puisqu'il est bien évidemment question de cannibalisme. L'anthropophagie, c'est le retour de l'Homme à des pulsions animales, l'évaporation de la conscience au profit de préoccupations primaires. Un sujet maintes fois traité mais toujours passionnant lorsqu'il est pris au sérieux, comme c'est le cas ici. Hentges s'octroie donc le temps de développer ses personnages, de leur ôter toute autre alternative et envisage leur famine sur un angle médical, documenté et convaincant. Le processus est pour cela décrit par l'un des personnages avant que les images ne nous apportent les preuves de cette détérioration progressive. Le choix d'un tournage sur une durée réduite, et dans l'ordre chronologique montre alors son intérêt. Les acteurs fatiguent clairement à l'écran et paraissent effectivement «subir» les événements. A ce titre, nous saluerons leurs prestations, dans l'ensemble plutôt convaincantes...
Toujours dans la logique d'un traitement crédible de l'humanité mise à mal, Hentges fait le choix d'éviter les plans «gores» ou trop explicites. Peut-être est-ce là aussi le reflet d'un certain manque de moyens mais nous ne pourrons que constater l'efficacité du procédé. Le réalisateur suggère et le fait bien. Les bouches et les mains maculées d'un sang noir, secondés de bruitages explicites, parviennent sans peine à créer le malaise. Nous ne sombrerons donc jamais dans le «grotesque» avec ce AFFAMÉS dont l'approche évoquera davantage L'EXPERIENCE de Oliver Hirschbiegel. L'ambiance répond présente et le lieu unique n'apparaît jamais comme une limite au métrage. Son apparence pourra cependant choquer puisque la cavité dans laquelle évoluent nos personnages sent le carton à plein nez. Ce détail s'oubliera cependant bien vite en regard des qualités du métrage, et notamment de son rythme, posé sans être aucunement lent ou ennuyeux…
Au final, on passe donc un bon moment devant ce film modeste mais judicieusement pensé en conséquence. Chaque élément y semble à sa place et même si le dénouement ou les «révélations» ne surprendront personne, l'intérêt est ailleurs. AFFAMÉS se montre assez vrai, et donc malheureusement dur dans le regard qu'il porte sur l'Homme. C'est là tout le charme de ce petit métrage efficace, bien ficelé, et qui respire le travail accompli avec soin.
L'arrivée de ce titre en France, c'est à Emylia que nous la devons. Pour l'occasion, l'éditeur met les bouchées doubles puisque le film sera commercialisé dans un boîtier regroupant le DVD et le Blu-Ray. Le contenu des deux disques sera parfaitement identique, modulo bien évidemment la qualité d'image et les formats sonores. Nous noterons que la jaquette et les sérigraphies indiquent deux durées de métrage différentes : 91 minutes pour le DVD et 96 minutes pour le Blu-Ray. La différence est logique puisque la vitesse de défilement n'est pas la même sur les deux supports. Mais il convient tout de même de préciser que ces deux durées sont erronées et que le DVD dure en réalité 97 minutes, et que le Blu-Ray affiche pour sa part un peu plus de 101 minutes au compteur...
Sur le plan sonore, Emylia nous offre le choix entre un doublage français et la piste originale anglaise. Le doublage est correct mais certains dialogues sonnent faux. Dans son commentaire audio, le réalisateur souligne un cri effectivement saturé en anglais, mais qui ne l'est plus en version française. La séquence s'en trouve amoindrie, et ce n'est pas la seule. Il est donc recommandé, comme bien souvent, d'opter pour l'option sonore originale. Si le DVD offre du DTS 5.1 et du Dolby Digital 5.1 pour la piste originale, ainsi que du Stéréo pour le doublage, le Blu-Ray opte pour sa part pour des formats sonores DTS HD Master Audio non compressés. L'anglais reste toutefois encodé sur six canaux, et le français sur deux. Soyons tout à fait honnêtes, aucune des pistes ne se montre techniquement bluffante. AFFAMÉS est un métrage plutôt sobre dans ses effets et les surrounds ne sont guère sollicités. Le passage en Stéréo sur le doublage n'est donc pas handicapant, mais nous reprocherons tout de même à celui-ci un équilibre moins réussi entre dialogues et bruitages...
L'image est pour sa part proposée au ratio 1.85 d'origine. L'encodage sera en 1080p/24 si l'on opte pour le disque haute définition, et en 16/9ème si l'on préfère le DVD. Quel que soit votre choix, le résultat sera concluant avec une copie propre, dénuée d'anicroches. L'édition DVD laisse apparaître quelques (très rares) traces de compression mais rien de méchant. Le Blu-Ray marque pour sa part la différence avec la disparition totale de ces quelques défauts, mais aussi une définition largement accrue lors de certains plans. La chose est d'autant plus notable qu'AFFAMÉS a été tourné dans un espace réduit. De fait, les gros plans sont très nombreux et à ce jeu là, la haute définition fait clairement des merveilles. Les grains de peau sont souvent impressionnants et le travail sur les textures l'est tout autant. Les séquences nocturnes sont parfaitement rendues, les contrastes puissants et même les scènes tournées à l'aide de caméras de surveillance sortent grandies de ce transfert en haute définition.
Nous prendrons d'ailleurs toute la mesure du travail effectué sur l'image en écoutant le commentaire audio du réalisateur. Le bonhomme est relativement à l'aise et débite un flot ininterrompu d'informations, sans la moindre redondance. Son propos est assez souvent pertinent lorsqu'il évoque son film d'un point de vue technique, ou qu'il aborde ses ambitions en terme d'ambiance. Steven Hentges est assez dynamique et n'ennuie jamais, même si le placement trop régulier du nom de son sponsor frise le ridicule. Outre cela, le contenu n'est pas promotionnel et ne consiste pas dans le classique «lustrage» auquel on a souvent droit. Le propos est sincère et constructif, peut-être pas indispensable mais suffisamment bien troussé pour que l'on puisse se décider à l'écouter.
Les deux galettes proposent par ailleurs un making-of qui semble quant à lui très dispensable. Hentges y reprend des anecdotes déjà délivrées dans son commentaire et les acteurs n'apportent que peu d'informations. On sent que le tournage a par instants été «difficile» mais personne ne semble le regretter au vu du résultat final. Les images de tournage sont en définitive assez rares et le terme de «Making-of» semble quelque peu inapproprié. Nous noterons que, comme sur le film et les autres suppléments, le sous-titrage en français est correct mais pêche quelque peu sur les caractères spéciaux...
Nous pourrons par ailleurs profiter de deux scènes coupées. La première prolonge un dialogue et révèle, comme le souligne Hentges, un peu trop du passif de l'héroïne. La seconde n'est pas étalonnée et il semble peu probable qu'elle fut envisagée pour être incluse dans le métrage. Sa place se situerait davantage dans un bêtisier tant elle s'avère comique. On y voit en effet deux «Cannibales» dîner, et reproduire involontairement la séquence du Spaghetti vue dans LA BELLE ET LE CLOCHARD version Walt Disney ! Un grand moment !
Dernier bonus enfin avec la présence du court-métrage français de Nicolas Hugon : GAME OF THE DEAD. Quel que soit le disque, la définition du film est un peu légère mais le plaisir de revoir cette sympathique comédie «zombiesque» prend bien évidemment le pas sur l'aspect purement technique.