Header Critique : EVIL : IN THE TIME OF HEROES (TO KAKO : STIN EPOHI TON IROON)

Critique du film
EVIL : IN THE TIME OF HEROES 2009

TO KAKO : STIN EPOHI TON IROON 

TO KAKO, EVIL dans son titre de vente international), a remporté un succès inattendu. Petit film d'horreur grec réalisé à l'énergie avec un budget misérable, le film a réussi à séduire une audience internationale pour se retrouver édité aux quatre coins du monde.. Sauf en France, visiblement… Logiquement, une séquelle a été envisagée. Budget démultiplié, effets spéciaux mécaniques et numériques plus élaborés, action et quota de gore surdéveloppés… et la surprise de trouver Billy Zane au générique. Bon moyen de mieux vendre le produit à l'international et d'assurer un revenu sûr à l'acteur.

TO KAKO STIN EPOHI TON IROON, TO KAKO 2 ou encore en anglais EVIL : IN THE TIME OF HEROES embraye directement après la fin du premier film. Athènes a donc été dévastée. Les quatre survivants tentent de s'échapper du stade où ils étaient cernés. Visés par des snipers, ils se réfugient auprès d'un autre groupe où ils retrouvent, encore vivant, Argyris (Argiris Thanasoulas). Ils découvrent que «Le mal» («To Kako») a déjà frappé la Grèce quelques 2800 ans auparavant et qu'une terrible bataille s'est déroulée aux portes d'Athènes. Mais pendant que les morts-vivants attaquent, l'OTAN décide de bombarder la Grèce afin de la rayer de la carte du monde.

Avec des moyens encore relativement étroits mais pourtant six fois supérieurs à ceux de l'original, TO KAKO 2 se permet une vision assez incroyable de l'Athènes moderne : vide, silencieuse via de splendides plans aériens d'une métropole désertée. Il en va de même pour la ville antique ici reconstituée. Le film développe alors des thématiques et une échelle d'action plus ambitieuses et plus vastes que son prédécesseur.

Pour commencer, les attaques de zombies sont multiples et orchestrées de manière spectaculaire. Le but n'étant pas les effets-trouilles, on sent rapidement que le gore et le fun resteront les deux mamelles du métrage. Il faudra repasser pour la crédibilité de l'ensemble. Mais le film dégage une telle force et une telle jouissance dans l'équarrissage généralisé de morts-vivants qu'il est impossible de lui en vouloir. Pour en rajouter une couche, le budget est inférieur à 800.000 euros. Aux vues du résultat, il est urgent pour certains de s'en inspirer pour le rendu mais aussi le plaisir provoqué auprès des spectateurs.

Démarre alors un déluge, que dis-je, un typhon, un Katrina de gore décomplexé ! Décapitations par dizaines, démembrements, explosions crâniennes, boyaux qui dévissent… le Festival de Cannes de la chair pantelante. Un croisement à la vas-y-comme-j-te-pousse du bon vieux latex des familles et du numérique. Tout ne verse pas dans la réussite totale, loin s'en faut. L'ombre de l'aspect bricolo qui faisait aussi le charme du premier opus plane ici. Mais il y a une telle joie dans rentrer dans le lard de la chair… Mais on se situe à de franches coudées au-dessus des panouilles teutonnes à la Schnaas ou encore à la Timo Rose. A vrai dire, le fait même de citer ces deux réalisateurs fait ombrage à TO KAKO 2 qui est un vrai métrage de cinéma, et pas un simple DTV cradingue… Et on se prend à rêver que les récents films d'horreur français aient pu prendre la même direction.

D'autre part, le fait de coller la montée graduelle du «Mal» en parallèle avec les ravages effectués en Grèce antique réussit à changer le braquet du concept original, d'apporter un souffle nouveau et donc d'étaler une belle couche de gore antique. Inévitablement, on pense à 300 (avec 100 millions de dollars de budget en moins). Mais ce croisement illicite avec 28 JOURS PLUS TARD – en beaucoup plus violent - via ces zombies qui ravagent Athènes se révèle un mélange détonnant jusqu'à un final explosif et électrisant.

Point noir : le scénario qui patine au beau milieu du métrage. Vaguement incohérent, bourré d'idées qu'il ne prend pas toujours la peine de développer comme le voyage dans le temps du Prophète ou Argyris mourant et revenant à la vie, et prenant des directions à la fois comiques ou plus portées sur l'action… Tant pis. Le réalisateur et scénariste s'accommodent tant bien que mal des situations parfois louchant vers le sitcom. Ce sont les baquets d'hémoglobine qui donnent le change. Si la narration avance par à-coups et la logique se trouve écorchée, il réserve des personnages hauts en couleurs. Et se permet quelques coups de griffes bienvenus sur la société grecque actuelle et son machisme ambiant. Le lieutenant Vakirtzis (Andreas Kontopoulos) est expert en art militaire, apte au combat mais se retrouvant devant une femme soldat (Eftyhia Yakoumi), de plus sa supérieure, il ne peut pas se comporter autrement qu'en beauf primaire. Tout comme Argyris qui se retrouve devant la jolie Vicki (Ioanna Papa), qui ne s'intéresse en fait qu'au père septuagénaire du héros contrarié. Inversion des codes sociaux, satire du machisme grec, le film sait aussi marquer des points de ce côté-là… tout en réservant des sorts tragiques à quelques uns de ses protagonistes principaux.

L'autre souci demeure l'usage et l'abus de shakycam. Si elle peut se comprendre dans les scènes d'attaque afin de créer du dynamisme et de l'urgence, la dernière partie devient un peu too much pour le spectateur. Ceci dit, cela créé un lien avec TO KAKO, privilégiant cet aspect stylistique afin de masquer la pauvreté du budget… Toutefois, cette suite ne doit compter que sur ce type d'énergie au diapason des plâtrées sanglantes qui parsèment le film pour tenir les 88 minutes indiquées.

Le plupart des actrices et acteurs ne diront probablement rien aux spectateurs internationaux ; Hormis Billy Zane qui semble prendre du plaisir à jouer un prophète qui se ballade dans le temps. A mi-chemin entre une parodie de Jedi et un prophète antique, il assure un minimum de classe et de second degré. Et il faut avouer que sa scène de bataille recèle un trait de génie de la part du metteur en scène ! Pour le reste, les acteurs survivants du premier film (Argiris Thanasoulas, Pepi Moschovakou, Mary Tsoni, Meletis Giorgadis et Andreas Kontopoulos) sont de retour, accompagnés par une cohorte de zombies amateurs mais également de figures connues de la télévision grecque. Par exemple, Apostolis Totsikas fait partie du casting (avec Meletis Giorgadis) de TO KLEIDI TOU PARADISOU, un sitcom policier assez populaire. En fait, les milieux télévisuel et cinématographique grecs étant relativement limités, la plupart des acteurs et actrices ont plus ou moins travaillé ensemble à un moment de leur carrière, s'agissant de film ou de télévision.

Idem pour la quatuor à l'origine de TO KAKO qui rempile ici. Yorgos Noussias, Petros Nousias, Claudio Bolivar et Christos Houliaras presque tout à plus ou moins grande échelle : les effets spéciaux, le scénario, la photographie, la réalisation… un vrai travail d'équipe d'amoureux du genre qui souhaite donner un maximum au spectateur dégourdi qui ne sera pas trop exigeant sur la qualité finale.

TO KAKO 2 oscille entre comédie non-sensique – un excellent gag dans un stade au début du film - , slapstick, drame et horreur tout en ménageant une part de plaisir coupable. Et la réalisation évite de se prendre au sérieux. On pourra lui reprocher le côté foutraque de l'ensemble et je-m'en-foutiste de la caméra. Cependant, la mise en scène se veut dynamique et généreuse, à défaut d'être réglée au millimètre près : c'est justement ce qui créé sa patte.

Terminons enfin en ajoutant que la vision du film laisse un arrière-goût ironique étrangement prémonitoire. Le simple fait d'imaginer que les autres nations ne trouvent d'autres solutions que de détruire la Grèce du fait d'un mal étrange qui ne s'en prend qu'à ce pays précis prend une dimension autre au regard de la grave crise que la Grèce traverse aujourd'hui et des atermoiements politiques des principaux acteurs économiques mondiaux à l'égard du berceau de la démocratie.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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