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Critique du film
MANGUE NEGRO 2008

 

Dans la mangrove, une petite communauté survit comme elle peut en exploitant la faune. Jusqu'au jour où deux pécheurs trouvent un cadavre flottant sur l'eau. C'est le point de départ d'une invasion de morts-vivants qui vont venir semer la zizanie dans la déclaration d'amour qu'un jeune du coin s'apprêtait à faire à la seule femme séduisante aux alentours…

Peu connu, le cinéma fantastique brésilien se résume essentiellement à l'œuvre de José Mojica Marins. En effet, mis à part ce cinéaste hors norme, le Brésil semble, vu de l'extérieur, peu enclin à la production d'œuvres fantastiques. Les jeunes générations donnent néanmoins l'impression de vouloir se bouger puisque nous avions parlé d'un projet de métrage entre le post-apocalyptique et le film de morts-vivants, PORTO DOS MORTOS qui semble, aujourd'hui en mai 2010, un peu perdu dans les limbes. Mais le Brésil, c'est aussi la patrie de Rodrigo Aragão. Fils d'un propriétaire de cinéma, et accessoirement magicien, le jeune cinéaste se tourne naturellement vers les effets spéciaux après sa découverte de L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE et, surtout, EVIL DEAD. Ainsi, il va mettre la main à la pâte sur les maquillages de courts-métrages réalisés par des connaissances. Evidemment, il va lui-même expérimenter en tournant ses propres courts-métrages horrifiques. De là, il n'y avait qu'un pas vers la production d'un véritable long-métrage, MANGUE NEGRO !

Alors qu'il est originaire de Guarapari, Rodrigo Aragão ne tourne pas sa caméra vers les plages et infrastructures touristiques qui font vivre une grande partie de l'industrie locale. A l'inverse, il préfère s'éloigner de la ville pour filmer un microcosme plus «roots» du Brésil. Les héros de MANGUE NEGRO vivent dans la jungle et subsistent tant bien que mal du fruit de la pêche et de la collecte de crustacés dans la mangrove. Mais le film de Rodrigo Aragão n'a pas vocation à nous dresser le portrait social d'une communauté rurale. La pauvreté des habitants et leurs difficultés sont surtout pour le cinéaste un décor atypique dans lequel il lui est possible de narrer une histoire de morts-vivants. On pourra même se demander s'il ne s'agit pas d'un choix astucieux pour s'accommoder d'un budget que l'on imagine plutôt limité. La «jungle» offre un cadre exotique et isolé qui permet de s'affranchir d'une distribution peuplée de nombreux comédiens. Au passage, on pourra souligner que les acteurs du film n'offrent pas des prestations exceptionnelles et leur jeu outrancier flirte assez souvent avec l'amateurisme. Cela n'a, à vrai dire, pas une grande importance puisque MANGUE NEGRO est un film d'horreur expansif qui s'accommode assez bien de ce type de dérive. Cela fonctionne beaucoup moins, toutefois, lorsque Rodrigo Aragão fait le choix de cadrer longuement une vieille femme récitant un morne monologue sans fin. Un très long passage qui fait retomber l'ambiance relativement festive que MANGUE NEGRO avait imposé jusque là. Qui plus est, cette vieille dame au phrasé hésitant est interprétée par un homme très lourdement maquillé. Plus qu'une femme d'un certain âge, cette longue séquence donne surtout l'impression de voir une personne entartée depuis des lustres. Une interminable séquence où MANGUE NEGRO affiche pas mal de défauts. Ce qui a de quoi inquiéter, car le film dépasse largement la moyenne des quatre vingt dix minutes et, au final, le métrage a tendance à s'enliser dans un certain ennui. A tel point que lorsque sur la fin laborieuse, l'un des personnages propose comme dernier échappatoire de gravir une haute montagne, l'effroi d'assister à un métrage sans fin vient à l'esprit !

Bien que Rodrigo Aragão cite EVIL DEAD comme l'une de ses influences majeures, son film se rapproche bien plus des délires d'un Peter Jackson en début de carrière, BAD TASTE et surtout BRAINDEAD. De ce dernier film, Rodrigo Aragão donne l'impression d'avoir extirper son personnage principal. La figure héroïque n'est pas celle d'un homme viril et sûr de lui. Au contraire, c'est donc un personnage un peu simplet et très naïf qui est mis en avant. Pour bien appuyer son manque de confiance dans ses propres capacités, le film le montre tentant de se prendre en main pour dévoiler ses sentiments à la femme qu'il aime. Ce ressort scénaristique, utilisé dans le film comme un gag de répétition, permet aussi de créer des liens entre les personnages et, accessoirement, de créer une vague histoire romantique où un troisième larron impose une menace supplémentaire. Mais le danger, dans MANGUE NEGRO, ce sont donc des morts-vivants sortis d'on ne sait où. Comme souvent, l'histoire ne révélera jamais vraiment les origines de cette invasion de zombies pour s'intéresser surtout à la survie des personnages. Rodrigo Aragão ne s'embarrasse donc pas vraiment d'un quelconque folklore, brésilien ou pas.

MANGUE NEGRO a des défauts, ceux d'un film produit avec peu de moyens par un cinéaste qui se lance pour la première fois dans la réalisation d'un long métrage. Heureusement, le film de Rodrigo Aragão a tout de même deux qualités. La première est de proposer un spectacle enjoué, du moins dans les deux premiers tiers ; la seconde est de faire gicler généreusement l'hémoglobine, de manière très brute, il est vrai, mais avec un enthousiasme communicatif. La filiation avec le Peter Jackson de BRAINDEAD y est tout aussi évidente avec l'envie de repeindre les murs avec du sang et toutes sortes de substances dégoûtantes. Et s'il est difficile de voir dans MANGUE NEGRO une réussite du Septième Art, c'est tout de même un essai brésilien notable, avec ses hauts et beaucoup de bas, dans le domaine du gore sans complexe.

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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