Header Critique : DUGGHOLUFOLKID (NO NETWORK)

Critique du film et du DVD Zone 2
DUGGHOLUFOLKIÐ 2007

NO NETWORK 

Kalli (Bergþór Þorvaldsson) est un jeune geek expédié malgré lui chez son père (Árni Beinteinn Árnason) pour la fête de Noël. Il vit au nord de l'Islande avec sa nouvelle femme Vigdis (Margrét Vilhjálmsdóttir) et leur fille Ellen (Þórdís Hulda Árnadóttir) qui semble être medium. Les deux enfants vont se retrouver coincés par une tempête de neige dans une maison isolée en compagnie du fantôme d'un enfant mort il y a plusieurs centaines d'années.

Le film a réussi à sortir en Belgique en 2008 (uniquement dans la partie flamande) sous le titre d'exploitation internationale NO NETWORKPas de réseau») qui n'est d'ailleurs pas une traduction littérale du titre original, qui s'approcherait plutôt de «Peuple de la fosse de Dugg», en fonction des sous-titres anglais proposés. Il s'octroiera un succès modeste lors de sa sortie islandaise fin décembre 2007, devenant malgré tout l'un des trois gros succès locaux de l'année.

Il s'agit clairement d'un film destiné aux enfants de 8 à 12 ans. Le réalisateur et scénariste Ari Kristinsson reprend au passage certains thèmes développés dans son précédent film STRIKKFRI. Mais au fur et à mesure du métrage, le spectateur se rend compte qu'il se trouve à des kilomètres d'une vision disneyienne ou bessonnesque de l'enfance. Légendes nordiques, fantômes qui hantent les glaciers, dégustation d'yeux de poissons frais… on se retrouve dans un univers proche de KÖLD SLOÐ construit sur la culture et les croyances populaires islandaises (mâtinée dune ambiance à la CHAIR DE POULE !).

Le jeune Kalli est obsédé par la technologie et surtout, tous les moyens de communication modernes qui lui permettent de ne pas se trouver face à face avec tout humain de manière générale. Ultime paradoxe, même sa mère lui parle dans leur appartement par webcam interposée ! Toujours son casque vissé sur sa tête, mobile en main et ordinateur branché, il évite tout contact. C'est à peine s'il salue son père en débarquant de l'avion, fonçant sur son téléphone portable afin de photographier les paysages. Sa relation avec Ellen vire au désastre, tant il demeure persuadé qu'elle est une sorcière. En même temps, la mère d'Ellen reste persuadée qu'elle a hérité du don de son défunt père, à savoir de communiquer avec les morts.

Dès l'arrivée chaotique de Kalli, l'histoire se concentre alors sur la relation tendue entre les deux préadolescents, évacuant rapidement les adultes de la narration. Se sentant rejeté, Kalli essaye alors de rejoindre sa mère par ses propres moyens. Tentant désespérément de la contacter via son mobile alors que toute connexion réseau est impossible, il sera secouru malgré tout par Ellen et son chien Tryggur, lovés dans un igloo au cœur d'une violente tempête de neige. La seule communication possible passera alors par ce qu'il ne croit pas tangible : l'au-delà.

Le récit initiatique de Kalli vers le monde des humains va ainsi se garnir de différentes épreuves qui pourront étonner le spectateur français (et même anglo-saxon) de par la rudesse et le caractère très cru des images. Tout d'abord Kalli devient le témoin inopiné de l'égorgement d'une chèvre blessée par des éleveurs qui les mènent à l'abattoir. Il en sauvera une dont le reste du troupeau s'est écrasé au bas d'une falaise glacée. Elle devient ainsi un nouveau compagnon qui suit Kalli dans ses aventures. Mais à peine a-t-on le temps de s'attacher à la bête que la pauvresse se fait dévorer par un ours polaire ! Très caractéristiques des films nordiques de manière générale, les histoires ne détournent pas la notion de mort ou de souffrance du monde enfantin. Ainsi l'apparition du fantôme d'un jeune homme que la croyance populaire croit coupable d'avoir précipité un groupe d'hommes du haut d'une falaise et dont les ossements ont été retrouvés auparavant par le père d'Ellen, lui aussi medium. Le passé et le présent se rejoignent d'une étrange manière… L'univers enfantin islandais est décidément composé d'éléments complètement étrangers à notre propre culture !

Le réalisme islandais va également faire prendre au film une tournure assez curieuse et macabre pour un spectacle destiné aux enfants (tout du moins à nos yeux !). De l'horreur d'un quotidien décalé par rapport au nôtre : les chèvres égorgées, les croyances aux fantômes et à la communication avec les morts… le film glisse sur une pente fantastique teintée parfois de merveilleux. L'ours polaire dérive sur une plaque de glace depuis le Groenland, par exemple. Puis une séance de spiritisme en pleine maternité, jusqu'à la découverte d'ossements d'enfant en plein glacier, d'apparitions fantomatiques… un peu comme si le Club des Cinq d'Enyd Blyton s'était transporté en Islande en ayant pris des accents macabres en cours de route.

Pour donner corps à tout cela, Ari Kristinsson a choisi un format Scope via la caméra HDV Viper de chez Thomson. Un choix technique de plus en plus usité aujourd'hui, qu'il s'agisse d'exemples aussi prestigieux que COLLATERAL ou DOMINO ou plus malheureux comme HIGHLANDER : THE SOURCE ou DEADGIRL. Puis il y a adjoint une photographie lumineuse qui baigne l'ensemble du métrage. Y compris dans des scènes d'obscurité, le choix est fait de contraster un maximum les ténèbres (l'apparition du fantôme, l'accès à la fosse) de par des sources de lumières très vives. Même le phénomène d'albedo parait minimisé dans les scènes en plein jour après la tempête. Le cadre somptueux des étendues montagneuses solitaires jusqu'aux scènes d'intérieur (avec l'attaque de l'ours) sont magnifiées par une profondeur de champ scrupuleusement étudiée et une mise en scène ingénieuse. Peu d'effets spéciaux intrusifs : ils demeurent discrets et le réalisateur souhaite visiblement ne pas les mettre au centre de l'action, juste un complément à l'ensemble.

La mise en scène ne cherche ainsi pas à appuyer les effets. Elle laisse les éléments disposés dans le cadre créer l'atmosphère. Le meilleur exemple demeurant l'apparition de l'ourse polaire qui s'effectue non pas pour effrayer mais s'intègre à l'action de manière naturelle. Ce qui va de consort avec le respect de l'environnement et des mythes nordiques. La situation géographique conditionne directement le récit. Ce dernier se pare d'une certaine naïveté, de par son fondement de film destiné aux enfants, mais surtout d'une vraie fraîcheur dans le ton et la manière. Tolérance des rapports intrafamiliaux et ce jusque dans une famille recomposée, qui n'est pas sans rappeler les thèmes développés dans le dessin animé NIKO, LE PETIT RENNE, co-production entre plusieurs pays nordiques. Ce qui change des sempiternels drames intimistes français à vocation tragique ou d'une vision unilatérale ripolinée de machins hollywoodiens polycopiés et décérébrant à la HIGH SCHOOL MUSICAL, entre autres.

DUGGHOLUFÓLKIÐ représente une impossibilité de prévoir un tel film vue notre connaissance exiguë du cinéma traditionnel européen. A fortiori à destination des enfants. Dans un cadre timoré qui tombe dans la pondération du montré et la modération du signifié, cet exemple islandais démontre que l'enfant ne peut indéfiniment se refuser à se heurter à l'expression du réel (la mort, le manque, l'affrontement de ses peurs). Si le récit capte les peurs enfantines et la mise en scène se focalise sur les deux héros (qui se détestent mais finiront par trouver le respect mutuel), l'un comme l'autre n'oublient jamais de considérer le spectateur comme quelqu'un doué de réflexion, sans la recherche de l'exploitation du fond de commerce et autres produits dérivés. A des lieues, donc, de spectaculaires débilités actuelles qui se déversent lors de vacances scolaires. Suivez mon regard.

L'édition islandaise respecte le format 2.35:1 initial avec un transfert 16/9 de bonne qualité. La copie présente toutefois quelques effets de moirage (notables avec les fondus au noir, séquence pré générique, par exemple). Hormis ce point de détail, aucun défaut apparent ni défaut de compression. Les teintes de peaux paraissent naturelles et les contrastes apportent un vrai dynamisme lors de scènes nocturnes, voir par exemple les scènes dans la fosse ou celle finale dans le cimetière.

La piste 5.1 islandaise est très efficace ! La présence de sous-titres anglais aide à la compréhension du récit qui, quoique linéaire serait très délicat à suivre sans la connaissance de la langue islandaise. Les effets sonores de la tempête, entre autres, enveloppent littéralement le spectateur doté d'un home cinéma avec système 5.1. L'ensemble des canaux est sollicité de manière précise et régulière au fur et à mesure des aventures des deux jeunes héros. Tout ceci afin de créer une atmosphère adéquate : sensation d'enfermement dans l'igloo de fortune, mystère dans la fosse du glacier… la présence d'une autre piste en stéréo n'apporte rien de plus, demeurant bien moins dynamique et riche que celle en 5.1. On constatera hélas l'absence de bonus, hormis un film annonce en accès direct depuis le menu initial. Le chapitrage apparaît dans un menu animé, mais il faudra savoir se contenter du minimum pour cette édition. Mais tout comme pour KÖLD SLOÐ, la rareté du produit et la liberté de ton vu le sujet mérite largement l'effort de s'attacher à la découverte de ce sympathique DUGGHOLUFÓLKIÐ.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
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397 critiques Film & Vidéo
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Un conte fantastique parfois étonnamment adulte
Un excellent 5.1
On n'aime pas
Absence de bonus relatif au film
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L'édition vidéo
DUGGHOLUFOLKIÐ DVD Zone 2 (Islande)
Editeur
Sena
Support
DVD (Double couche)
Origine
Islande (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h21
Image
2.35 (16/9)
Audio
Icelandic Dolby Digital 5.1
Icelandic Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Anglais
  • Islandais
  • Supplements
    • Bande-annonce
    Menus
    Menu 1 : DUGGHOLUFOLKID (NO NETWORK)
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