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Critique du film
SAUNA 2008

 

A la fin du XVIème siècle, après cinq années de guerre, la Suède et la Russie signent un traité de paix. Suite à cela, une petite délégation composée de Russes et Suédois a pour mission de tracer avec exactitude les nouvelles frontières. La troupe se lance alors dans un voyage qui les mènera à traverser un marais où se trouve un village à côté duquel se dresse un mystérieux sauna antédiluvien …

Dès son premier film, le cinéaste finlandais Anti-Jussi Annila se démarque du tout venant. Et pour cause, il va tourner un film de sabre en coproduction entre la Finlande et la Chine. Mélangeant les mythologies scandinaves et chinoises, le réalisateur expose ainsi au grand jour sa passion pour le cinéma d'action asiatique. Mais JADE WARRIOR est un projet qu'il mettra plusieurs longues années à concrétiser. Au contraire, SAUNA lui est amené sur un plateau par l'un des producteurs de son film précédent. Pour autant, on lui propose de mettre en boîte un métrage horrifique où évoluent des nénettes à poil dans un sauna avec morts violentes à la clef. Evidemment, ce n'est pas du goût du cinéaste qui va réorienter le film avec le concours du scénariste Iiro Kütner. SAUNA passe d'un métrage horrifique pour teenagers à une œuvre complexe et dépressive lorgnant carrément vers le cinéma de Ingmar Bergman ou Andrei Tarkovski. Si cela s'avère moins marqué que dans son premier film, le cinéaste utilise une nouvelle fois l'influence asiatique au travers de spectres qui semblent échappés de films japonais mais s'insérant plutôt bien dans le contexte évidemment nordique de l'intrigue.

A moins d'être Scandinave ou Russe, le film de Anti-Jussi Annila débute à une période historique qui s'avère un peu obscure pour les spectateurs. En effet, la région où se déroule l'action sera le lieu de nombreux affrontements et finira par devenir la Finlande qui n'était jusque là qu'une province suédoise. Mais ce contexte géographico-politique n'a, à vrai dire, pas une grande importance dans le déroulement d'une histoire qui pourrait très bien être transposée ailleurs. Passé une rapide présentation, la nationalité des divers personnages perdra assez vite de son importance et il n'en subsistera que l'antagonisme palpable entre deux factions. Russes, Suédois ou toutes autres nationalités, les personnages de SAUNA sont avant tout des hommes bons ou mauvais qui doivent vivre avec les actes commis par le passé. Dans un climat assez lourd où les haines et rancœurs sont encore vivaces, les anciens combattants collaborent malgré eux à une tâche administrative. En débarquant dans un village qui semble hors du temps, notre troupe va découvrir un sauna particulièrement étrange puisqu'il aurait la particularité de laver les pêchés de ceux qui y entrent. Une rédemption clef en main qui a de quoi tenter pas mal de monde ! Encore faut-il, avant de pouvoir se laver la conscience, accepter tout le mal que l'on a pu faire. Un travail sur soi qui sera plus ou moins difficile à mener pour certains des vétérans et plus particulièrement Erik. Personnage rustre et brutal, il s'avère le négatif de son frère, homme instruit à la faible constitution. Autant que les deux frères, les factions en présence évoquent de la même façon les disparités et similitudes d'une même famille. Les hommes sont ainsi amenés à se déchirer pour de futiles questions de territoire ou de religion basées essentiellement sur la jalousie et l'intolérance. Si l'histoire se déroule au XVIème siècle du côté de la frontière finlandaise, à l'évidence, rien n'a changé dans la nature humaine. SAUNA exploite d'ailleurs au maximum son concept en lui donnant un grand nombre de ramifications. Toute la richesse du film de Anti-Jussi Annila s'insère naturellement dans une trame scénaristique laissant l'impression de découvrir une œuvre mûrement pensée et réfléchie.

SAUNA va tout de même se mériter. En effet, le préambule paraît assez rebutant avec des dialogues quelque peu cryptiques et un rythme assez lent qui risquent d'abandonner des spectateurs en chemin. Et pourtant, le film se révèle au fur et à mesure qu'il se déroule, devenant bien plus accessible et levant petit à petit le voile camouflant sa richesse. SAUNA allie d'ailleurs autant le fond que la forme. Particulièrement soignées, les images, pourtant minimalistes, s'admirent dans un scope très classe. L'interprétation est au même niveau, les acteurs semblant carrément habités par leurs personnages et délivrant, pour certains, des prestations d'une grande intensité. Autant de qualités pour un métrage qui se révèle très émouvant sur sa fin avant d'abandonner le spectateur face à un horrible dénouement nihiliste. Présenté durant l'édition 2009 du Festival du Film Fantastique de Gérardmer, le film a manifestement eu beaucoup de mal à séduire puisqu'il n'a remporté qu'une seule récompense, le Prix du Public Jeune. Ce qui, en soit, est plutôt optimiste pour notre avenir compte tenu du sujet du film !

Rédacteur : Christophe Lemonnier
Photo Christophe Lemonnier
Ancien journaliste professionnel dans le domaine de la presse spécialisée où il a oeuvré durant plus de 15 ans sous le pseudonyme "Arioch", il est cofondateur de DeVilDead, site d'information monté en l’an 2000. Faute de temps, en 2014, il a été obligé de s'éloigner du site pour n'y collaborer, à présent, que de manière très sporadique. Et, incognito, il a signé de nombreuses chroniques sous le pseudonyme de Antoine Rigaud ici-même.
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