Eurovision 1978. le duo luxembourgeois Baccara entonne un effroyable «Parlez-vous français» avec un accent terrible. Bulgarie, 2007. Tibor Takacs nous livre via ce MEGA SNAKE (ou MEGASNAKE selon les affiches) un «Parlez-vous le Nu Image» sans accent qui chavirera les cœurs les plus hermétiques.
Ploucville, USA. Un serpent mystico-légendaire se trouve lâché par mégarde de son bocal et commence à grandir au fur et à mesure qu'il engloutit des êtres vivants.
Voici, en gros, ce que donne l'histoire (ahem) «originale» que l'un des producteurs, le légendaire Boaz Davidson (LE TOMBEUR LE FRIMEUR ET L'EMMERDEUSE, ce chef d'œuvre méconnu de la comédie israélienne, c'était lui), a pu lâcher sur le papier histoire de lancer vite fait la production d'un enième film de serpent géant. Producteur, scénariste, réalisateur… il n'a besoin de personne, ce Boaz Davidson ! Et légitimement, après avoir subi KING COBRA, SNAKEMAN, ANACONDA 1 à 4, PYTHON, BOA, BOA vs PYTHON, Ton pis contre mon boa, les trucs en plume et j'en passe, il faut donc subir les assauts de MEGA SNAKE. Tout ça, c'est bien joli, mais parlez-vous le Nu Image ?
«Ca ressemble à de l'alcool mais ça n'est pas de l'alcool» : tout l'art de transformer la campagne bulgare en Ploucville, Tennessee. Afin de réduire considérablement les budgets et donc faire «plus riche», les tournages sont donc décentralisés en Bulgarie depuis belle lurette pour la plupart des productions Nu Image. Utilisant à la fois les décors naturels, les techniciens, les spécialistes en SFX et le stock 35mm Kodak à Sofia. Sans oublier, bien sûr, de garder le contrôle du budget depuis Hollywood.
«J'ai l'air de rien, comme ça, mais je connais le cinéma et la télévision» : tous les films sont invariablement issus de plusieurs autres dont les arguments sont repris peu ou prou à la base. MEGA SNAKE n'échappe pas à la règle. On a le droit à un semblant de GREMLINS avec les règles à suivre afin de ne pas réveiller le serpent mystique. Puis une louche Des DENTS DE LA MER avec cette fête du village que le maire ne veut pas annuler, même avec la menace d'une créature qui peut tout avaler sur son passage. Sans parler de la myriade de films d'attaques animales où les victimes se suivent et se ressemblent. On trouvera un affrontement de frères à la SHERIFF FAIS-MOI PEUR, une pincée de l'AGENCE TOUS RISQUES pour le pick up transformé en canon à flamme via un barbecue ( un des moments vraiment fun du film). Et pour couronner le tout, comme le film est destiné au Sci-Fi Channel, on y trouve même un cameo du gagnant de leur Reality Show «Qui veut être un Super héros ?», saison 2, à savoir Feedback (Matthew Atherton) dans une hallucinante prestation sur comment apprivoiser l'électricité. Le tout devant un parterre de jeunes figurants bulgares doublés à la tronçonneuse. Un grand sommet de solitude celluloïdale.
«Il faut garder une morale saine» : ben oui, hein, sinon, à quoi ça sert tout ça ? Donc : drogue = pas bien. Sexe = pas bien. Obscurantisme religieux = pas bien (ok, ça on est d'accord). Voler = pas bien. A contrario , famille avec ch'ti n'enfant = bien. Suivre les règles = bien…. Tout est à l'avenant et donc parfaitement prévisible. A croire que le serpent possède une prédilection pour les victimes qui ont franchi la ligne jaune du moralement répréhensible. Que les âmes sensibles se rassurent : pas un enfant n'y passe. Bref, on nage en pleines années 80, un peu comme une résurrection Cannonistique.
«Coupes-toi les ongles et passe-moi le beurre» : au rayon séduction, c'est un peu le désert. Il y a bien quelques bimbos botoxées qui veulent faire plus jeunes que leur âge et des figurant(e)s bulgares qui font aussi américain(e)s que Sofia ressemble à New York City… mais pour une série B, il y a un sérieux manque de titillement érectile ou de mamelon turgescent.
«J'ai un casting Denfert Rochereau» : Généralement, un production Nu Image se targue d'un héros beau gosse un peu connu, accompagnée d'une jolie héroïne et de quelques méchantes trognes. Ce type de produit étant une formule décalquable à l'infini, MEGASNAKE ne déroge pas à la règle. Soit Michael Shanks de STARGATE SG1 (et autres spin-off) et Siri Baruc, inoubliable interprète (!) de GLASS TRAP. Si l'on passe des habitués des productions Nu Image (Todd Jensen, Michal Yannai, Yoan Karamfilov, Michael McCoy…) , on y croise aussi Terence H. Winkless, ancien de l'écurie Corman qui a commis le NOT OF THIS EARTH de 1995, l'assez intéressant THE NEST pour se crasher en beauté sur NIGHTMARE CITY 2035 qui semble avoir été tourné en même temps que ce MEGASNAKE dans les studios de Sofia.
Au beau milieu de ce fatras, Tibor Takacs parle bien le Nu Image et fait ce qu'il peut. En fait, c'est plutôt correctement agencé : rythmé, avec une caméra assez mouvante, tentant l'humour second degré avec, entre autres, les deux papies à la gâchette légère au fond des bois. S'il avait pu sauver la mise sur ICE SPIDERS ou encore MANSQUITO, qui bénéficiaient de scénarii bien mieux agencés et d'une histoire solide, Takacs prend un peu l'eau comme il le fit pour KRAKEN : TENTACLES OF THE DEEP. Il a beau retrouver la jolie Michal Yannai pour l'occasion, mais pourvu d'un scénario rapiécé de toutes parts, aucun miracle possible. Et même pas assez trash pour pouvoir s'amuser. Le réalisateur tente bien l'autoréférence : pour se détendre, le frère du héros se regarde MANSQUITO à la télévision juste avant de se faire avaler par le monstre. Mais c'est bien maigre ! Seul le dernier quart semble apporter de l'énergie, avec un parallèle entre les entrailles de la fête foraine et les entrailles de la bête (où doit se dérouler le combat final !) est habilement mené et bourré d'action.
En fait, le fun revient aux effets spéciaux qui représentent ce que Nu Image a pu produire de mieux jusqu'à présent. Si l'on enlève certains plans finaux à la fête foraine où l'incrustation numérique n'est pas très heureuse, la présence du serpent géant grandissant à l'écran est plus qu'honorable pour un film destiné à la télévision. Si l'on passe quelques gags pitoyables (le frère du héros qui se fait attaquer en regardant la télévision), le serpent possède une présence intéressante. Qu'il soit à sa taille initiale, avec deux apparitions surprises qui fonctionnent à faire sursauter le spectateur, jusqu'à ses déambulations en foret, en ville et jusqu'à l'attaque à coup de tête contre un 4x4, le CGI semble connaître une amélioration croissante chez les sous-traitants bulgares (qui ne font pas que du yaourt). Ceci dit, il faudra mettre la crédibilité au vestiaire, où il ne faut pas oublier son père. Lors de l'attaque de la fête foraine, les pauvres clients de la fête courent sans se rendre compte qu'un serpent géant se faufile à quelques centimètres de leur tête. Enfin, les amateurs de gore trouveront quelques plans à se mettre sous la dent : un crane craqué en deux, des chèvres régurgitées, le serpent qui arrache un pouce, décapite une série de têtes sur un manège et autres maquillages sanglants bienvenus
En clair, on ronge son frein entre les scènes d'attaque et on se contrefiche des atermoiements amoureux du héros. Passés donc un tiers de film à coller à la poubelle la plus proche, les scènes où le serpent se déchaîne sont presque sympathiques. Mais il faut quand même se farcir un scénario d'une bêtise abyssale que même le métier d'un honnête artisan comme Tibor Takacs ne saurait sauver d'une complaisante médiocrité. Idéal ceci dit pour boucher la case samedi soir du SciFi Channel et de l'amateur peu exigeant de série B - louchant sur la C, voire la D -.
C'est First Look qui a écopé l'honneur de sortir ce méga-serpent en DVD. Avec une superbe jaquette bien mensongère pour commencer. D'abord sur le recto avec une affiche trompeuse et ensuite au verso sur la durée indiquée à 104 minutes. Cette dernière est en fait de 91mn. Ensuite, un format 1.78:1 respecté et un transfert 16/9ème qui donnent une copie assez fade, même dans l'utilisation de curieux filtres rosés lors de certaines scènes extérieures (au bord du lac ou l'attaque du shériff en pleine forêt). Une compression moyenne mais sans effet notoire collatéral. On ne dénote aucune griffure ni poussière, pas plus que d'effet détectable de "edge enhancement" mais on pourra voir quelques soucis de moirage… c'est juste correct, même si les teintes chair semblent moins naturelles. «Sur le chemin du son, on y trouve quoi faire du blé» mais pas de quoi faire une riche moisson sonore pour autant. Le mixage en version anglaise 5.1 s'avère assez médiocre. Des dialogues sur les voix avant, tout comme la majeure partie des effets sonores et musicaux ; de très rares incursions sur les voix arrières et un caisson de basse qui ne sert finalement pas à grand chose. Une autre piste anglaise en simple stéréo est proposée pour celles et ceux ne disposant pas d'installation technique permettant le 5.1. Là aussi, il faut s'attendre à une qualité attendue et sans aucune surprise d'un strict point de vue sonore. Les spectatrices/spectateurs ayant quelques soucis avec la langue anglaise se verront aidés par un sous-titrage en langue anglaise (ou espagnole pour les plus téméraires)
Si les sorties DVD Z1 de MANSQUITO ou encore LARVA étaient pourvus de making-of, cette édition DVD de MEGA SNAKE n'offre que la bande annonce relative au film. Le reste est composé de huit autres films annonces d'oeuvres produites et/ou distribuées par First Look Studios.