Laura Crawford est enlevée à son hôtel. En échange de sa libération, les ravisseurs demandent six millions de dollars. La facture est salée même pour le producteur qui allait faire de l'actrice la vedette des années 80. Il accepte tout de même de payer mais compte bien revoir aussi l'argent. Pour se faire, il engage un aventurier dont la mission est de ramener la jeune femme mais aussi, si possible, les six millions de dollars. Mais les kidnappeurs ont choisi de s'installer sur une petite île où des indigènes vouent un culte à un dieu monstrueux qui erre réellement dans la jungle.
A la fin des années 70, les cannibales font recette après le gros succès du DERNIER MONDE CANNIBALE et surtout de CANNIBAL HOLOCAUST. La maison de production française, EuroCiné, exploite tous les genres en vogue : Western, aventure, thriller, horreur… Il n'en faut donc pas plus pour mettre en chantier d'aventureuses incursions filmiques chez les indigènes bouffeurs d'hommes. Sur ce sujet, trois films vont être produits TERREUR CANNIBALE, MONDO CANNIBALE et SEXO CANIBAL. Deux d'entre eux seront réalisés par Jesus Franco qui n'a manifestement pas beaucoup d'inspiration en regard de son sujet. Le SEXO CANIBAL qui nous intéresse ici sera titré et re-titré à outrances sous divers patronymes un peu partout dans le monde : CHASSEURS D'HOMMES, CHASSEUR DE L'ENFER, MANDINGO MANHUNTER, DEVIL HUNTER, EL CANNIBAL, etc… Pour se simplifier la vie, continuons de l'évoquer sous le titre folklorique de SEXO CANIBAL. Le métrage bénéficie d'une triple nationalité puisqu'il a été financé par l'Espagne et la France mais aussi l'Allemagne. Cela explique d'ailleurs très probablement la présence de la starlette Ursulla Buchfellner qui fut quelques années auparavant en page centrale des éditions allemandes et américaines de Playboy. Son investissement dans SEXO CANIBAL ne sera pas, comme on s'en doute, motivé par ses seuls «talents d'actrice». Elle tournera ensuite deux autres films pour Jesus Franco où elle dévoilera tout autant ses charmes : SADOMANIA et LINDA. D'autres Allemands rejoignent l'aventure et le film met aussi en scène Gisela Hahn et Werner Pochath. Les plus physionomistes reconnaîtront au passage la Française Muriel Montossé sous le pseudonyme de Victoria Adams. La distribution est complétée par des fidèles de Jesus Franco : Robert Foster (Antonio Mayans), Yul Sanders (Claude Boisson)… Le rôle du monstre errant la zigounette au vent dans la jungle est donné à un sportif portugais qui prendra le nom de Burt Altman.
Enfin, il serait injuste de ne pas évoquer l'Italien Pier Luigi Conti, c'est à dire Al Cliver. Le comédien va œuvrer dans le cinéma Bis italien en commençant du côté des pelloches coquines mais ce sont surtout ses prestations dans un grand nombre de Lucio Fulci dont L'ENFER DES ZOMBIES qui lui donneront ses faits de gloire. Peu commun, il incarne donc ici le héros d'histoires aventureuses où l'on finit par croiser des cannibales. Il sera d'ailleurs la vedette des deux films de cannibales réalisés par Jesus Franco. Dans SEXO CANIBAL, il a ainsi l'occasion de nous faire une démonstration de galipettes à répétition sur une plage pour éviter les balles qu'on lui tire dessus. Ou, mieux, il met en avant ces grandes capacités physiques en courant, nageant et luttant contre divers adversaires. Il prouve aussi ses dons d'alpiniste en grimpant difficilement un rocher devant une falaise. L'ascension aurait pu être longue mais le film nous l'épargnera pour retrouver notre héros directement au sommet. Curieusement, il redescendra beaucoup plus facilement avec une nana sur l'épaule. N'étant pas des spécialistes de la montagne, nous laisserons le bénéfice du doute à un interprète qui nous donne aussi une leçon de combats éprouvants avec un colosse maléfique. L'affrontement se résumera à quelques prises de catchs rudimentaires dont un double nelson ravageur. SEXO CANIBAL assure ainsi son lot de séquences d'action et d'aventure tournées non pas sous les tropiques mais le long des côtes espagnoles !
Ce métrage de Jesus Franco est relativement curieux puisque le cinéaste ne montre pas beaucoup d'intérêt dans ce qu'il fait alors que, dans le même temps, l'histoire se développe relativement normalement. Le cinéaste a peut être simplement suivi à la lettre le déroulement du scénario écrit par le producteur Julian Esteban. Malgré son titre SEXO CANIBAL ne fait pas vraiment la part belle aux indigènes dégustant d'étourdis aventuriers. Et pour cause, le film ne met en scène qu'un seul cannibale qui n'a rien de banal. En effet, il s'agit d'une sorte de colosse aux yeux atteints d'une affliction non identifiée. Pour simplifier, on lui a mis des demi-balles de ping pong sur les yeux entourés de pâte à modeler. L'homme ressemble alors vaguement au mort-vivant aux yeux exorbités du classique de Jacques Tourneur, VAUDOU, mais l'effet n'est pas vraiment convaincant. Cela n'a pas une grande importance de toutes façons. En effet, Jesus Franco filme son «monstre» à distance dans les fougères et, on le suppose, en donnant à la caméra des soucis de vision sensés refléter ceux du vilain bonhomme. Une grande partie du film est ainsi baignée dans un flou qu'il sera difficile de qualifier d'«artistique». C'est plus ou moins flou, c'est tout ! Expérimentations ou problèmes techniques, bien malin qui pourra répondre. Car si une partie du film aligne des images floues par endroit ou dans leur intégralité, il faudra aussi compter avec un voile quasi constant donnant l'impression que tout le film a été tourné dans une nuit américaine ratée. Grisâtre, les images du métrage restituent rarement les couleurs de la végétation, du ciel ou de la mer. «Rarement» car il arrive par miracle que certains plans soient normaux. Une même séquence alternant parfois des images aux tonalités complètement différentes donnant à l'ensemble une apparence bizarroïde. On pourra s'amuser à faire un parallèle, toutes proportions gardées, avec l'approche très curieuse du CONQUEST de Lucio Fulci. Néanmoins, ici, le spectacle aurait tendance à rapidement donner mal au crâne sans même que ce ne soit en relief. Notre unique cannibale, d'où le titre espagnol EL CANNIBAL, erre donc dans la forêt à poil et en poussant des râles sans fin. La créature est manifestement surnaturelle puisqu'une tribu locale lui voue un culte et lui offre des sacrifices composés de nanas dénudées auquel il arrache le cœur. Les sacrifices sont précédés de préparations rituelles qui nécessitent de malaxer la victime avant de lui faire prendre une douche et de la malaxer à nouveau. Le tout devant l'œil concupiscent de la caméra. Jesus Franco ne pouvant s'empêcher de réaliser des zooms langoureux sur le fessier des jeunes femmes ou leur entrejambe en espérant capter quelques mystères dans les toisons velues. L'érotisme de SEXO CANIBAL manque un peu de piment et Jesus Franco fera beaucoup mieux dans le genre au sein d'œuvres dans lesquelles il s'investira réellement.
Pourtant, SEXO CANIBAL démarre relativement bien en mettant en parallèle deux séquences a priori antinomiques. D'un côté, on assiste à la chasse d'une jeune femme par des indigènes alors que dans le monde «civilisé» une starlette est la proie de chasseurs d'un autre type, des paparazzis. Le parallèle entre les deux pourrait être intéressant s'il y avait réellement un discours ou un thème développé mais ce ne sera pas du tout le cas. Très vite, le contraste entre tamtams tribaux et musique disco s'avèrent un peu ridicule. Dommage ! La suite du film se laisse gentiment regarder au second degré. Les situations et dialogues sont ainsi le plus souvent risibles. Quelques séquences gores viennent émailler un métrage auquel personne ne semble vraiment croire. Pourtant, il faut relativiser puisque SEXO CANIBAL s'avère meilleur, dans son genre, que les deux autres métrages de cannibales produits par EuroCiné et, surtout, Jesus Franco a commis bien pire dans sa carrière.
Severin Films présente SEXO CANIBAL en DVD sous le titre américain DEVIL HUNTER. Une fois le disque dans le lecteur, le film nous est présenté dans une copie provenant d'Espagne avec le titre EL CANNIBAL ainsi que tous les textes en espagnol. Pourtant, aucune des deux pistes sonores ne sont pas dans cette langue. A la place, on trouve deux doublages, l'un en anglais et l'autre en français. La version anglaise est atroce. Le doublage français est du même niveau mais s'avère souvent amusant à coups de dialogues ridicules ou bien grâce à un mixage étrange. Par exemple, lorsque deux hommes s'affrontent sur une plage, la mer fait un bruit de baignoire. Ou bien lors du dernier affrontement, les effets sonores sont agrémentés d'un écho surréaliste. Il ne s'agit pas d'un défaut du doublage français, ces choix artistiques sont aussi présent sur la piste anglaise. En tout cas, les doubleurs français étaient bien plus investis dans leur tâche et essaient, vainement, d'insuffler un peu de vie à leurs personnages. La version originale, on ne la trouvera donc pas sur le DVD si tant est qu'il existe réellement une version originale. En effet, Ursulla Buchfellner, d'après Jesus Franco, parlait essentiellement allemand et était à peine capable d'aligner trois mots d'anglais. Difficile dans ce cas de penser que le film ait pu être tourné en espagnol, en italien ou en ce que vous voulez puisqu'une bonne part des autres acteurs ne devaient probablement pas parler allemand. En tout cas, le DVD propose un sous-titrage anglais, au cas où. Il est important de noter que la jaquette n'indique pas les pistes audio ni le sous-titrage. De plus, les 89 minutes indiquées ne sont pas le reflet de la réalité. La copie du film présentée sur le DVD fait 102 minutes.
L'image est le reflet d'un travail extrêmement particulier. Il ne s'agit pas d'un défaut du DVD, l'éditeur assure être parti du négatif original espagnol (mais où est la version espagnole dans ce cas ?). En tout cas, certains rares plans laissent entrevoir des images arborant une très belle définition et des couleurs naturelles. Le problème, c'est que ces plans sont noyés dans des images affublés de filtres rendant l'image hideuse ou littéralement floue. Cette édition DVD du film arbore donc la (très mauvaise) vision de son réalisateur et de son directeur de la photographie ! Le format cinéma est, quoi qu'il arrive, respecté avec un transfert 16/9.
Severin Films est allé faire parler Jesus Franco. L'interview démarre très fort et, en deux questions seulement, le cinéaste se contredit de manière assez amusante donnant une belle preuve de l'ambiguïté d'un personnage dont la filmographie fleuve est composée d'environ deux cents métrages. Durant une quinzaine de minutes, il avouera n'avoir aucun intérêt pour les films de cannibales et évoquera sa rencontre avec Ruggero Deodato tout en parlant de manière un peu erronée de CANNIBAL HOLOCAUST. Il n'en reste pas moins que le cinéaste s'avère plutôt sympathique. L'interview est conduite en langue anglaise mais pour assurer une bonne compréhension, les réponses de Jesus Franco sont sous-titrées dans la même langue. Pour conclure, il est important de préciser que ce DVD est en Zone 0 et qu'il peut donc fonctionner sur tous les lecteurs de DVD, même en France, à condition d'être équipé d'un diffuseur capable d'afficher du NTSC.