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Critique du film et du DVD Zone 2
FELIDAE 1994

 

En 1994, un film d'animation allemand titré FELIDAE parvient à se frayer un chemin au sein des salles obscures européennes. Adaptée du roman éponyme écrit par Akif Pirinçci, cette fabuleuse et très sanglante histoire de meurtres félins illustre tout le talent du réalisateur Michael Schaack lequel bénéficia d'un gros budget compte tenu du genre, des thématiques et esthétiques choisis. La bande originale d'Anne Dudley (THE FULL MONTY, 1997, Peter Cattaneo ; AMERICAN HISTORY X, 1998, Tony Kaye) et le travail du directeur artistique Desmond Downes (LE PRINCE D'EGYPTE, 1998, Brenda Chapman) méritent également d'être salués. Mais c'est un plaisir auquel le spectateur français n'eut pas le droit, FELIDAE n'ayant jamais été projeté dans les salles de l'hexagone.

Un chat nommé Francis s'installe avec son maître dans un quartier tranquille pour découvrir que ce dernier abrite un assassin de félidés. Aidé par Barbe-Bleue, Félicité et Pascal, notre héros mène une enquête qui d'expériences scientifiques en sectes et rêves étranges, transformera à tout jamais sa conception du groupe social.

La réussite du métrage s'explique par l'excellence d'un scénario sachant équilibrer péripéties, mystères et scènes d'amour, sans pour autant chercher à éluder les conséquences burlesques de l'anthropomorphisme induit par l'humanisation de nos félins. Ces derniers calquent leur comportement non pas vraiment sur le quidam mais davantage sur ceux qui le caricaturent ou le fantasment à l'écran. Aussi Francis évoque-t-il le héros type du film noir américain, façon de se poser en décalage avec le monde contemplé. Comme ses modèles, le chat comprend d'abord les événements avec tout le recul qui dans le genre précédemment cité, caractérise les flics désabusés. À ce titre, une voix off illustre la perspicacité d'un être non dénué d'humour, de même apparenté aux détectives mondains entre autres plébiscités par le roman anglais. Extrêmement sophistiqué, notre matou n'apprécie guère la vétusté de sa nouvelle demeure, reproche à quelques hommes leur laisser-aller et prise les “bons mots”. Opposé à son nouvel ami, Barbe-bleue rappelle certains “mauvais garçons” dont de multiples oeuvres ont dévoilé la générosité cachée. Pascal incarne le savant, Félicité la femme pure et une charmante petite siamoise, la vampe. FELIDAE s'inspire ainsi de personnages emblématiques afin d'asseoir la crédibilité de bêtes par conséquent immédiatement identifiables. Dans une optique similaire, une esthétique expressionniste singularise un paysage urbain chargé de refléter la présumée déliquescence morale d'une société où règne le crime. L'errance citadine prend parfois une dimension cauchemardesque, soumise à la déformation épouvantable des murs, trottoirs et toits. Des corbeaux, orages ou escaliers en colimaçon révèlent l'usage pareillement subtile du référent gothique enclin à déréaliser le cadre référentiel au maximum.

En subordonnant sa mimèsis à celle vulgarisée par des genres très codifiés, notre fiction vise à faciliter une identification, a priori fort délicate, aux animaux parlants. En ce sens, le public suivra sans peine les aventures toutes à la fois rocambolesques et terrifiantes de notre Sherlock poilu via des séquences d'action, de pure terreur ou de drôlerie dont la diversité évite à l'oeuvre de se focaliser sur un registre précis. Point de pastiche ici, mais une enquête rondement menée qui de rebondissements en déductions et escarmouches, parvient à entretenir un véritable suspense. Les pistes se multiplient, avortent puis offrent les clefs du mystère, faisant presque oublier au spectateur qu'il a affaire à un métrage d'animation. Ce dernier exploite fort intelligemment les qualités communément attribuées aux mistigris dont l'odorat développée conforte ou invalide les hypothèses. De même, la légendaire souplesse des félidés octroie aux courses-poursuites un dynamisme presque “aérien” pour exprimer en terme spatial l'extrême tension des épisodes. Quelques panoramiques accentueront la fluidité d'une mise en scène bien décidée à respecter le point de vue évidemment particulier de nos héros à quatre pattes. Outre l'intrigue, ce parti pris commande le soubassement comique de FELIDAE. Assurément banale, la réinterprétation de notre système de référence alimentera deux ou trois répliques particulièrement savoureuses. Qualifié d'“ouvre boîte” par Barbe-bleue, l'Homme oblige Francis à habiter dans une maison où stagne une odeur “de cabinet de véto”. Le déplacement des détectives novices au sein de la cité ne se mesure pas en rue mais en jardin. Certes appréciable, cette tonalité comique n'entrave guère le développement de son équivalente épique, bien au contraire. La légèreté présupposée d'un univers soumis à l'incidence burlesque de l'anthropomorphisme se trouve atténuée par l'omniprésence d'images cauchemardesques, voire gores. Les nombreux rêves qui perturberont Francis empruntent à l'Épouvante cinématographique divers motifs tels la distorsion surnaturelle des silhouettes, le surgissement d'êtres maléfiques ou la vision d'immenses charniers. Le sang gicle également dans la réalité. Chats éventrés, décapités ou disséqués; le réalisme qui détermine la représentation des meurtres inscrit FELIDAE dans la catégorie des films pour adultes. De fait, l'oeuvre de Michael Schaack tend à faire réfléchir sur les dérives occasionnées par l'adhésion bornée au “darwinisme social”.

Dans ”L'Origine des espèces” (1859), Charles Darwin confère à la fameuse “loi du plus fort” une justification scientifique en observant l'extrême longévité, et donc la présumée suprématie, des êtres capables de s'adapter aux contingences du temps et de l'environnement. De simple constat chez Darwin, la “sélection naturelle” s'érige en théorie puis en programme politique. La croyance en l'existence d'une race supérieure se propage dans certaines élites occidentales pour être finalement (?) utilisée par les nazis. FELIDAE entend faire allusion à ce qui constitue l'une des périodes les plus noires de notre histoire pour élargir son analyse au dénouement évidemment catastrophique d'une adhésion à quelque forme d'obscurantisme. Religieux (secte), scientifique (mythe du savant fou) et politique ; le fanatisme admet une manipulation des foules dont l'exercice souvent violent motivera dans notre cas, des scènes autant hallucinantes qu'éprouvantes. La métaphore animale s'avère d'ailleurs fort pertinente ici puisque nos félidés demeurent quotidiennement victimes d'une catégorisation équivalente. Un chat angora coûtera plus cher qu'un simple bâtard. “Pure race”, voilà une étiquette qui ne semble choquer personne au sein de nos animaleries, et pourtant...

Estampillé Metropolitan, le DVD français de FELIDAE propose des qualités techniques somme toute convenables, contrairement à certains choix éditoriaux. En 1.85 respecté et 16/9ème, l'image présente une définition ainsi qu'une compression de bonne tenue, chose quasi indispensable pour un métrage d'animation traditionnel. Inhérentes aux cellulos originaux, quelques poussières apparaîtront à l'écran, sans gravité. Si l'image demeure correcte, il n'en va pas de même en ce qui concerne les pistes sonores. L'éditeur omet de nous offrir la possibilité de visionner le film dans sa version originale allemande. La chose s'avère d'autant plus dommageable que Michael Schaack choisit des comédiens de renom pour donner “voix” aux personnages. Entre Ulrich Tukur (AMEN, Costa-Gavras, 2002 ; LE COUPERET, Costa-Gavras, 2005) et Mario Adorf (LE SPÉCIALISTE, Sergio Corbucci, 1969), FELIDAE affiche une réelle volonté de soigner une interprétation malheureusement inaccessible pour nous. Les non germanophones ne pourront guère se reporter sur la galette allemande dans la mesure où cette dernière n'admet que des sous-titres... allemands Tout juste acceptable en français (cabotinage habituel des voix que l'on devine appartenir à Patrick Poivey pour Francis) ; Julien Guiomar pour Barbe-Bleue) et horripilante en anglais (les protagonistes donnent l'impression de réciter un texte), le doublage laisse dubitatif, malaise accentué par sa totale éviction du générique. En Dolby Digital 5.1, la version anglaise met en exergue des voix bien trop timbrées et mal mixées. Davantage spatialisée, son équivalente française, également en 5.1, est à privilégier.

Outre quatre sympathiques (mais inzappables) bandes annonces, Metropolitan laisse l'acheteur sur sa faim en expurgeant le DVD des commentaire audio et making of qui enrichissent son homologue germanique. Exsangue, la galette française possède le mérite de mettre à notre disposition un film totalement inédit dans nos contrées. Voilà bien un moindre mal pour une oeuvre difficile à commercialiser, à la base, en France en raison de l'amalgame généralement fait dans les esprits entre “l'animation” et “l'enfance”.

Rédacteur : Cécile Migeon
46 ans
33 critiques Film & Vidéo
1 critiques Livres
On aime
L’originalité d’un métrage particulièrement sanglant
La qualité de l’animation
La bande originale
On n'aime pas
L’absence de la version originale
L’absence de bonus
Le doublage anglais
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L'édition vidéo
FELIDAE DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h18
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
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