De curieux et sanglants suicides laissent la police japonaise face à une énigme. Pour la percer, on demande à une jeune inspectrice de faire son enquête selon des méthodes moins habituelles. Elle rentre alors en contact avec un jeune homme plutôt particulier. Il a, en effet, le don de s'insinuer dans les rêves et cauchemars d'autres personnes…
De TETSUO à VITAL, la majeure partie de la filmographie de Shinya Tsukamoto va traiter du corps humain, de la mort et de la société urbaine. Des thèmes sur lesquels l'auteur estime avoir fait le tour à l'issue de VITAL même si il réalise, dans la même optique, un moyen métrage, HAZE, pour le compte d'un festival. En entamant son dixième film, il choisi de s'orienter vers un projet plus classique et qu'il veut avant tout divertissant. Son nouveau film sera d'ailleurs coproduit avec une autre maison de production comme ce fut le cas de HIRUKO THE GOBLIN et GEMINI, deux films que l'on peut qualifier de «commandes». Avec NIGHTMARE DETECTIVE, Shinya Tsukamoto entend donc prendre un nouveau départ tout en s'offrant un interlude plus commercial. En apparence tout du moins… En effet, NIGHTMARE DETECTIVE n'a rien d'une rupture brutale avec ses œuvres antérieures et s'impose même comme une sorte de prolongement. La présence constante et écrasante des immeubles renvoie à TOKYO FIST, le monstre en pleine mutation fait penser aux TETSUO alors que l'on pense à BULLET BALLET lorsque le tueur du film évolue dans son appartement. Paresse du réalisateur réduit à recycler le meilleur de son cinéma plutôt qu'à nous proposer un véritable nouveau départ… Ou bien trait d'union vers ce que pourrait faire Shinya Tsukamoto à l'avenir. En effet, à l'origine, NIGHTMARE DETECTIVE a été pensé comme une trilogie. Deux autres films auraient donc du voir le jour mais le cinéaste a déjà condensé les idées de son second et troisième opus dans le script d'un seul film qui devrait sortir dans le courant de l'année 2008. Plus question d'une trilogie et NIGHTMARE DETECTIVE 2 devrait donc ouvrir la porte vers de nouveaux thèmes chez le réalisateur tout en mettant un terme à l'histoire du personnage interprété par Ryuhei Matsuda.
Bien que Shinya Tsukamoto cherche avant tout à faire un film plus commercial qu'à son habitude, il n'en reste pas moins que NIGHTMARE DETECTIVE est plutôt sombre et dépressif. Conscient de cela et compte tenu du budget investi, Shinya Tsukamoto a l'idée de contrebalancer cet état de fait en engageant pour l'un des rôles principaux une personnalité populaire. Chanteuse à succès depuis une bonne quinzaine d'années, on propose à Hitomi de devenir actrice pour la première fois dans le cadre d'un long métrage. Si elle annonçait au moment de la promotion du film que cette expérience fut enrichissante, la chanteuse déclinera la proposition de participer à NIGHTMARE DETECTIVE 2. Au demeurant très jolie, elle montre toutefois ses limitations en tant qu'actrice dans NIGHTMARE DETECTIVE ce qui ne pénalise pas vraiment le résultat final. Les autres rôles principaux seront tenus par des acteurs plus expérimentés tel que Masanobu Ando, Ren Osugi et Ryuhei Matsuda dans le rôle principal. On notera aussi la présence du vétéran Yoshio Harada qui interprète au début du film un homme dans le coma. Comme souvent, Shinya Tsukamoto apparaît lui-même à l'écran dans un rôle important puisqu'il est, ici, une sorte de tueur en série. A l'instar de ses précédents métrages, NIGHTMARE DETECTIVE aligne aussi à son générique des techniciens qui ont déjà travaillé à plusieurs reprises avec le cinéaste comme Chu Ishikawa, compositeur attitré de Shinya Tsukamoto.
L'intrusion de personnages dans les rêves ou le subconscient d'autrui n'a rien de très nouveau. A ce niveau là, NIGHTMARE DETECTIVE ne fait donc pas dans l'innovation car d'autres l'ont déjà précédé. Impossible de ne pas évoquer Freddy Krueger qui hante les cauchemars de ses victimes depuis LES GRIFFES DE LA NUIT mais on pourra encore citer DREAMSCAPE, la série SLEEPWALKERS ou THE CELL. Mais Shinya Tsukamoto aborde le sujet de façon quelque peu différente. L'enquête policière se trouve bien vite dans une impasse et préfère s'orienter vers la description de ses personnages. Ainsi, tout semble nous amener à une confrontation finale où de nombreuses révélations nous sont faites sur le passé des personnages principaux. NIGHTMARE DETECTIVE débute comme un film d'horreur relativement classique, avec clin d'œil aux clichés des spectres japonais à l'appui, pour finalement se terminer dans un registre beaucoup plus introspectif. Très spectaculaire, le face à face final avec le tueur est à l'image du cinéma de Shinya Tsukamoto. A savoir riche thématiquement et intelligent tout en étant extrêmement démonstratif d'un point de vue graphique à coups d'images pour le moins «gore». NIGHTMARE DETECTIVE parsème d'ailleurs tout au long de son intrigue des images chocs et sanglantes de victimes lacérées sauvagement. Au passage, le film semble aussi être une sorte de contrepoint à l'inquiétant phénomène du suicide au Japon. Le mal être japonais est évoqué très clairement au travers de personnages exprimant leur haine envers la ville ou le pays. Le tueur prénommé «0», lui-même une victime de la négation de l'individu, trouve là une façon de s'exprimer en exploitant les faiblesses des autres. Difficile de savoir s'il s'agit d'une façon pour Shinya Tsukamoto de dénoncer le cynisme avec lequel les médias japonais se sont emparés de l'acte suicidaire au travers de livres et films ces dernières années. Mais NIGHTMARE DETECTIVE se termine, en tout cas, sur une petite phrase optimiste envers l'être humain qui tranche finalement avec l'horreur dépressive du métrage !
Avec ce nouveau film, Shinya Tsukamoto ne signe certainement pas sa meilleure œuvre. Toutefois, NIGHTMARE DETECTIVE exprime, une nouvelle fois, la singularité de Shinya Tsukamoto en tant que cinéaste. Sans compter que ce NIGHTMARE DETECTIVE sera à réévaluer lorsque NIGHTMARE DETECTIVE 2 sera distribué puisque le cinéaste annonce, comme déjà dit, l'avoir pensé à l'origine en plusieurs parties.
CTV commercialise NIGHTMARE DETECTIVE sous la forme d'un double DVD qui permet à l'éditeur de placer le film seul sur le premier disque. Un choix qui devrait assurer une compression parfaite du film mais on pourra tout de même noter ici ou là quelques petits soucis numériques. Cela dit, il n'y a rien de catastrophique au milieu d'un transfert 16/9 qui offre une image de grande précision et dotée de couleurs très froides. Les petits soucis de compression s'oublient alors très aisément.
Le choix des pistes sonores est plutôt curieux. En effet, le film n'a pas connu de mixage multi canal à l'origine et la plupart des éditions DVD sorties précédemment proposaient seulement des pistes en stéréo pour la version originale japonaise. Le disque français propose donc la piste originale, en stéréo, mais offre aussi la possibilité de voir le film en Dolby Digital 5.1 et en DTS. Malheureusement, ces mixages 5.1 ramènent le souvenir de ce qui s'était passé, par exemple, sur TOKYO FIST du même réalisateur. Manquant de punch, la piste stéréo, d'origine, offre un rendu sonore bien plus satisfaisant et propose un impact curieusement plus probant ! Les trois pistes japonaises sont proposés avec un sous-titrage français.
Sur le deuxième DVD, on trouve les suppléments du film qui s'ouvre par un documentaire d'un peu moins d'une heure fort sympathique. Coupé en plusieurs tranches, Shinya Tsukamoto s'exprime sur la genèse du film ainsi que sur les divers acteurs principaux qui interviennent eux aussi pour nous faire partager leurs expériences sur le tournage et le travail avec le cinéaste. Assez symptomatique des tournages asiatiques, une partie est allouée aux dernières prises des acteurs à qui l'on offre une ovation. Ce documentaire couvre ainsi la plupart des étapes de création du film. Un passage fort amusant nous montre un malicieux Yoshio Harada qui donne des conseils à Ryuhei Matsuda, acteur d'une génération différente. En complément, une dizaine de minutes sur les effets spéciaux donnent plus librement la parole à Takashi Oda qui collabore avec Shinya Tsukamoto depuis de nombreuses années. C'est aussi l'occasion de découvrir de façon plus détaillée la créature ainsi que les effets spéciaux sanglants du film. Typique des productions asiatiques, une vidéo nous propose de suivre l'équipe en tournée promotionnelle à la première japonaise du film où lors des projections dans les festivals. Bien moins intéressant car nous livrant des interventions promotionnelles redondantes et rodées, ce segment nous donnera tout de même un bon moment lorsque l'on demande, sur scène, à l'équipe de raconter leur pire cauchemar. Shinya Tsukamoto nous livre alors son pire cauchemar qui s'avère plutôt amusant dans la façon que le cinéaste a de la raconter. La bande-annonce française met alors un terme aux suppléments dédié directement au film… On notera qu'une autre bande-annonce, celle de COQ DE COMBATS, est visible à l'insertion du premier DVD.
Mais il reste encore un autre supplément. Il s'agit d'un court-métrage français réalisé par Eric Dinkian. Généralement, l'adjonction de court métrages qui n'ont pas de lien direct avec l'équipe de production du film est le plus souvent incongru. Cette fois, il faut bien reconnaître que KAOJIKARA est un complément plutôt pertinent au film de Shinya Tsukamoto. Bien que n'ayant pas de rapport direct avec l'intrigue de NIGHTMARE DETECTIVE, ce court-métrage développe tout de même de nombreux points communs avec l'œuvre du cinéaste japonais. Produit sur une durée de trois ans, KAOJIKARA exploite d'ailleurs par coïncidence l'idée de personnages aux visages brouillés comme c'est le cas lors d'une courte scène de NIGHTMARE DETECTIVE, ce dernier sera pourtant tourné plus tard. Un court-métrage qui permet de terminer en beauté l'interactivité de cette édition double DVD de NIGHTMARE DETECTIVE.