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Critique du film et du DVD Zone 3
STRANGE CIRCUS 2005

 

A 12 ans, Mitsuko (Mai Takahashi) est violée par son père (Hiroshi Ohguchi). Sa mère, Sayuri (Masumi Miyazaki), les surprend avec horreur, mais ne dis rien. La perversion du père montera ensuite d'un cran, lorsqu'il enfermera sa jeune fille dans un étui à violoncelle troué pour la forcer à assister à ses ébats avec sa femme. Puis c'est au tour de la mère de prendre place dans le l'étui, afin qu'elle soit le témoin de la relation incestueuse de son mari et de sa fille. Victimes du même monstre, Sayuri et Mitsuko, mère et fille, vont commencer à se confondre. Lorsque Sayuri meurt d'une chute d'escalier, Mitsuko va définitivement prendre sa place et son apparence... Cette terrible histoire est le dernier roman d'une célèbre femme écrivain, Taeko (à nouveau Masumi Miyazaki). Est-ce une autobiographie ou pure invention ? Taeko est-elle Sayuri ? Ou bien Mitsuko à l'âge adulte ? Un jeune assistant (Issei Ishida) va l'accompagner jusqu'à la fin de son récit tout en nouant avec elle une étrange relation.

A l'origine poète, Sion Sono se tourne vers la réalisation dans les années 90 non par passion pour le cinéma mais pour expérimenter sur un nouveau médium (l'artiste est aussi musicien, homme de théâtre et performer). Quelques essais plus tard, Sono lâche sur les écrans en 2002 la bombe SUICIDE CLUB et sa cinquantaine d'écolières sautant à l'unisson sous les rames du métro en gloussant. Avec ce film, Sion Sono prouve à des spectateurs médusés que l'on peut oser parler de problèmes terribles (ici le suicide adolescent) sous l'angle du grotesque, de l'outrance et de la provocation décalée. Les yeux internationaux maintenant braqués sur lui, Sono reprend les chemins des plateaux trois ans plus tard et signe pas moins de quatre films sur l'année 2005 (Takashi Miike n'a qu'a bien se tenir). Outre une préquelle à SUICIDE CLUB, NORIKO'S DINNER TABLE, Sono livre ce STRANGE CIRCUS qui laisse sans voix.

Pédophilie, inceste, pertes des repères sexuels et d'identités, automutilations (le film nous dit que les victimes d'abus se sentent comme amputés), STRANGE CIRCUS aborde un spectre thématique particulièrement lourd et délicat. Toujours à contre courant, Sion Sono ne va pas traiter son histoire de manière frontale et documentaire comme le font la plupart des cinéastes s'aventurant dans des registres similaires. Il va choisir l'angle de «l'ero-guro», ce genre typiquement nippons mixant érotisme, grotesque (et parfois non-sens) popularisé par l'auteur japonais Edogawa Rampo. STRANGE CIRCUS verse donc dans l'horreur, dans la fantasmagorie (avec notamment cette représentation de cirque qui suggère l'inconscient de la petite Mitsuko), le surréalisme mais aussi la sensualité perverse. N'allez cependant pas croire que le film montre des séquences de viols infantiles. Sono ne tombe jamais dans la complaisance ou l'intolérable grâce à l'intelligence de sa mise en scène. En faisant de la fille et de la mère deux personnages se confondant, Sono utilise la comédienne adulte pour les séquences figurant les relations de la fillette avec son père. Par ce biais, il évite toute représentation frontale des perversions tout en conservant la force d'impact intellectuelle.

La pédophilie n'est pourtant pas le sujet central du film. Il s'agit d'une toile de fond canalisée autour du personnage du père, un homme unidimensionnel dont la perversion est vite cernée via une progression accélératrice. Le but du film est de se concentrer sur le rapport fusionnel entre la mère et la fille et d'en explorer les recoins les plus malsains sans en détourner les yeux. La superposition des deux personnages pose la question de la position de défense psychologique des victimes. La petite Mitsuko s'imagine être sa mère pour tenter de transformer la douleur du viol en plaisir sexuel entre époux consentants. De son côté, Sayuri s'identifie comme sa fille pour fuir ses responsabilités en tant qu'adulte, son silence cautionnant implicitement les agissements de son mari. Poil à gratter de la société japonaise, Sion Sono en profite pour dénoncer la suprématie de l'homme sur la femme nippone, surtout quand l'homme est une autorité financière et sociale (ici un riche directeur d'école, apparaissant tel «big brother» dans les salles de classe au travers d'un écran de télévision).

STRANGE CIRCUS est également un film qui recèle beaucoup de surprises. Comme de stopper cette histoire de tragédie familiale au bout d'une demi-heure de métrage. L'astuce narrative est connue : tout ce qui nous était conté n'était que le fruit de la plume d'une écrivain (joué par la même comédienne que la mère). Le but du film n'est pas maintenant de nous indiquer si cette histoire est vraie ou non (cela est vite démontré), mais qui à quelle place dans cette histoire. Ou se trouvent réellement Mitsuko et Sayuri dans ce sordide flashback ? Et où sont-elle maintenant dans la réalité ? Le fil de l'histoire sera finalement ré-articulé grâce à l'apparition d'un jeune assistant qui en sait beaucoup sur le passé réel de l'écrivain. On pourrait penser qu'il est à la recherche de vengeance. Pas vraiment. L'oeuvre voyage vers un seul but : remettre au bon endroit chacun des protagonistes de cette histoire avec au bout l'acceptation de la culpabilité. Les pièces du puzzle seront rassemblées in fine dans une ré-interprétation objective d'une histoire racontée jusqu'à présent subjectivement, via une mécanique qui n'est pas sans rappeler les anciens thrillers de Brian de Palma.

Beaucoup plus ambitieux et maîtrisé que SUICIDE CLUB, STRANGE CIRCUS est un film extrêmement dérangeant. Dans ses thématiques bien entendu, mais aussi dans sa faculté à brouiller régulièrement les cartes de son récit. Sono cherche à nous perdre dans l'horreur et l'absence de repère de ses héroïnes. Cela rend l'expérience du film encore plus asphyxiante. Une deuxième vision ne sera pas de trop pour trouver convenablement ses marques entre passé réel, passé fantasmé, réel et imaginaire pur et dur. Heureusement, si Sono nous égare parfois dans le récit, il soigne au maximum le sensitif de son film. La photographie est magnifique et les idées de la direction artistique sont sans fin (comme ces murs d'école maculés de matières organiques dès lors que Mitsuko est violée par son père dans son bureau). L'univers sonore est également peaufiné à l'extrême, et pour cause, Sono est également compositeur de la superbe musique du film.

Mais la grande réussite de cet effort est sans conteste l'interprétation des deux héroïnes. La jeune Rie Kuwana donne une crédibilité et un émotionnel très subtil à son terrible rôle. Mais c'est surtout Masumi Miyazaki dans le rôle de la mère qui explose dans STRANGE CIRCUS. Révélée dans le milieu des années 80 par la série de films adaptés du manga BEE BOP HIGHSCHOOL, la comédienne enchaine les rôles (parfois déshabillée) jusqu'à une retraite artistique en 1995. Elle opère dans STRANGE CIRCUS son retour après dix ans d'absence. Sa performance est ici hors du commun. Assumant jusqu'au bout un rôle très difficile (l'actrice est régulièrement au milieu de scènes de nudités), elle se pare d'une gamme de jeu d'autant plus large qu'elle interprète finalement différents «rôles» tout au long du film. Le thème du rapport à l'identité que soulève l'histoire repose donc entièrement sur ses épaules. Masumi Miyazaki relève le défi avec une grâce inouïe, faisant de ce film une expérience absolument hors norme, qui vous hante longtemps après sa vision. Attention cependant, le film reste à destination des publics (très) avertis.

Sulfureux, il va sans dire que ce film n'atteindra jamais certaines contrées. En France, il a juste été montré à l'Etrange Festival de Paris en 2006, avant de disparaître. L'édition DVD chinoise (que nous testons ici) fut la première à proposer le film doté de sous-titres anglais, mais elle est malheureusement de piètre qualité. Si le rendu technique de l'ensemble est correct, l'image, au format, n'est pas anamorphosée et la piste audio unique propose un mixage stéréo alors qu'il existe une piste multicanal. Mieux vaut préférer les éditions qui ont suivi, comme aux USA, et qui proposent le film dans des conditions optimales avec de plus des bonus dignes de ce nom. Les possesseurs du disque chinois n'auront en effet que la bande-annonce et une maigre biographie à se mettre sous la dent.

Rédacteur : Eric Dinkian
Photo Eric Dinkian
Monteur professionnel pour la télévision et le cinéma, Eric Dinkian enseigne en parallèle le montage en écoles. Il est auteur-réalisateur de trois courts-métrages remarqués dans les festivals internationaux (Kaojikara, Precut Girl et Yukiko) et prépare actuellement son premier long-métrage. Il collabore à DeVilDead depuis 2003.
49 ans
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287 critiques Film & Vidéo
On aime
Un film fascinant et hors norme
L'incroyable performance de Masumi Miyazaki
On n'aime pas
Une édition dvd médiocre
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L'édition vidéo
KIMYO NA SAKASU DVD Zone 3 (Chine-Hong Kong)
Editeur
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Chine-Hong Kong (Zone 3)
Date de Sortie
Durée
1h46
Image
1.85 (4/3)
Audio
Japanese Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Chinois
  • Anglais
  • Supplements
    • Bande-annonce
    • Biographie de Sion Sono
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