A Edimbourg, au XIXème siècle, le Professeur Robert Knox a continuellement besoin de cadavres pour ses cours d'anatomie. Il en reçoit grâce à des pilleurs de tombes. Burke et Hare, deux sinistres individus, reçoivent plus d'argent pour le corps d'une vieille femme qu'ils ont eu l'idée de tuer, les deux comparses ne vont plus attendre de morts naturelles ou par exécution ; ils vont se tourner vers le meurtre tout court.
On dit parfois que la réalité dépasse la fiction et c'est encore le cas ici. Le film de John Gilling se base sur un fait divers datant de 1827 et s'étant déroulé, justement, à Edimbourg. Pendant près d'un an, William Hare, William Burke et Helen, la maîtresse de ce dernier, ont fourni des cadavres on ne peut plus frais au Docteur Knox. A l'époque, la science était un domaine en plein essor et les médecins étaient curieux de pouvoir étudier l'anatomie humaine de long en large. Mais la disponibilité des corps, essentiellement issus des exécutions, était des plus limitée. Le vrai Docteur Knox a donc fermé les yeux, de façon consciente ou pas, sur les sinistres activités de Burke et Hare afin de pouvoir continuer ses recherches mais aussi donner des cours. Les deux comparses furent jugés et Burke condamné à mort suite aux témoignages de Hare contre lui, et le bon docteur tomba en disgrâce. Pour la petite anecdote, une couverture de livre fut confectionnée avec la peau de Burke, un curieux objet encore visible au Collège Royal des Chirurgiens d'Edimbourg. Son squelette se trouve toujours à la librairie médicale de l'Université d'Edimbourg.
John Gilling est un réalisateur bien connu des fans des films Hammer puisqu'il a réalisé l'excellent L'INVASION DES MORTS-VIVANTS et le sympathique LA FEMME REPTILE. Mais le réalisateur ne s'en est pas tenu qu'à ces deux métrages. Avant de s'éteindre en 1984, sa filmographie s'est enrichie de près de cinquante œuvres – il a commencé à tourner en 1948 avec THE CHALLENGE et n'a cessé son activité qu'en 1975 avec LA CRUZ DEL DIABLO. De sa carrière, on retiendra un cinéaste talentueux et certainement en avance sur son temps avec cette IMPASSE AUX VIOLENCES datant de 1959 et qui porte bien son titre français résumant en quelques mots judicieusement choisis l'ambiance glaçante et sans issue du film.
Dans le rôle du Docteur Knox, nous retrouvons le grand Peter Cushing qui incarne parfaitement cet homme arrogant mais d'un génie irréprochable. S'arrogeant tous les pouvoirs pour agir à sa guise, il présente néanmoins un trait d'humanité important en se conduisant un peu comme un père envers le jeune Chris Jackson (John Cairney). Cet étudiant fauché est prêt à tout pour rester dans les bonnes grâces de son professeur mais sa rencontre avec une jeune prostituée, Mary (Billie Whitelaw) va bouleverser sa vie jusqu'à l'irréparable.
Gilling explore plusieurs thèmes dans son film, tels les relations père-fils, comme nous venons de le voir, mais également les difficultés amoureuses. En effet, le jeune Chris ne semble pas très à l'aise dans l'univers classe et bridé où évolue le Docteur Knox et sa relation avec Mary va lui permettre de sortir de sa coquille. Et bien qu'il voie en la prostituée une personne douce et charmante, il n'en est pas de même pour son entourage qui, au contraire, se sent plutôt mal à l'aise face à son franc-parler et ses manières peu convenables. Les tourtereaux vivront difficilement cette infortune mais, une fois n'est pas coutume, le jeune homme restera aux côtés de sa belle au lieu de choisir la voie de la facilité et l'abandonner sans demander son reste.
Un autre thème développé, et peut-être le plus important, est celui de la science contre la spiritualité. Gilling rend les positions de chacun très claires ici. Face à un groupe de chirurgiens renommés, Knox tient un discours ferme sur les progrès de la science et de l'importance de leur avancée sans se soucier de questions secondaires comme la présence d'une âme chez l'être humain. « Quelle importance puisqu'ils sont morts ? » demande-t-il, en parfait homme de science chez qui la rationalité l'emporte sur n'importe quelle question d'ordre philosophique. Cependant, il reste un gentleman jusqu'au bout des ongles et maintient ses croyances sans ciller de façon à ce que l'on ne peut qu'admirer une telle confiance en soi. Détail amusant, le bon docteur ferme les yeux sur la réelle provenance des cadavres mais n'en supporte pas l'odeur…
Les meurtres s'enchaînent bon train avec une brutalité rarement vue dans un film de l'époque. Gilling nous balade dans ses beaux décors (de studio) d'Edimbourg des années 1800 joliment éclairés, dans une ambiance rappelant le Londres fin de siècle de Jack L'Eventreur. La population s'adonne aux joies nocturnes des pubs, sa bière et ses filles de joie puis surgit soudain la violence face à laquelle la caméra ne flanche pas. Tantôt hors image (mais suggérée par des ombres chinoises sur un mur), tantôt plein écran (avec étranglement et coups de couteau à la clé) mais sans effets gratuits, le réalisateur ne lésine sur rien pour nous décrire les actes atroces commis par Burke et Hare sous l'emprise d'une avidité pécuniaire toute-puissante. Mais au final, et au détour d'une brève scène très efficace, l'on se dit que, riche ou pauvre, l'être humain se retrouve égal face à ce genre de motivation on ne peut plus primaire. On peut alors légitimement se demander pourquoi Gilling épargne le fictif Dr Knox, allant même jusqu'à le réhabiliter alors que peu de temps auparavant, la population partait en expédition punitive contre les deux meurtriers à la lueur de leurs torches, assoiffée de vengeance dans des scènes qui ne sont pas sans rappeler la fin de FRANKENSTEIN.
William Hare est incarné par Donald Pleasence, un acteur qui sera rendu immortel par le rôle qu'il ne tiendra qu'une vingtaine d'années plus tard dans HALLOWEEN. Pleasence affiche pourtant plus de deux cent films au compteur, étant apparu dans de nombreuses séries télévisée (ROBIN DES BOIS, LA QUATRIEME DIMENSION…) mais également au cinéma dans divers titres fantastiques bien connus des amateurs, tels NEW YORK 1997, DRACULA (John Badham), PHENOMENA ou LE CLUB DES MONSTRES pour ne citer que ceux-là. Son comparse, William Burke, est campé par l'inquiétant George Rose, apparu l'année auparavant dans JACK L'EVENTREUR de Robert Baker / Monty Berman, et s'étant essentiellement cantonné aux séries TV depuis. Il connut une fin tragique en 1988, lorsqu'il fut battu à mort par quatre hommes, dont son fils adoptif et le père naturel de ce dernier.
D'vision présente ce film parmi d'autres dans leur « Horrible Collection ». Malheureusement, nous avons affaire ici au montage britannique de L'IMPASSE AUX VIOLENCES sur lequel les scènes de nudité restent habillées et ou quelques séquences violentes sont adoucies. Nous vous rassurons toutefois sur le fait qu'en tout, il doit s'agir de quelques secondes tout au plus mais cela reste toutefois dommage. D'autant plus qu'il s'agit d'une copie 16/9 au format 2.35 pas toujours d'une qualité exemplaire mais plutôt acceptable. Malgré des contrastes nets et des noirs profonds, le noir et blanc reste d'un aspect presque velouté et surtout très agréable à regarder. Quant aux pistes sonores, certains vont être déçus de savoir qu'il n'y en a qu'une, l'anglais aux sous-titres français amovibles. Le mono d'origine ne présente pas de parasites ni de souffle et pour les puristes, les différents accents des personnages restent une petite merveille à l'oreille. Reste que le doublage français brille par son absence.
Malheureusement, l'éditeur n'inclut ici aucun supplément ce qui semble également être le cas pour chaque titre de la collection. Mais que cela ne vous empêche pas de (re)découvrir ce bijou méconnu qui vaut encore le détour une cinquantaine d'années plus tard.