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Critique du film et du DVD Zone 2
AQUARIUM 2003

 

Les films ayant pour cadre un lieu unique sont nombreux. Le Paradigme de la série B : économie de coûts, de temps, maîtrise du budget et de l'espace… les avantages sont nombreux. Le cinéma de genre français semble comprendre cet état de fait à voir les exemples de CLASH, MALEFIQUE ou encore, dans une moindre mesure, de A L'INTERIEUR. Encore faut-il faire preuve d'un certain talent d'écriture et avoir suffisamment de matière afin de pouvoir alimenter la durée d'un long métrage dans un endroit clos. AQUARIUM, le premier long métrage de Frédéric Grousset, s'inscrit dans ce cadre précis. Mais… Avec un budget de 3000 euros et un temps de tournage minimal, a-t-il réussi son pari ?

Dans le commentaire audio sur l'édition DVD, Frédéric Grousset indique avoir été influencé à la fois par le BLOODY BIRD de Michele Soavi pour son titre, par une histoire de la série LA QUATRIEME DIMENSION mais aussi l'un des épisodes d'HISTOIRES SINGULIERES. Cette histoire de six personnes se retrouvant dans une pièce, sans se connaître et étant observés par un inconnu les obligeant à divers défis meurtriers peut de prime abord faire plutôt penser à la série des SAW ou bien encore à CUBE. Si la structure initiale le laisse songer, on se dirige peu à peu vers autre chose. Plus proche de CINQ SURVIVANTS d'Arch Oboler ou encore du SEPT CONTRE LA MORT d'Edgar George Ulmer. Au lieu de se concentrer sur les éclats, le film tente une approche plus contemplative qu'il n'y parait avec un argument sociétal inattendu, sans pour autant céder à la facilité d'un Loft Story héraultais ou montpelliérain.

Une intrigue ramassée, le film dure 66 mn alors que la jaquette en indique 70, couplée à une entrée droit dans le sujet, sans fioriture, afin de ne plus laisser la pression retomber. Il est d'ailleurs curieux que le film soit aussi court car l'avant-dernière scène venue, on se surprend à se dire «déjà ?». Le commentaire sur le DVD explique plusieurs choses en ce sens, notamment sur le tournage du film qui fut mouvementé et dont le découpage a du s'adapter aux aléas (comédien malade, remplacement de dernière minute)… un vrai parcours du combattant doublé d'un manuel du parfait réalisateur à l'arraché.

A la décharge du film, une interprétation inégale. Si la direction d'acteurs s'avère adéquate pour le journaliste et son antagoniste direct (Julien Masdoua), elle est moins frappante pour les protagonistes féminins. Ainsi le premier énervement de Elise (Sophie Talon), la bourgeoise du lot, semble trop artificiel pour qu'on y croie vraiment. La faute aussi à des dialogues parfois ampoulés, trop littéraires et des acteurs qui oublient qu'il s'agit d'un dialogue de cinéma et non pas d'une pièce de théâtre à déclamer. Un peu de naturel est perdu en jeu et c'est une des faiblesses de la première partie du film.

Ceci posé, le film se rattrape sur l'utilisation du désavantage du confinement. A savoir avec une caméra très mobile, sachant capter tous les mouvements possibles afin de traduire le malaise et la tension qui guette. Travellings circulaires et latéraux sont ainsi employés mais sans céder à la facilité et aux plans gratuitement flashy (hormis peut être lors de la scène finale lors du réveil d'un personnage).

Ce qui demeure curieux, concernant tous les intervenants de ce film, c'est le traitement gratiné que Frédéric Grousset fait subir au journaliste. Pédant, insupportable, prétentieux, la caricature l'emporte presque. Serait-ce délibéré, voire un règlement de compte du réalisateur envers le monde des journalistes ? Allez savoir.

On observe parfois un montage sonore et visuel particulièrement efficace dans la montée de la tension, lors de la découverte du sac, par exemple (37 minute 30 et après). Le rythme est régulier, maintenant sans cesse l'intérêt quant aux éventuels changements de situation de chacun des protagonistes. Il joue surtout sur la tension montante et les caractères qui se crispent, entre ironie, agressivité, détachement et cynisme de la situation. Toutefois, le spectateur aguerri à ce type de scénarii basés sur un retournement final aura tôt fait de découvrir de quoi il en est.

Visuellement, le film se caractérise par une unité de tons volontairement neutres à la fois dans le décor et les costumes. La pièce, blanche (glosons sur une pureté trop évidente !), ne se voit contrebalancée que par des costumes ternes, sombres. Les seuls éclats de couleurs sont le mur en briques rouges et l'assiette au contenu douteux vert et orange. On ajoutera encore les quelques effusions de sang qui parsèment le métrage. La photographie semble ainsi se concentrer sur les effets de blancheur dus au décor, sans pour autant chercher le contraste à tout prix. Elle respecte ainsi une certaine logique, une vraie cohérence quant au propos du film, concernant les risques d'une uniformisation à outrance.

Un soin particulier a été apporté à la bande son, et cela se sent sur la piste audio en stéréo. Exclusivement électronique, elle colle au sujet hors du temps d'AQUARIUM. Science-fiction ? Fantastique ? Rêve ? Réalité ? Toutes les pistes sont permises, même si l'on sent que l'issue ne peut être que fatale. La musique, atmosphérique, possède un son métallique, peu mélodique avec de nombreuses basses, faisant parfois penser à du John Carpenter (première période). Tout en parvenant à créer un espace mélodique ironique avec une inspiration très musique d'ascenseur Monoprix pour la scène d'introduction et de conclusion, renforçant son impact de piège consumériste.

Le DVD s'avère d'une bonne facture pour un film peu présenté hors du circuit habituel. Hormis une présentation au Lausanne Underground Film festival (où il obtint le prix du Public) et au Festival du cinéma méditerranéen de Montpellier (patrie d'origine de l'équipe), peu de monde connaît AQUARIUM. Un vrai pari du jeune éditeur BL Films, d'autant plus que les suppléments sont légion, totalisant près d'une heure et demi en plus de la durée du film !

Tout d'abord, on trouve les six courts métrages réalisés par Frédéric Grousset avant AQUARIUM. Leur qualité inégale démontre en tous cas une certaine polyvalence dans les sujets traités par le cinéaste français et, déjà, un certain sens des espaces confinés. Un commentaire du réalisateur est aussi offert au spectateur avide d'informations. Frédéric Grousset se prête au jeu, mais on le sent peu à l'aise avec cet exercice, du moins au début. Peu importe, si on lui laisse sa chance, des informations «sur le vif» viennent aider à la compréhension du montage d'un tel projet et donnent un éclairage sur les difficultés du vrai cinéma indépendant. Mais aussi que seule la persévérance donne espoir ! Ceci se trouve complété par un Making Of de quatre minutes, peut être trop court afin de pleinement profiter ce qu'a pu être le tournage d'un tel film.

Pour les plus audacieux, il y a un bonus dit «caché», d'un peu plus d'un quart d'heure, relatant la projection du film lors du festival de Montpellier. Enfin, il n'est pas si caché que cela puisque la jaquette l'annonce clairement ! Enfin, place au catalogue de BL films et à l'auto-promotion de rigueur avec les films annonces des produits déjà disponibles chez l'éditeur dont leur plus grand succès à ce jour, SS CAMP 5.

Le fait d'avoir été tourné presque entièrement dans une espace blanc devrait apporter un contraste permettant une vision des plus confortables. Ceci est moyennement le cas, tant l'excès de luminosité blanche peut être dérangeante. AQUARIUM, victime de son concept ? Oui et non, car le travail parfois remarquable effectué sur la photographie transparaît, notamment dans les plans au ras du sol, curieusement. Là où le côté blanc et pur de la pièce disparaît au profit de quelque chose de plus sale, de moins lisse.

AQUARIUM, fable existentielle ? Parabole consumériste ? Parfaite illustration de PAR OU T'ES RENTRE ON T'AS PAS VU SORTIR ? En tous cas, une aventure en toute indépendance, produite en dehors du système français et avec du cœur à l'ouvrage. Pour pleinement apprécier le film, le spectateur devra laisser de côté les quelques scories notées ça et là et profiter d'une expérience assez unique dans le paysage audiovisuel français. Donc oui, nous pouvons dire que Frédéric Grousset a réussi son pari.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
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Une vraie tentative indépendante française, originale et carrée
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Une interprétation pas toujours à la hauteur
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L'édition vidéo
AQUARIUM DVD Zone 2 (France)
Editeur
BL Films
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h06
Image
1.85 (16/9)
Audio
Francais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Commentaire du réalisateur
    • Making of (4mn)
      • Films annonces
      • Aquarium
      • Survivance
      • Le chateau de Frankenstein
      • SS Camp 5
      • Creepozoids
      • La clinique de l’horreur
      • Courts métrages
      • Merde (5mn48)
      • J’ai tué pour lui (13mn26)
      • Arrêt d’urgence (8mn38)
      • Fin de parcours (12mn58)
      • Dégénération 1 (7mn50)
      • Dégénération 2 (5mn40)
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