Un beta-testeur de jeux vidéo est en train de se faire la main sur un opus horrifique particulièrement immersif. L'implication et la peur sont telles que dans les minutes qui vont suivre son «Game over», l'individu va périr dans des circonstances identiques à celles de son personnage fictionnel… Le jeu arrive alors entre les mains endeuillées de Hutch, un compagnon Gamer, qui va convier cinq de ses amis à tenter l'expérience vidéo-ludique unique qu'est «Stay Alive». Dès lors, chaque faux pas dans le jeu se traduira irrémédiablement par une mort bien réelle orchestrée par la tristement célèbre Elizabeth Báthory. Wanna play ?
Le cinéma nous offre régulièrement, et ce depuis une bonne quinzaine d'années, des adaptations vidéo-ludiques (SUPER MARIO BROS, MORTAL KOMBAT, STREET FIGHTER, DOOM, etc.) sur grand écran mais aussi des longs métrages traitant de la limite souvent floue qui sépare l'univers fictionnel (via le jeu vidéo) de la réalité. Le premier grand film à se lancer dans l'aventure sera une production Disney de 1982 dans laquelle un programmeur de jeu vidéo va être obligé de déjouer, entre autres, des programmes de défense (anti-piratage ?) dans TRON. Pour vivre en tant qu'individu, il devra tenter de survivre en tant que donnée d'un jeu vidéo avant-gardiste. Vint ensuite WARGAMES en 1983 dans lequel un jeune adolescent (incarné par Matthew Broderick) confond un programme militaire bien réel avec un jeu vidéo et manque de provoquer par là même une troisième guerre mondiale. Le jeu vidéo se démocratise alors, les craintes ne sont plus les mêmes et les parents s'interrogent quant à l'impact du virtuel sur leurs enfants. Ce nouveau « problème » de société relancera la machine Hollywoodienne qui nous offrira en 1992 un COBAYE simple d'esprit trouvant l'épanouissement dans le virtuel. Passons sous silence la triste suite engendrée en 1996 pour évoquer le BRAINSCAN de 1994 nous présentant un Edward Furlong tueur en série par jeu vidéo interposé. Arrive ensuite l'incroyablement soporifique NIRVANA (1997) dans lequel Christophe Lambert, programmeur génial, va devoir affronter un virus qui pollue sa dernière création. En grand manipulateur du réel et de l'imaginaire, David Cronenberg nous offre en 1999 sa propre vision du jeu vidéo dans son très agréable EXISTENZ. Du côté du Japon, Ten Shimoyama enchaîne en 2001 avec ST. JOHN'S WORT et le génial Mamoru Oshii fait de même en nous transportant dans un monde où la banalité de l'être peut être transcendée par un virtuel plus vrai que nature. Ce sera bien entendu AVALON, œuvre traitant avec poésie d'un univers fictionnel dans lequel l'individu peut trouver son plein épanouissement. Enfin, grosse régression du concept en 2004 avec le AU SERVICE DE SATAN de Jeff Lieberman qui voit le «diable» lui-même s'adjoindre les services d'un jeune adepte de jeux vidéo totalement dépassés…
Ce rapide aperçu (non exhaustif) du genre nous mène donc fort naturellement au STAY ALIVE réalisé en 2006 par un William Brent Bell en très petite forme… Dans son métrage, le bonhomme tente de brosser rapidement le portrait de jeunes «Hardcore Gamers» (des joueurs invétérés) tombant sur un jeu vidéo horrifique dont l'usage libère le spectre de la terrible Comtesse sanglante Elizabeth Báthory. Le retour d'un démon historique dans le monde des vivants via un jeu vidéo avait déjà fait l'objet d'un métrage français assez inepte nommé SAMOURAIS (2002). L'exemple aurait pu servir de leçon mais à Hollywood, on préfère en faire sa propre expérience… William Brent Bell s'y colle donc et échoue d'entrée lamentablement lorsqu'il s'agit de nous montrer des joueurs «crédibles». L'homme n'est manifestement pas un adepte et, dès les premières minutes, nous pouvons apprécier sa vision étriquée et totalement erronée de ce qu'est un véritable joueur. Ainsi, les différents protagonistes nous sont présentés comme des adulescents quelque peu attardés dont l'infantilité n'a d'égale que la fainéantise. A l'heure où les cadres en costumes trois pièces (par exemple) représentent une part énorme du marché du jeu vidéo, cette illustration archaïque fait plaisir à voir ! Mais qu'importe car le spectateur concerné a, tout comme l'informaticien chétif, myope et boutonneux, l'habitude d'être malmené sur grand écran. Reste que STAY ALIVE prend dès le début une voie qui le prive sans aucun doute d'une bonne part de son public cible…
Cependant, STAY ALIVE n'est pas seulement un film sur le jeu vidéo. Il s'agit avant tout d'un film surfant allègrement sur la vague horrifique qui déferle depuis quelques années. Tout a été hanté, de la plus sympathique cassette vidéo à la plus vilaine des perruques, donc pourquoi pas un jeu ? Effectivement, pourquoi pas… William Brent Bell a néanmoins besoin d'un spectre digne de ce nom pour hanter son jeu. L'homme va donc chercher dans l'histoire et plus particulièrement au 16ème siècle, en Hongrie, alors que la Comtesse Báthory se badigeonnait de sang de jeunes vierges. Le fait que la «vampire» eût été portée à l'écran à de nombreuses reprises n'émeut nullement le réalisateur qui décide de se la réapproprier, transformant ainsi son personnage en simple meurtrière et omettant totalement son modus operandi avéré. La Comtesse sanglante devient dès lors un spectre sans âme (un comble !), tuant sans la moindre réelle motivation… La jeunesse éternelle n'est ici que brièvement évoquée et nous ramène d'avantage au personnage de la reine de BLANCHE NEIGE qu'à celui, exquis, incarné par Ingrid Pitt dans COUNTESS DRACULA. Pis encore, après avoir migré mystérieusement aux Etats-Unis, la Comtesse s'accapare étrangement une partie de la mythologie de la Méduse, gorgone grecque craignant de découvrir son reflet sur une surface polie !
Nous devrons donc faire à nouveau preuve d'une certaine ouverture d'esprit et accepter ce qui nous est exhibé fièrement à l'écran : Une criminelle lambda hantant un jeu vidéo à l'apparence datée, rappelant visuellement le «Shadow Of Memories» de Konami (2001). Nous noterons à ce sujet que le jeu, ainsi que les effets visuels du film, ont été réalisé par la société Pixel Liberation Front, créatrice de véritables références ludiques (deux volets de «Medal of Honor», deux volets de «Need for Speed», «Kill Zone» etc.) pour la société Electronic Art entre autres… Puisque nous abordons le milieu de l'édition du jeu vidéo, ajoutons que cet univers est, lui aussi, totalement altéré dans le métrage. On tente en effet de nous faire croire qu'aujourd'hui, un programmeur seul peut créer un jeu complexe (quinze ans environ que ça ne s'est plus vu en dehors de quelques très rares exceptions…) et le faire arriver dans les bacs spécialisés sans que personne ne soit au courant… L'ignorance se retrouve donc à tous les niveaux ce qui, reconnaissons-le, à de quoi laisser perplexe. Quel peut être le public cible d'un film horrifique traitant des jeux vidéo si ce ne sont les amateurs eux-mêmes ?
Une vraie question qui trouvera sa réponse dans la violence très épurée du métrage. Réglé comme du papier à musique, le film nous propose une mort toutes les dix minutes environ. L'orchestration est quasiment toujours la même : Un game over dans le jeu, puis quelques apparitions spectrales avant bien entendu un crime que l'on aurait souhaité graphique. «Souhaité» seulement car, malheureusement, ce n'est pas le cas ici. Le réalisateur peine réellement à susciter une quelconque tension ou autre ambiance pourtant nécessaire au fonctionnement de ce type de métrage… Le résultat : Quelques monstres se trémoussant ou une silhouette fantomatique bien peu convaincante. Les différentes morts sont par ailleurs totalement dénuées de violence et font, à dire vrai, bien pâle figure à côté de ce que l'on peut voir actuellement. Voilà qui nous donne un premier indice quant au public ciblé par le film : Les préados souhaitant se frotter au cinéma horrifique qui, surenchère gore oblige, leur devient de plus en plus inaccessible en salle. Nul doute que ces jeunes Gamers seront heureux de découvrir qu'une fois adulte, ils seront toujours aussi cool et pourront à loisir négocier des jours de congés avec leur patron en échange de la solution d'un jeu !
STAY ALIVE est donc un film qui traite de sujets (jeux vidéo, Comtesse Báthory…) qu'il ne connaît pas (ou qu'il maltraite violement) et œuvre dans un domaine (l'horreur) qu'il ne parvient pas à maîtriser. Bien dommage car le métrage possédait par ailleurs de sympathiques atouts dans sa besace. Outre le concept général plutôt alléchant, le film nous livre en effet quelques idées intéressantes. L'une d'elles nous montre un joueur interagir directement sur le vécu de l'un de ses amis. Il l'aide, lui fournit les objets nécessaires à sa quête et le guide via une interface virtuelle (le jeu) dans un monde qui est, pour sa part, bien réel. Un concept qui propose une fusion intéressante de deux univers, comme pouvait le faire par exemple la saga initiée par Wes Craven avec LES GRIFFES DE LA NUIT. L'idée reste cependant trop sous-exploitée pour rehausser l'intérêt général qui demeure globalement bien faible.
Outre cela, nous ne pourrons qu'apprécier la photo plutôt correcte du film. Les acteurs font quant à eux ce qu'ils peuvent, c'est-à-dire le minimum syndical. Le surjeu de certains premiers rôles est par moment regrettable mais ce sont surtout les personnages secondaires qui apparaissent comme totalement décalés. Le commerçant de la boutique de jeux est à ce titre particulièrement ridicule et enfonce encore une fois le clou : Sommes-nous là en face d'un film de Gamers ou d'une pellicule parodique ?
STAY ALIVE arrive aujourd'hui en DVD Zone 2 via l'éditeur TF1 Vidéo. L'image nous est proposée dans un format d'origine 2.35 encodé en 16/9ème. Nous noterons quelques (rares) défauts de compression, notamment lors des scènes sombres qui laissent apparaître des «halos» de pixels relativement regrettables. Quoiqu'il en soit, ce défaut reste mineur et n'entachera pas la découverte du film dont la compression est globalement maîtrisée, restituant des couleurs vives et des noirs profonds.
Pour nous mettre dans l'ambiance, nous aurons droit à pas moins de six pistes sonores ! En fonction de votre installation, vous aurez donc le choix entre une piste stéréo, une piste Dolby Digital 5.1 et une dernière en DTS, que ce soit en version originale anglaise ou en version française. Si la piste anglaise est à privilégier, force est de reconnaître que le doublage ne démérite pas et qu'il s'avère des plus agréables à l'écoute. Les pistes stéréo sont de qualité. L'immersion n'est bien entendu pas au rendez-vous mais le son est cristallin et les dialogues très clairs. Pour plus de pèche, il faudra toutefois se tourner vers les pistes sur six canaux. La donne devient alors tout autre : Les enceintes surround sont assez souvent sollicitées et le résultat fait plaisir. Pas d'esbroufe, pas de surenchère, juste une ambiance sonore maîtrisée de bout en bout, alternant aussi bien le subtil que le plus nerveux.
Attaquons maintenant le gros point noir de cette édition : L'absence totale de bonus. Alors que l'édition Zone 1 «Director's Cut» dispose d'un commentaire audio du réalisateur et d'un making-of avec comparatif film/storyboard (entre autres), nous n'aurons droit à rien sur la galette du Zone 2 français. Plus fort encore, la version qui nous arrive en DVD est la même version qui nous a été imposée en salle, à savoir une version plus courte de près d'un quart d'heure ! S'il est évident que les défauts du métrage ne peuvent être gommés par le «Director's Cut», il est tout de même très regrettable de constater que le choix ne nous est pas donné… D'autant que les scènes coupées auraient au moins pu être proposées en bonus. Mais que nenni, cette édition demeure bien pauvre et dessert encore un film qui n'en avait pourtant pas besoin…
STAY ALIVE ne répond donc pas à nos attentes. Trop déphasé par rapport à l'univers vidéo-ludique pour attirer les joueurs, trop plat pour susciter l'intérêt des amateurs d'horreur, le film peine à trouver ses marques et surtout, peinera à trouver son public. Le métrage de William Brent Bell passe donc totalement à côté de son sujet et, malgré ses quelques bonnes idées, ennuie plus qu'il divertit… Game Over !