Le réalisateur italien Lorenzo Bianchini tourne des films fantastiques, voire d'épouvante, en DV. Et LIDRIS CUADRADE DI TRE est en fait son premier long métrage, conçu peu après un film de durée moyenne nommé IL DINCJ DE LUNE. Bianchini se distingue toutefois d'un indépendant comme Ivan Zuccon en adoptant un point du vue régionaliste. En effet, tous ses films sont jusqu'à maintenant tournés uniquement dans sa région de la Frioul-Vénétie Julienne, située au nord-est de l'Italie, et comprennent des passages en langue régionale. Au vu de ces conditions de production, nous ne nous étonnerons pas que les acteurs soient d'aimables inconnus n'ayant tourné dans rien d'autre que LIDRIS CUADRADE DI TRE - ou sinon dans un autre film de Lorenzo Bianchini ! Ce dernier assume par ailleurs les casquettes d'opérateur et de scénariste...
Dans un vaste lycée agricole, Nico, Max et Asma, trois jeunes peu portés sur les études, viennent de rater lamentablement un examen de mathématiques. Ce qui risque fort de les conduire à un redoublement... Max, le "cerveau" de la bande, a alors la lumineuse idée d'aller voler les devoirs ratés dans le casier de leur professeur avant que celui-ci n'ait le temps de les corriger ; puis de les remplacer par des copies comportant les bonnes réponses ! Fort de ce plan de vainqueurs, nos trois pieds nickelés de la gruge s'introduisent de nuit dans leur lycée, désert à l'exception d'un concierge. Ils vont découvrir que durant la nuit, de biens étranges rituels se déroulent au sous-sol de l'établissement...
A partir de ce point de départ, il est aisé de deviner quels sont les principaux ressorts de LIDRIS CUADRADE DI TRE. Il s'agit avant tout de l'exploration nocturne d'un bâtiment labyrinthique, vaste dédale de couloirs, de pièces et d'escaliers au détour desquels rodent ombres fugitives et présences malfaisantes. A la nuit tombée, des êtres masqués sont prêts à fondre sur les inconscients égarés et à leur infliger mille tourments. Le film suggère que se cache derrière tous ces méfaits une sorte de culte démoniaque, manigancé par certains des enseignants. Un sujet fantastique intéressant, donc, rappelant un peu SUSPIRIA, et que nous aurions aimé voir plus développé. Hélas, LIDRIS CUADRADE DI TRE reste délibérément dans le vague, préférant accumuler des scènes d'exploration de couloirs parfois un brin répétitives plutôt que de développer un matériel narratif plus engageant.
Techniquement, pour un film tourné en DV, LIDRIS CUADRADE DI TRE se défend très correctement. Les lumières sont plutôt soignées, la prise de son directe passe la plupart du temps convenablement, et, surtout, le spectateur sent aisément un vrai travail effectué sur le cadrage et le montage. A l'évidence, Lorenzo Bianchini s'est ici nettement inspiré du cinéma d'épouvante italien des années 80. Difficile de ne pas penser à l'Argento de PHENOMENA ou de TERREUR A L'OPERA en voyant ces courses poursuites haletantes, montées selon un rythme serré, adoptant les cadrages les plus audacieux et rythmées par quelques riffs Heavy Metal ! Nous pensons aussi un peu à Fulci, pour quelques débordements Gore, ou encore au Michele Soavi de SANCTUAIRE pour ce voyage au bout de l'horreur se déroulant presque intégralement dans un vaste bâtiment clos.
Les intentions paraissent donc bonnes et, quant à la technique, il est clair que LIDRIS CUADRADE DI TRE a été peaufiné avec bien plus de soin que des longs métrages du même style provenant de pays frontaliers de l'Italie, tels que l'Allemagne ou la Suisse par exemple ! Pourtant, ce long métrage rate le coche au niveau de l'écriture. Restant trop confiné dans son sous-sol et ses couloirs, il manque de scènes en extérieur qui aurait apporté un peu variété à l'ensemble. Enfin, il abuse de procédés faciles en brouillant la narration à des fins "poétiques". Ce qui est réussi dans certains films comme ceux de Fulci (L'AU-DELA) ou d'Argento (INFERNO) demande tout de même un grand talent artistique pour faire passer la pilule. Ici, les ellipses et autres passages oniriques semblent plus destinés à faire passer à un récit embrouillé et paresseux qu'à refléter un scénario écrit avec rigueur. D'où un intérêt qui s'avère très inégal au gré des séquences...
En dépit de qualités réelles pour un tel film indépendant, LIDRIS CUADRADE DI TRE souffre donc de réelles lacunes. Nous aurions aimé y trouver une aventure fantastique inquiétante, une rencontre entre SUSPIRIA, LA SECTE et ZEDER à laquelle le sujet se prêtait. Mais, à l'arrivée, LIDRIS CUADRADE DI TRE manque trop d'épaisseur pour vraiment nous rassasier. Il n'en reste pas moins riche de promesse pour le futur de Lorenzo Bianchini, lequel nous prouve qu'il est capable de s'appliquer sur sa mise en scène là ou d'autres se contenteraient de bâcler le travail.
LIDRIS CUADRADE DI TRE est disponible en DVD en Italie, auprès du Centro Espressioni Cinematografiche. Ce disque propose le film dans une copie cadrée au format 1.85, malheureusement sans option 16/9. Pour un film tourné en DV, le résultat s'avère tout à fait acceptable.
En guise de bande-son, nous trouvons une piste mixée en stéréo d'origine. A nouveau, il faut saluer la qualité technique très correcte de cette piste sonore, bien plus soignée que les travaux calamiteux dont se contentent en général ce type de productions. Il ne faut pas s'attendre à un mixage digne d'un long métrage distribué en salles, mais le résultat reste très plaisant. Cette piste mêle apparemment des dialogues en italien et en frioulan (quoique nous n'en sommes pas vraiment sûrs car nos connaissances linguistiques sont limitées !). Des sous-titrages anglais et italiens sont disponibles. Toutefois leur affichage relativement bas dans l'image force un visionnage zoomé en 14/9, et non en 16/9 pour les possesseurs de télévisions permettant ce format d'affichage.
Ce DVD nous propose quelques suppléments. Nous avons ainsi accès au moyen-métrage I DINCJ DE LUNE, sombre histoire de loup-garous réalisée en 1999 par Lorenzo Bianchini. Celui-ci nous plonge dans une ambiance de fantastique paysan assez envoûtante et intéressante, citant encore ses références - cette fois-ci nous reconnaissons sans mal OPERATION PEUR de Mario Bava et sa fillette fantôme aimant laisser choir des ballons dans les escaliers ! Dommage que ce métrage ait un peu de mal à tenir sur la longueur et que son rebondissement final ne provoque pas réellement la surprise. A nouveau, nous disposons de sous-titres anglais et italiens...
Par ailleurs, nous trouvons une bande-annonce de LIDRIS CUADRADE DI TRE ainsi qu'un bêtisier d'un quart d'heure dédié à son tournage. Enfin nous pouvons visionner une bande-annonce de CUSTODES BESTIAE, second long métrage de Lorenzo Bianchini, lui aussi tourné en DV.
Bref, pour le spectateur italianisant ou anglophone, il s'agit d'une édition DVD tout à fait honnête au vu du produit, bien que nous regrettions tout de même l'absence de l'option 16/9...
