Un couple et leur jeune garçon louent une cabane en forêt pour y passer des vacances. Le jour-même, un groupe de jeunes arrive, ayant loué l'endroit aux mêmes dates. Tout pourrait se passer en toute tranquillité si le jeune garçon n'avait eu l'idée de faire sauter des pétards, réveillant ainsi des démons ancestraux…
A la lecture de ce bref résumé, nous imaginons sans peine le lecteur éveillé s'agiter des papilles et s'exclamer «Oh, mais on dirait EVIL DEAD !» Oui… de loin. Et il faut vraiment s'éloigner et plisser des yeux parce que comparer les deux films avec sérieux relèverait de l'inconscience la plus totale. Certes, ils partagent quelques similitudes dans leur élaboration : Réalisateur/équipe/acteurs amateurs, petit budget, effets spéciaux sympathiques. Mais Jean-Clément Gunter n'est pas Sam Raimi qui lui, au moins, possède un sens indéniable pour la mise en scène et l'instauration d'une ambiance terrifiante. Et que cela plaise aux fans de la première heure ou pas, Raimi est aujourd'hui à la tête de super productions Hollywoodiennes, chose que nous ne prévoyons aucunement pour Gunter vingt ans dans le futur. Le réalisateur suisse en est à son deuxième long métrage – son premier, DECADENCE, est également disponible en DVD sur son site Internet dont vous trouverez le lien dans les suppléments.
La critique pourrait s'arrêter là mais ne tombons pas dans la méchanceté gratuite et regardons ce métrage de plus près…
Pour vous mettre dans l'ambiance, voici le dialogue d'ouverture du film :
- Chérie, tu demandes à Albert s'il veut son sandwich au fromage ou au jambon ?
- Au jambon, le sandwich pour Albert.
Nous vous rappelons que tout point de départ d'un livre ou d'un film devrait logiquement donner envie de tourner la page ou de décoller son doigt du bouton Arrêt de la télécommande… C'est donc en tremblant légèrement que nous nous efforçons de rester tranquille et de visionner la suite. Et cela ne s'améliore pas, hein. Commençons par le jeu des acteurs. Même en étant tout à fait conscient de la définition du terme «amateur», il faut avouer que les personnes qui sont présentes dans le cadre repoussent les limites de l'acceptable. Ils connaissent leur texte mais diable ! s'ils sont capables d'injecter une quelconque émotion définissable à leurs expressions. Et pourtant, ça gueule souvent, ça s'énerve, ça se débat avec des démons mais il n'y a rien à faire, si un électroencéphalogramme était relié au film, pas le moindre bip ne se manifesterait.
Aucun d'eux n'est connu mais nous tenons quand même à vous les faire découvrir, d'autant plus que certains risquent de revenir pour la suite, L'ENFER DES DEMONS (si si). Le jeune garçon qui est la cause de tout ce bazar (mais que font les parents ?), c'est Albert/Mehdi Boccard (celui qui aime les sandwichs au jambon). Il a l'air sympathique, Albert - en tout cas, il ne se prend la tête. Même pas quand il se fait courser par un démon cornu et pas content en tenue camouflage (?). Ni une ni deux, il se réfugie dans un arbre et le pauvre réchappé des Enfers est condamné à étudier la semelle des ses baskets en sautillant avant de tout simplement s'éloigner. Eh oui, même un adorateur de Satan doit savoir s'avouer vaincu. Mais revenons à Albert qui essaye bien sûr de convaincre tout le monde de ce qu'il a vu. Personne ne le croit jusqu'à ce que le démon tente une attaque fulgurante sur la cabane où il est maîtrisé en deux secondes. Et le père du garçon de s'exclamer :
- Et dire que je prenais mon propre fils pour un débile mental, j'ai hooonte. Et il en a vu trois !
Parmi le groupe de jeunes, nous sommes bien incapables d'associer un prénom avec les différents acteurs tant les personnages sont inexistants. Se maquiller outrageusement en pleine cambrousse ne relève pas de la caractérisation mais plutôt d'un gag même pas drôle. Enfin, peut-être que les écureuils apprécient la beauté féminine… Il y a également le gentil petit couple qui se gare pour trouver un endroit où se bécoter tranquillement. Ben oui, quand les hormones vous tiennent… Evidemment, tout le monde sait qu'ils vont se faire becter par les démons mais reste à savoir quand. Non parce que la scène dure longtemps. Très longtemps. Et rien ne sert de hurler sur la télé, les démons n'apparaîtront pas plus vite. Résultat des courses, quand les cornus se décident enfin à se ramener, l'effet de surprise a déjà pris le train du retour et la gare est fermée. Certes, plus c'est long plus c'est bon mais quand on tourne une scène érotique, le minimum c'est d'avoir des acteurs physiquement plaisants pour capter l'attention du spectateur et faire oublier la menace. Nous ne prétendons à aucune beauté particulière et ne jugeons pas le jeu des acteurs sur leur physique, mais force est de constater très rapidement que le petit couple en question, personne n'a envie de les regarder. Le seul intérêt de cette scène reste leur démise douloureuse où le démon ne peut s'empêcher de longuement palper la poitrine généreuse de la dame. Soupir.
Les clichés s'enfilent comme des perles sur un fil : Le jeune qui explore la forêt seul, espionné d'entre les arbres par une caméra subjective. La folle surgie de nulle part qui avertit les jeunes qu'ils vont «tous mouriiir !». La tronçonneuse que tout le monde garde sous l'évier en cas d'urgence. Les portables qui ne captent pas de réseau mais reçoivent des SMS menaçants. Le démon qui vomit une soupe aux pois verts. Les véhicules qui se retrouvent à court d'essence (Evidemment, les démons se font tout de suite accuser. On se demande légitimement comment ils ont fait : claqué des doigts ou un bon vieux siphonnage des familles ?).
Passons aux points positifs. D'un point de vue technique, soyons clairs, tout est perfectible. Mais le film reste toutefois correctement réalisé et monté. Les effets spéciaux ont été exécutés par la société suisse, Make Up Natural et supervisés par le talentueux Pascal Anker. Petit budget oblige, certains effets reviennent deux-trois fois (les éviscérations) mais nous avons en outre droit à un joli effet de gorge ou de visage arrachés. Les couleurs et les textures sont franchement réussis même si le design des démons laisse à désirer.
L'image est présentée dans un format 1.77 avec un transfert 16/9. Le film étant tourné en DV, il ne vous éblouira pas de par une beauté plastique incomparable. Bruitée, l'image souffre surtout d'un manque de travail sur l'éclairage pour les scènes d'intérieur. Une lumière plus douce pour les gros plans sur la peau aurait été préférable également à celle utilisée qui fait ressortir divers boutons et rougeurs.
La seule piste sonore présente est le français et en stéréo. Les dialogues sont audibles et l'ambiance sonore est sympathique quoique très classique. Des bruits de grognements ou des sons graves et menaçants, nous en avons déjà entendus des tas de fois auparavant mais au moins, ils sont employés à bon escient. Par contre, la musique techno-ambiant est extrêmement pénible et fait plus penser à un téléfilm soft en deuxième partie de soirée.
Pour cette auto-production, Jean-Clément Gunter s'offre le luxe inouï d'un double DVD avec plein de bonus ! Le premier est un Making of où tous les participants sans exception parlent du projet avec tant de sérieux que l'on se demande si c'est le même film qu'on a regardé. Gunter se considère comme étant le «seul réalisateur suisse» à faire des films «gore à suspense» et les acteurs se révèlent beaucoup plus convaincants au naturel. Ils prennent tous leur rôle au sérieux et sont capables de développer tout un pan psychologique qu'il est dommage d'avoir oublié sur le plateau. Nous assistons également à l'élaboration des effets spéciaux et à la composition de la musique et des sons d'ambiance.
L'émission télé est un segment passé dans «Tout à fait Philippe», un numéro spécial dédié à Halloween. La première moitié est consacrée à Pascal Anker qui crée en direct un très beau masque d'inspiration LA BELLE ET LA BETE et encore une fois, son talent n'a d'égal que son professionnalisme. Ensuite, Mr Philippe présente trois des participants du film : Jean-Clément Gunter (crédité uniquement comme Producteur), Mehdi Boccard et Nicolas Bickel (acteur principal et co-scénariste) qui appelle son réalisateur Jean-Marc ! Malgré le titre de l'émission et un jingle au graphisme surprenant, c'est plutôt sympathique et pour le principe, bien plus intéressant que ce que nous propose la télévision française. Les intervenants ont tout loisir de parler de leur projet devant un public hautement maquillé et un animateur à l'air amusé derrière une montagne de toiles d'araignée.
L'interview du réalisateur par Claire Mareda n'est pas spécialement instructive. Gunter revient sur la genèse du film, les effets spéciaux et les inévitables problèmes de tournage alors qu'on aurait plutôt aimé en savoir plus sur ses propres goûts et influences personnels, ainsi que son approche créative d'un projet. Il évoque brièvement les difficultés inhérentes à monter un film d'horreur en Suisse qui font largement écho à ceux rencontrés en France.
Le Bêtisier est, comme son nom l'indique, composé de prises ratées dans le film ou le Making of, ainsi que de l'amusement général sur le plateau. A noter la tronçonneuse hantée qui s'arrête dès que la caméra tourne où un passage très drôle sur le démon qui vomit. Enfin, nous avons la bande annonce du film ainsi que celle de DECADENCE qui, à première vue, est doté d'une ambiance passablement bizarre. Le dernier supplément est un lien vers le site du réalisateur, www.jcgproduction.com. Nous nous permettons de vous inviter à faire un détour par le forum.
Il convient de saluer tout projet amateur, ne serait-ce que pour le travail fourni par une équipe qui y croit et persiste malgré les nombreuses difficultés. Parfois, on a de belles surprises alors qu'à d'autres moments, le tout retombe comme un soufflé raté. Malheureusement, LA FORET DES DEMONS se pose là. Recette à recréer pour la suite…