La chaîne de télévision américaine Here! TV a senti le vent venir. Elle a convoqué un gigantesque Brainstorming parmi ses créatifs. Et les résultats de leurs longs palabres devaient ressembler en gros à ça :
«- J'ai trouvé. Ce qui marche, c'est d'avoir de jeunes mecs bien balancés, qu'on mettra plus ou moins à poil, avec quelques filles dénudées aussi au milieu d'aventures fantastiques. Ca s'appellera DANTE'S COVE. Avec une l'Enfer de Dante, c'est toujours bon pour le background culturel. Et dans culture il y a cul, c'est Godard qui l'a dit.
- OK mais il y se passera quoi dans cette ville? Car il nous faut un croisement entre le fantastique, l'occulte et un peu de sexe pour épicer le tout. Nous avons notre public à satisfaire !
- Disons qu'une malédiction ancestrale a condamné un dénommé Ambrosius a être enfermé dans une cave par une sorcière amoureuse de lui. Mais lui, il aime les garçons. Et comme elle l'a surpris en pleine action, elle le condamne à la vieillesse éternelle. Seul le baiser d'un jeune homme pourra lui rendre la liberté et la jeunesse.
- Ca fait toujours qu'une seule scène d'introduction.
- Certes, mais on fait un bon en avant dans le futur. Et là, DANTE'S COVE est devenu le havre de paix que chacun rêve. Homo, hétéro, bi, tout le monde s'aime et s'entend. Et il y a un jeune homme qui fuit l'homophobie de ses parents pour vivre avec son ami, logeant à l'Hôtel Dante. Et malgré lui, il va libérer ledit Ambrosius qui se trouve justement enfermé dans la cave de l'hôtel. Une horde de malédictions va s'abattre sur cette petite ville côtière. Le tout orchestré par Ambrosius qui veut récupérer les pouvoirs de la sorcière qui ne l'entend pas de cette oreille.
- Donc on résume : on aura des beaux gars dans des scènes chaudes. Des jolies filles dans des scènes chaudes. Une scène hétéro pour faire bien. Une diva qui jette des sorts. Des effets spéciaux partout, quelques maquillages en latex, un peu de sang, du suspens, du mystère… on a un hit ou quoi ? ».
Voilà ce qui a du se passer chez Here ! TV, unique chaîne câblée TV gay américaine qui propose au monde béat la première série télévisée gay fantastique. Bien lui en a pris, vu le succès remporté par la première diffusion, enchaînant de suite sur une seconde saison. Qui pointera d'ailleurs le bout de son nez pour avril 2007 aux Etats-Unis en DVD suite à la diffusion des autres épisodes jusque fin novembre 2006 sur la chaîne câblée. Il semble par ailleurs qu'une nouvelle saison soit envisagée !
La réalisation a été confiée à Sam Irvin, connu pour ses adaptations réussies et fun de OBLIVION et OBLIVION 2 : BACKLASH pour la firme Full moon. Connu pour emballer de manière crédible des petits budgets dans les temps, Sam Irvin s'est donc engagé sur l'aventure. Etant lui-même gay et expert du genre, le réalisateur idéal faisait son entrée. A noter qu'il effectue une apparition amusante dans le rôle du chauffeur de taxi (sur le premier DVD, à 15mn22). Le monde de la série B étant petit, on retrouve Michael Oblowitz (HAMMERHEAD : SHARKFRENZY) à l'écriture. Passer de Nu Image à DANTE'S COVE, c'est tout un art !
L'édition Z2 française est présentée en deux DVD pour la saison 1. Le premier disque offre la première partie, très orienté sur le côté sexy. On imagine aisément que la chaîne a souhaité fidéliser de suite ses spectateurs en mettant le paquet côté scènes érotiques. Et il y en a !
Le second DVD verse lui d'avantage dans la structuration du scénario et les liens se tissant entre les deux héros Toby (Charlie David, acteur ouvertement gay) et Kevin (Gregory Michael). L'intrigue fantastique se noue elle aussi et l'on en apprend plus sur le «Tresum», religion mélangeant mysticisme et sorcellerie, dont Tracy Scoggins et sa mère sont les grandes prêtresses.
Comme nous avons à faire à une mini série, le mixeur de genres fonctionne à plein régime. DANTE'S COVE oscille entre BUFFY CONTRE LES VAMPIRES et QUEER AS FOLK ou encore DARK SHADOWS et MELROSE PLACE. Histoires d'amours compliquées, sorcières, démons, rebondissements, éclairs, «cliffhangers»… Il fallait une figure forte au centre de ce drame pour faire office de liant. Ce sera la volcanique Tracy Scoggins, héroïne de WATCHERS II, DEMONIC TOYS, la série BABYLON 5 ou de HELLBORN. Elle sera entourée d'un casting relativement jeune, et composé uniquement d'acteurs et actrices aux physiques impeccables. Mais malgré le magnétisme indéniable du casting, c'est quand même elle qui bénéficie du traitement le plus camp, et son interprétation dédaigneuse de l'amoureuse rabrouée qui se venge est tout à fait délectable pour le spectateur. Le plus dans cette série est indéniablement la représentation de scènes de sexe totalement déconnectées de toute connotation morale ou moralisatrice. Ce qui pour une série américaine est un vrai progrès. Des personnages gays, lesbiens et bi occupent le devant de la scène et ne sont pas réduits à la portion congrue auxquelles les minorités quelles qu'elles soient sont généralement réduites à la télévision. Ceci tient bien évidemment à son positionnement, s'adressant tout d'abord au public gay et lesbien de la chaîne. Maintenant, cela justifie-t-il la médiocrité de la première partie du métrage ? Pas vraiment, tant la série semble se diriger vers une collection de scènes softcore certes joliment photographiées et plutôt excitantes mais d'un vide dramatique. Passée la première scène qui pose les bases de la série et la surprise de son dénouement, le spectateur va alors glisser dans des jeux érotiques de la quatrième dimension. Même si les deux interprètes principaux sauvent les meubles, les acteurs ont peine à bien jouer entre deux accouplements et la beauté des paysages n'excuse pas tout. Pour couronner le tout, l'écriture n'arrange rien et repose essentiellement sur la plastique des acteurs/actrices plutôt que sur le scénario ou une logique de mise en scène.
Clairement, si ce qu'il se passe à l'écran ne concerne pas le spectateur potentiel (i.e : les spectateurs hétérosexuels), le bouton avance rapide ou eject sera pressé vigoureusement. Mais tout dépend de l'état d'esprit de chacun. Si d'aventure le second degré prend le pas sur le premier, il sera permis d'espérer de comprendre les clins d'œil et le côté ouvertement camp de la série. Sinon, le balai, il faut le mettre dans l'autre sens. Et alors de passer directement au second DVD, qui lui prend une direction (enfin !) plus en rapport avec le fantastique. A savoir l'éveil d'Ambrosius (William Gregory Lee) et sa décision de prendre sa revanche sur sa sorcière de fiancée, quitte à déchaîner toutes les forces du mal afin de devenir le maître du «Tresum». On découvre alors que sa malédiction sera similaire à ce qu'il fait subir à Tracy Scoggins : condamné à aimer quelqu'un qui le rejette malgré les sorts jetés. C'est clair, on nage en plein soap opéra gothique multisexuel.
Cette seconde partie marque clairement les ancrages qui vont donner l'élan aux divers personnages. Entre Ambrosius qui tombe à son tour sous le charme de Kevin, tout en espérant voler les secrets du «Tresum» à son ex-fiancée, les manipulations et sorts jetés pour que chacun se retourne contre son voisin, la présence d'une vieille sorcière défigurée dans les rues de Dante's Cove, des fantômes d'enfants qui ont péri brûlés… le tout se lie de manière parfois désinvolte mais tente de garder le cap de son histoire. Tout en ménageant le quota de scènes sexy. On en apprend également un peu plus sur la sorcellerie qui hante Dante's Cove. Ses rites, ses sorts, les buts avoués ou non, l'immortalité garantie. Le scénario prend alors le temps de développer l'ensemble des ses aspects afin de tisser les liens entre chacun. Un rythme de croisière commence alors à prendre le dessus. Ce qui s'avère payant, tant la première partie fonctionnait sur les ponctuations de scènes sexy suite à une séquence pré générique de 14 minutes ! La deuxième saison semble prolonger d'ailleurs cette direction, à savoir que le fantastique sera au cœur de l'histoire. Cette fois-ci, la mise en boîte s'est faîte à Hawaï, là les tournages se multiplient du fait des avantages financiers que l'Etat promet. LOST est d'ailleurs tourné là pour des raisons similaires, hors le cadre exotique requis.
Le budget ne permet pas non plus de miracle, même si le look général reste plaisant en terme de visuel. Les scènes d'hôpital font le plus pitié de par la pauvreté des décors. Tout comme la cave servant de lieu d'emprisonnement d'Ambrosius. Hormis un tournage aux Caraïbes, on y croise quelques effets de maquillage latex venant rehausser l'ensemble, des éclairs toutes les dix minutes (on se croirait presque chez DeCoteau période 2000-2005 !), quelques effets numériques rapides qui ont l'avantage de demeurer parcimonieux. Mais ça ne respire pas la pauvreté pour autant. On sent bien que la chaîne Here ! Tv en est à son coup d'essai, et de ce fait, les investissements ont du faire preuve de prudence, surtout aux vues des sujets et de la mise en image.
Côté DVD, il faut tout d'abord se farcir le catalogue des films disponibles chez Optimale. C'est une pratique qui, même si on comprend la logique commerciale, est particulièrement insupportable pour qui ne peut bénéficier d'un lecteur permettant de passer outre. La liberté du consommateur, c'est encore bien de voir ce qu'il a envie quand il en a envie !
Le premier DVD offre DANTE'S COVE dans un format 1.78 avec transfert 16/9. Une belle qualité visuelle, sans accroc ni poussière. Compression respectable qui donne beau jeu aux différents filtres de couleurs utilisés le long du métrage, d'une durée exacte de 85mn41 pour cette première partie. Deux pistes sonores (5.1 et 2.0 surround) en version anglaise d'origine avec sous-titrage en français amovible, mais non présenté comme tel dans le menu racine du DVD, comme pour le deuxième disqe de cette édition. Pour celles et ceux qui le peuvent, il faudra se diriger vers la piste 5.1, richement mixée en divers sons et bruitages qui emplissent le champ sonore parfois de manière remarquable (la fête à 61mn50). Tous les canaux sont utilisés unilatéralement, même si les dialogues semblent surtout se cantonner aux canaux avant (droite/central/gauche). Pas extraordinaire au point de se greffer l'amplificateur sur le tympan par joie audiophile éhontée, mais très honorable. Côté bonus, un long film annonce de cette première partie en version originale, déflorant certaines images-clés de l'intrigue. Plus un teaser qu'un film annonce, d'ailleurs. En complément, une galerie de 45 photos (dont une que l'éditeur semble avoir beaucoup aimé pour qu'elle s'y retrouve deux fois – mais on pariera sur une erreur d'inattention de sa part !). Il faudra d'ailleurs vraiment qu'on explique l'intérêt de ces galeries de photos qui se retrouvent déjà toutes plus ou moins sur Internet.
Le second DVD ? Rebelote avec la même obligation de subir quelques films annonces avant le lancement du menu racine. Autre visuel (rouge cette fois ci). Toujours la possibilité des deux pistes sonores (5.1 et 2.0 surround) en version anglaise avec sous-titres français amovibles. Cette deuxième partie est d'une durée complète de 103mn25, à la qualité sensiblement identique au premier DVD. Une featurette (version originale sous-titrée française elle aussi) propose quelques interviews des acteurs, réalisateur et autres participants à cette aventure. Intéressante sur le principe, elle demeure quand même bien formatée – et demeure juste une reprise de ce qui est présent sur le disque américain (hormis l'aperçu de la deuxième saison qu'on ne retrouve pas ici). Du tout bon pour le spectateur français, mais pour la créativité des bonus, il faudra repasser.
Autre déception, l'éditeur a décidé de ne proposer que la première courte saison, la série ayant été diffusée à l'origine sous format de 30 minutes, mais n'a pas jugé bon pour autant de s'aligner sur les prix bien plus raisonnable pratiqué dans le domaine de la série télévisée en DVD. Au vu du tarif et du peu de matériel à visionner (comparé, par exemple, à une vraie saison de série éditée en DVD), on frémi d'avance du prix qui sera demandé pour l'achat de la seconde saison.
Une mini série révolutionnaire sur le sujet avec un look en phase avec son époque et un détachement qui en irritera plus d'un(e). Que dire en effet d'un paradis du fantastique où toutes les filles sont sexy, où tous les gars sont invariablement dans des états déshabillés plus ou moins avancés et avec des corps parfaits, où une Diva survoltée aux roulements d'yeux rougeoyants vient mettre tout ce monde sens dessus dessous ? Comme nous disions plus haut : au premier degré, cela reste spectaculairement idiot. A partir du deuxième, le délire prend le pas sur le reste et si on survit au premier DVD très cul-cul (dans tous les sens du terme) et en débranchant quelques neurones reliés au sens critique commun, la vison de DANTE'S COVE devient amusante, voire libératrice pour les spectateurs à qui la série s'adresse spécialement. Mais pour les autres aussi, pour peu qu'ils se relâchent un peu !