Au début des années 1960, le producteur Quinn Martin fonde sa compagnie pour créer des feuilletons télévisés qui, durant vingt années, vont devenir mythiques : LE FUGITIF, LES ENVAHISSEURS, CANNON, LES RUES DE SAN FRANCISCO... Il fera une seule infidélité à la télévision : SATAN MON AMOUR, un long métrage d'horreur produit pour la 20th Century Fox, à une époque où ce studio était comme le reste du système hollywoodien dans de très graves difficultés. En s'alliant avec un producteur ayant eu du succès à la télévision, sans doute la Major espérait créer une synergie positive entre deux façons d'aborder le divertissement.
Pour la mise en scène, on choisit Paul Wendkos, dont la carrière louvoie entre la télévision (on lui doit des épisodes des séries LES INCORRUPTIBLES, LES ENVAHISSEURS...) et le cinéma (le film de teenager GIDGET et ses suites). Sans doute avec la volonté de conquérir un jeune et nouveau public, on choisit, comme acteurs, des jeunes vedettes à la mode comme la belle anglaise Jacqueline Bisset (James Bond Girl dans le parodique CASINO ROYALE) et la non moins charmante canadienne Barbara Parkins, révélée par LA VALLEE DES POUPEES - un film culte des 60s qui s'avéra une affaire très rentable pour la Fox. Le jeune premier de cette aventure démoniaque est incarné par Alan Alda, alors spécialisé dans les seconds rôles et la télévision - il marquera surtout les mémoires en devenant un des acteurs principaux de la série télévisée M.A.S.H (11 saisons de 1972 à 1983 !). L'inquiétant Duncan Ely est, lui, incarné par Curd Jurgens, le séducteur germanique, qui était alors une vedette du cinéma européen, voire mondial...
Myles Clarkson, un jeune journaliste musical sans trop d'ambition, se voit invité par Duncan Ely, un des plus grands pianistes du siècle, à l'interviewer. Duncan Ely est un personnage arrogant, mais il sympathise pourtant avec Clarkson. Il l'encourage même à embrasser une carrière de musicien. Paula, la femme de Myles, se méfie d'Ely. D'autant plus que la fille de ce dernier, Roxanne, semble convoiter Myles ! Un jour, Paula remarque que le comportement de son mari change du tout au tout...
En 1968, le studio Paramount surprend son monde en sortant ROSEMARY'S BABY, film d'épouvante ambitieux qui rencontre un succès international ! Ce film de Polanski, mêlant satanisme et réalité contemporaine, fait alors des émules. Le cinéma gothique anglais s'intéresse ainsi à Satan et à ses adorateurs. Dracula fraie avec des adeptes de la magie noire dans UNE MESSE POUR DRACULA. Nous croisons un culte démoniaque dans LA NUIT DES MALEFICES (titre vidéo). Si le Diable était déjà présent dans des films d'épouvante antérieurs, il va devenir une vraie vedette du genre, cet engouement culminant avec le triomphe de L'EXORCISTE en 1973.
Dès lors, il n'est pas difficile de trouver où les créateurs de SATAN MON AMOUR ont été chercher l'inspiration. L'action est perçue avant tout du point de vue de Paula, une jeune femme mariée et mère de famille. Elle est amenée à se méfier de son mari en qui elle avait toute confiance. Réalisme et paranoïa conjugale se voient aussi rehaussés d'un certain sens de l'absurde. Si l'on rajoute à tout cela une secte d'adorateurs de Satan et des visions cauchemardesques, il est clair que l'esprit du film de Polanski n'est pas loin !
Pour raconter cette histoire, Paul Wendkos recourt à une mise en scène ne reculant devant aucun effet. Des filtres en tous genres se succèdent sur l'objectif de sa caméra. Les prises de vue en grand angle, les effets brumeux et autres cadrages tarabiscotés nous plongent dans les expérimentations un peu poussives d'un certain psychédélisme. Nous retrouvons aussi, au cours de scènes oniriques, un style en tout point semblable à celui qu'employait Corman pour les séquences rêvées de son cycle Poe (LA CHUTE DE LA MAISON USHER, LE MASQUE DE LA MORT ROUGE) : ralentis, couleurs vives, toiles d'araignée et cadrages hallucinés restituent alors un inconscient très 60s ! L'expérimentation se situe aussi dans le domaine de la musique. Jerry Goldsmith se laisse aller à des stridences complexes et abstraites, dans la tradition de son travail pour des films comme L'OPERATION DIABOLIQUE ou LA PLANETE DES SINGES.
SATAN MON AMOUR raconte une histoire de possession assez simple. Le spectateur en comprend rapidement les tenants et les aboutissants, contrairement au personnage de Paula qui, elle, met beaucoup de temps à admettre la situation ! En cela, ce long métrage échoue là où ROSEMARY'S BABY réussissait. Polanski nous faisait partager la paranoïa de Rosemary ; nous ne savions pas si elle était confrontée à des éléments surnaturels ou si ses angoisses n'étaient que le fruit de son imagination. Seule les toutes dernières minutes nous donnaient la réponse. SATAN MON AMOUR rate cette partie de son suspens. Si bien que le spectateur a constamment une demi-heure d'avance sur le personnage principal. Son cheminement nous paraît laborieux... Qui plus est, le psychédélisme de la forme s'avère rapidement lassant, et les scènes de terreur sont relativement rares, particulièrement au cours de la première heure du métrage.
Il y a dans SATAN MON AMOUR une volonté d'aborder le fantastique avec sérieux et ambition. Son histoire promet a priori des développements passionnants. Mais, malheureusement, faute d'un suspense réellement efficace, il s'avère plus ennuyeux qu'autre chose. En tous cas, sa sortie en salles fut un échec. Quinn Martin retourna aussitôt à ses productions télévisées, sans plus jamais s'occuper de cinéma...
SATAN MON AMOUR était jusqu'à récemment un titre du catalogue Fox régulièrement réclamé par les amateurs de fantastique. Il est sorti au printemps 2006 et - une fois n'est pas coutume pour un titre de Major - il est uniquement disponible en zone 2 pour le moment. Et tout particulièrement en France !
Le disque en question est une édition économique proposant une copie du film dans son format d'origine 1.85, en 16/9. Ce transfert s'avère propre, le télécinéma a été fait avec soin (pas de soucis de fixité notamment). Toutefois, il trahit les qualités inégales de la copie d'origine, en particulier la cohabitation, au sein d'une même scène, de plans parfaitement ciselés et d'autres à la granulation insistante. Enfin, l'emploi fréquent de filtres provoque par moment des flous insistants - mais ils sont le fruit du travail original du chef-opérateur. Bref, une copie perfectible. Pour un film aussi rare, cela reste acceptable, d'autant plus que le travail sur la couleur, lui, est tout à fait naturel.
Ce disque à destination du marché européen propose des pistes mono d'origine (codées sur deux canaux) en anglais, français et italien. Ces trois bandes-son proposent des qualités assez égales. A savoir un son propre, mais qui tend parfois à saturer de façon désagréable durant les passages les plus bruyants. Les mêmes options linguistiques sont disponibles en sous-titres.
En supplément, nous ne trouvons que la bande-annonce du film, en anglais et en 1.85 (4/3). N'oublions pas qu'en ouverture du DVD, nous devons subir un très agressif message anti-piratage ! Nous sommes d'accord pour constater que le piratage devient une pratique si largement généralisée qu'elle en devient un réel danger pour les différents composants de la chaîne de production et de distribution des oeuvres cinématographiques - et donc pour la qualité des films et des DVD. Mais, pour cette cause, un moyen de communication plus respectueux des acheteurs et collectionneurs de DVD s'impose ! Heureusement, on peut zapper ce spot insupportable... pour mieux se retrouver sur un écran fixe, inzappable, lui, nous rappelant que pirater, ce n'est pas bien. Trop c'est trop !
Bref... Toujours est-il que ce disque reste pour le moment le seul DVD proposant ce film, qui plus est dans des conditions techniques acceptables et à un prix très raisonnable...