Header Critique : NEVERLAND (FINDING NEVERLAND)

Critique du film et du DVD Zone 2
NEVERLAND 2004

FINDING NEVERLAND 

Au début du siècle dernier, les premières théâtrales réunissaient tout le gratin londonien, lequel se mettait sur son trente et un pour acclamer ou descendre sans beaucoup d'états d'âme la pièce présentée. La presse, quant à elle, se faisait l'écho tonitruant des réactions du public, indifférente aux conséquences désastreuses qu'une critique trop négative pouvait avoir sur la carrière de l'auteur. J.M. Barrie, qui a bénéficié jusque-là d'un petit succès d'estime, présente sa toute dernière pièce, sur laquelle il a énormément misé. Malheureusement, il ne trouve pas son public, et les journaux en font leurs choux gras dès le lendemain, lui faisant perdre instantanément les lettres de noblesse qu'il avait acquises grâce à ses précédentes oeuvres. Loin de se laisser engloutir par la lame de fond qui vient de s'abattre sur lui, J.M. Barrie se remet en quête d'inspiration. C'est alors qu'il rencontre la famille Llewelyn-Davies, qu'il commence à fréquenter assidûment.

Johnny Depp, Kate Winslet et Julie Christie, Voilà le trio gagnant d'acteurs talentueux que le réalisateur Marc Forster a réunis pour relater la merveilleuse aventure humaine de James Matthew Barrie, le «papa» de Peter Pan. Un pari audacieux, comme le fut, en son temps, celui de produire sur les planches d'un théâtre, un homme déguisé en chien, un crocodile qui avale un réveil, des pirates de pacotille et des enfants qui s'envolent vers le «pays de nulle part». Et pourtant… Le succès est unanime, bien qu‘inattendu, compte tenu, non pas seulement de la grande expérience des «partants», mais de la spécificité de NEVERLAND, qui se situe à contre-courant de la production cinématographique actuelle.

Marc Forster, le réalisateur, a par ailleurs choisi le jeune Freddie Highmore, qui s'était déjà distingué dans DEUX FRERES, de Jean-Jacques Annaud, pour interpréter Peter Llewelyn-Davies. Impressionné par le talent du jeune acteur, Johnny Depp a même joué de son influence pour que Tim Burton l'engage dans sa version de CHARLIE ET LA CHOCOLATERIE. On retrouve également, aux côtés de cette belle brochette d'acteurs, le capitaine Crochet du film HOOK OU LA REVANCHE DU CAPITAINE CROCHET, de Steven Pielberg, à savoir l'excellent Dustin Hoffman, qui s'est bien amusé pendant le tournage, si l'on s'en réfère aux quelques scènes présentes dans le bêtisier proposé par cette édition DVD. Il interprète le rôle de Charles Frohman, producteur et ami de James Matthew Barrie qui accepte, malgré son scepticisme, de le suivre dans son nouveau projet. Grand bien lui en prit, vu l'immense succès remporté par cette histoire, au point qu‘il réclama comme seule épitaphe : «Il donna Peter Pan au Monde». Enfin, il serait injuste d'oublier de citer Radha Mitchell, qui campe Mary, l'épouse délaissée de Barrie et dont on appréciera, malgré de rares apparitions, la façon dont elle maîtrise parfaitement son rôle.

James Matthew Barrie est en panne d'idées et ce n'est pas le fiasco rencontré lors de la représentation d'inauguration de sa toute dernière oeuvre qui va lui redonner foi en son talent. Il n'est convaincu que d'une chose : le théâtre n'est pas fait pour être pris au sérieux. Son producteur et ami, interprété par Dustin Hoffman, confirme : les acteurs jouent. La preuve que le théâtre doit sortir du carcan dramatique dans lequel les critiques trop exigeants voudraient le maintenir. Il n'en faut pas plus pour rassurer Barrie, qui se remet à l'ouvrage, le coeur léger. Chaque jour, plutôt que de s'installer chez lui dans un bureau confortable, il quitte son domicile, accompagné de son chien Porthos, pour s'installer sur un banc public de Kensington Gardens. Autour de lui, des promeneurs, des enfants insouciants qui s'inventent des histoires. C'est assis sur ce banc qu'il rencontre le jeune Michael Davis, âgé de cinq ans. Ce dernier lui explique qu'il est emprisonné sous ce banc par «l'affreux Prince Georges». S'inquiétant des raisons de cette terrible condamnation auprès du souverain, James Matthew Barrie admet qu'elle est amplement méritée et explique au prisonnier du «donjon» qu'il ne peut rien faire pour l'aider. Cette rencontre va changer le cours de sa vie…

NEVERLAND est inspiré de la pièce de théâtre d'Allan Knee : «L'homme qui était Peter Pan» («The man who was Peter Pan»), libre adaptation de la vie de James Matthew Barrie. Le scénariste David Magee a lui-même pu jouir d'une grande liberté dans l‘écriture de son script. Par exemple, on constate que la famille Llewelyn-Davis est au grand complet lors de la rencontre à Kensington Gardens, alors qu'en réalité, c'est la nounou des enfants que Barrie rencontra à l'origine, accompagnée de trois garçons, dont Peter, encore dans un landau. De plus, Monsieur Llewelin Davies n'était pas (encore) mort, et en réalité, il ne vit d'ailleurs pas d'un très bon oeil l'intrusion de Barrie dans sa vie. Mais si David Magee a donné à NEVERLAND une dimension très romancée, il revient cependant à l'histoire originale de James Matthew Barrie pour la fin du scénario. Certains grincheux pourront trouver le film débordant de bons sentiments, trop romancé, trop tendre, trop dramatique… En vérité, ceux qui jugent trop sévèrement NEVERLAND n'osent pas se laisser envahir par ce qu'ils ont enfoui au plus profond d'eux-mêmes depuis bien longtemps : leurs âmes d'enfants. Cette merveilleuse innocence qui disparaît normalement à mesure que l'on grandit, ou que l'on perd prématurément lorsque la vie ne nous a pas épargnés. N'entend-on pas souvent dire : «Il a grandi trop vite», «Il n'a pas eu d'enfance» …

C'est cette innocence, justement, que le jeune Peter Llewelyn Davies a perdu, après le décès de son père. Cet enfant ne veut plus rêver. Plongé trop tôt dans la dure réalité, confronté à la maladie, puis à la mort, il semble déterminé à occulter tout ce qui n'est pas réel, comme on peut le voir dans la scène du «montreur d'ours» : là où ses frères et sa mère voient un énorme plantigrade danser avec un dresseur intrépide, lui ne voit «qu'un chien». Il refuse de libérer son imagination et s'interdit toute escapade onirique, comme s'il avait choisi de porter indéfiniment la croix de son défunt père. C'est ce jeune garçon, pourtant, qui va aider James Matthew Barrie à se défaire des contraintes imposées par son statut d'adulte. Peu à peu, un transfert s'opère entre les deux personnages, l'un assumant désormais pleinement son désir de vivre ses rêves d'enfant, l'autre acceptant progressivement de rendre la liberté à son imagination. Les petites phrases élégamment assassines lancées par Madame Barrie, interprétée par Radha Mitchell, ne parviennent pas à ébranler cette nouvelle sensation de liberté que l'auteur, longtemps bridé par sa position sociale et son statut d'adulte n‘avait plus ressentie depuis des lustres. Le jeune Freddie Highmore a d'ailleurs une analyse très fine du sujet, puisqu'il dira, lors d'une interview, que le vrai Peter n'est pas le jeune garçon mais Barrie lui-même.

Dès le début du film, pendant la représentation théâtrale, l'attitude de J.M. Barrie montre déjà à quel point il est en décalage avec ses semblables, ceux-là même à qui sont théoriquement destinées ses oeuvres : les adultes. Loin de chercher dans leur compagnie une connivence entendue entre «grandes personnes», il s'isole à la manière d'un petit garçon timide, reste en coulisses alors que la pièce commence. Il aurait pu s'installer à n'importe quel endroit du théâtre pour observer les réactions du tout Londres à sa nouvelle pièce. Mais au lieu de se mettre en avant, il choisit de se cacher entre les rideaux de la sortie, ne laissant apparaître que son visage inquiet. En scrutant les visages fermés des spectateurs, il ne voit qu'ennui et mécontentement. Il les imagine alors sous une pluie battante, aussi imperturbables qu'une assemblée de morts. Cette première scène en dit long sur le personnage de J.M. Barrie, remarquablement interprété par Johnny Depp. Sa différence sera d'ailleurs le terreau des pires rumeurs, puisque d'aucuns l'accuseront de pédophilie, ce que laisse sous-entendre un ami durant un match de cricket, avec toute la retenue que lui impose son statut de bourgeois anglais.

On pourra par ailleurs constater que le rapport que J.M. Barrie entretient avec les femmes est tout à fait platonique. D'abord dans sa relation avec Madame Davies, dont il aurait «normalement» dû tomber éperdument amoureux, mais surtout lorsqu'on se penche sur son rapport au couple. En effet, il existe un gouffre infranchissable entre lui et son épouse, Mary, représenté de très belle manière dans le film, lorsque chacun des époux rejoint sa propre chambre. Une image très forte et très symbolique de la rupture qui s'est opérée entre l'auteur et sa femme, et qui exprime la séparation d'esprit du couple, aboutissant fatalement à la séparation de corps. Un thème abordé presque en filigrane dans NEVERLAND, mais que l'on peut déceler dès les premières minutes du film...

NEVERLAND ne se contente donc pas d'explorer le terrain de l'innocence perdue, puisqu'il y est aussi largement question de la rupture dans le couple, une rupture qui n'est pas nécessairement la conséquence d'un manque d'amour mais qui est consécutive ici, et pour beaucoup de couples dans la vie, d'un manque de complicité et d'implication mutuelle dans le «jardin» de l'autre, sans qu‘on puisse tenir l‘un des deux pour responsable. Dans le film, c'est le désintérêt manifeste de Mary pour le monde de James, confronté à la passion de ce dernier pour l'imaginaire et par conséquent à son détachement vis à vis du quotidien, qui constitue la raison de l'éloignement des deux époux. Une histoire banale, en somme, qui, si on la transpose dans la réalité, pourrait concerner un jour ou l'autre la plupart d‘entre nous, car un beau matin, alors que la vie aura fait son chemin, tout le monde peut très bien se réveiller soudain pour découvrir que l'être jadis tant aimé est devenu un "étranger".

Ce titre, proposé par TF1 vidéo, a fait l'objet d'une édition soignée : on y retrouve des pistes son en Dolby Digital 5.1 et DTS pour les versions originale et française. Le fait est assez rare encore pour mériter d'être remarqué. On constate souvent, en effet, que les éditeurs français se contentent de ne proposer qu'une piste DTS pour la version doublée, ce que regrettent les nombreux amateurs de versions originales. Nous ne parlerons pas ici de la qualité de l'image, qui ne souffre d'aucun défaut, cela ne surprendra personne.

Dans la rubrique "suppléments", la jaquette nous annonce la présence du film commenté par le réalisateur et le scénariste. Las, à l'examen attentif du menu du DVD, on s'aperçoit assez vite que ce commentaire ne figure pas sur cette édition. Dommage. On aurait apprécié de revoir NEVERLAND assorti d'infos sur les parti-pris esthétiques, l'écriture du scénario, la direction des acteurs...

Le seul commentaire audio présent étant celui proposé en version originale sous-titrée dans la section "Scènes coupées", où ne figurent que trois scènes de dialogues sans grand intérêt ni pour l'histoire, ni pour l'acheteur de ce titre en DVD. On ne peut que remercier le réalisateur de nous avoir épargné ces passages bavards et sans importance, dans un film où les dialogues tiennent déjà une place non négligeable. Point trop n'en faut, quand même. Surtout qu'il n'est plus un film produit récemment qui ne soit pas livré accompagné d'une foultitude de "bonus" annexes, souvent inutiles et ennuyeux. C'est notamment le cas du Making-Of de ce titre, dont les quelques infos intéressantes sont noyées dans une masse redondante avec la section "Tapis rouge" de congratulations, salutations, salamaleks en tous genre. En gros, chaque acteur interrogé souligne le grand talent de tous les autres acteurs du film. A charge de revanche. On est heureux d'apprendre que Dustin Hoffman a beaucoup de talent, que Johnny Depp est l'un des meilleurs acteurs de sa génération, que Kate Winslet est une actrice formidable...

Bel hommage au géniteur de l'une des histoires les plus célèbres au monde, NEVERLAND a été un succès lors de sa sortie en salles, 100 ans après la première de la pièce de James Matthew Barrie. Quand on songe aux nombreuses adaptations de Peter Pan, celle de Disney, la comédie musicale donnée à Broadway, HOOK de Spielberg, on peut se demander si tout ce qui se rapporte de près ou de loin à «Peter Pan» ne serait pas la pierre philosophale de la création, qui par une subtile et fantastique alchimie la transforme en consécration. Cinq fois nominé aux Oscars 2005, notamment pour les catégories «Meilleur Film» et «Meilleur Acteur», ce film est une fée clochette qui nous rappelle que nous devons préserver à tout prix notre âme d'enfant et qu'il suffit de croire en nos rêves pour qu'ils se réalisent.

Rédacteur : Nadia Derradji
Cofondatrice du site DeVilDead en l’an 2000, Nadia Derradji s’est, depuis, orientée vers d’autres projets personnels et professionnels.
56 ans
84 critiques Film & Vidéo
On aime
Un traitement qui brasse imagination et sujet grave de la plus belle des manières
L'interprétation
Des pistes DTS pour la VO et la VF
On n'aime pas
Commentaire audio indiqué sur la jaquette et absent du disque
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L'édition vidéo
FINDING NEVERLAND DVD Zone 2 (France)
Editeur
Support
DVD (Double couche)
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h37
Image
2.35 (16/9)
Audio
English DTS 5.1
English Dolby Digital 5.1
Francais DTS 5.1
Francais Dolby Digital 5.1
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Scènes coupées (2mn39)
      avec ou sans commentaire audio
    • La Magie de Neverland (15mn50)
    • Créer Neverland (3mn10)
    • Tapis rouge (2mn29)
    • Bêtisier (5mn36)
    • Bande-annonce
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