Header Critique : EVENTREUR DE NEW YORK, L' (SQUARTATORE DI NEW YORK, LO)

Critique du film et du DVD Zone 2
L'EVENTREUR DE NEW YORK 1982

LO SQUARTATORE DI NEW YORK 

Un tueur sadique s'en prend à la population féminine de la ville de New York, les mutilant de façon atroce avant de les tuer. Il tourmentera la police par des coups de fil en se dissimulant derrière une horrible voix de canard, allant jusqu'à commettre un meurtre en direct. Combien de femmes mourront avant que l'inspecteur Williams ne l'arrête ?

Ce giallo très violent de Lucio Fulci est sorti en 1982, soit deux ans après MANIAC de William Lustig, avec lequel il présente quelques similitudes sur le fond mais aucunement dans la forme. Lustig n'hésite pas à explorer les méandres de la psyché de son tueur, ses motivations provoquant alors un élan de compréhension chez le spectateur, à défaut de réelle sympathie. Fulci préfère se concentrer sur ses méfaits sanglants et la psychologie des personnages gravitant autour du meurtrier. Même si les protagonistes sont impeccablement définis de par leurs actes, ils sont tous assez négatifs pour ne pas être attachants. Leur lieu d'habitation est un New York froid et lugubre où il n'y a aucune place pour l'amour et la tendresse. Une ville devenue un personnage à part entière, sa laideur contaminant ses occupants. Une construction en cercle comme les affectionnait Fulci.

L'EVENTREUR DE NEW YORK a souffert de la censure à sa sortie, notamment en Angleterre. La liste des «video-nasties» avait fait son apparition au début des années 1980 avec l'explosion du marché de la VHS. Les films d'horreur devenaient la cible préférée des médias et tout était mis en oeuvre pour les interdire. Aucune copie cinéma de L'EVENTREUR DE NEW YORK ne fut même projetée. Le directeur de la BBFC avait fait sortir toutes les bobines du pays sauf une, qu'il se faisait sans doute un malin plaisir à montrer aux politiciens et autres militants pour la censure. Une autre raison de la mauvaise réception du film est à imputer au cas Peter Sutcliffe, un tueur en série anglais bien réel, au doux surnom de "The Yorkshire Ripper". Il sévit durant l'année 1981 en Angleterre et l'affaire était encore très présente dans l'esprit de la majorité des gens. Cela ne donnait donc pas envie de voir des meurtres similaires reproduits sur grand écran et en couleurs.

Retour au film qui démarre sous le pont de Brooklyn où passaient les morts vivants à la fin de L'ENFER DES ZOMBIES. Un homme promène son chien au bord de l'eau. En cherchant sa balle dans un buisson, le fidèle toutou va finalement ramener une main coupée. Après un détour par le commissariat de police, nous voilà en compagnie d'une jolie jeune fille à vélo qui va malencontreusement érafler le flanc d'une voiture de sport à l'arrêt. Un bref échange verbal avec le conducteur met en place l'esprit misogyne du film et bien sûr, la belle va payer pour ses propos provocants. Fulci est malin. Juste au moment où le tueur s'apprête à plonger son couteau dans le corps nubile de la jeune fille, il coupe sur un plan du ferry qui s'approche du quai. Le spectateur a déjà deviné qu'elle va mourir. On se dit que le réalisateur ne va pas nous montrer l'évidence. Mais Fulci nous ramène dans la voiture non pas une fois, mais trois pour nous faire profiter pleinement du spectacle sanglant.

Les meurtres dans L'EVENTREUR DE NEW YORK sont parmi les plus brutaux que Fulci ait filmé, n'égalant cependant pas la perversité galopante de SOUPCONS DE MORT qui sortira quatre ans plus tard. Mais on a droit à notre lot de sadisme. Pour le deuxième meurtre à l'écran, une fille travaillant dans un peep-show se fait tuer à coups de tesson de bouteille dans le bas-ventre, accompagnés d'un cri de canard strident. La scène est filmée dans le noir, à la seule lumière des reflets d'un néon vert extérieur. Lorsque le tueur ouvre la porte pour partir, la morte est baignée d'une vive lumière rouge, nous renvoyant aux travaux macabres et esthétisants de Dario Argento (SUSPIRIA) ou Mario Bava. Un beau moment de pureté sadique. Mais le pire reste à venir avec Kitty (Daniela Doria), la prostituée, et accessoirement petite amie de l'inspecteur de police. La séquence du rasoir sur son téton et ensuite dans son oeil est franchement douloureuse à regarder. La découverte du corps par Williams se déroule alors dans un silence approprié.

Comme dit plus haut, les personnages sont particulièrement soignés, bien que traités avec mépris. Et nous approchons encore une fois de ce qui revient sans cesse dans les oeuvres de Lucio Fulci et surtout, dans les différentes analyses de ses films : Sa misogynie supposée. Selon sa fille Antonella, Fulci aimait et admirait les femmes. Elle le décrit comme flirtant avec toutes celles qu'il rencontrait mais de façon charmante ou maladroite, jamais brutale. Une fille n'a bien sûr pas accès au jardin secret de chacun de ses parents et peut-être que Fulci ne faisait qu'exprimer ses propres peurs dans ses films. Malheureusement, il n'est plus là pour en parler mais il est permis de douter d'une misogynie totale dans L'EVENTREUR DE NEW YORK. Les personnages masculins sont tous négatifs mais, mis à part le tueur, aucun n'a de comportement directement haineux envers les femmes. On ne peut pas parler de punition pour leurs péchés, non plus. Les protagonistes évoluent tous à l'intérieur d'un univers où les comportements déviants semblent être la norme.

Les personnages clés du film servent tous un but bien particulier. Le plus marquant est Jane (Alexandra Delli Colli), dont les déviances sexuelles forment un parfait contraste avec sa vie bourgeoise. Elle est une habituée des peep-shows et spectacles pornographiques où elle enregistre les bruits du couple faisant l'amour sur scène. Son mari se repassera les cassettes en douce. Elle aime aussi draguer dans des bars sordides, où elle domine clairement la situation à travers une soumission feinte. Son personnage est présenté de façon très ambiguë, rendu d'autant plus complexe que Fulci filme les scènes érotiques de façon voyeuriste. Elles sont prolongées inutilement au sein du film, nous mettant presque mal à l'aise car elles n'existent pas dans le but de titiller le spectateur. Surtout qu'un grand effort à été fait au niveau de l'éclairage, rendant ces images très jolies. Il était presque naturel que Jane croise le chemin de Mickey Scellenda (Howard Ross / Renato Rossini), un voyou drogué et collectionneur de porno. La caméra insiste sur le fait qu'il lui manque deux doigts à la main droite, un handicap physique enfonçant le clou à propos de notre suspect numéro un. La rencontre sado maso de Jane et Scellenda se terminera bien évidemment en bain de sang. Mais est-ce bien lui qui tient le couteau ?

L'inspecteur Williams (Jack Hedley) est un homme cynique et désabusé, qui se tourne vers une prostituée pour son plaisir, sans doute parce qu'il pense ne pas mériter mieux. Lorsque nous le voyons pour la deuxième fois (environ à la treizième minute du film), Lucio Fulci himself fait une apparition en tant que chef de la police. C'est un petit bonhomme à l'air très sympathique, sans la barbe, qu'il arborera par la suite, mais avec son éternelle pipe à la bouche qu'il ne cesse d'allumer. Il n'a pas l'air bien sévère avec son inspecteur qui, on peut le dire, patine dans la semoule. A ce propos, il n'aura pas une seule bonne idée de tout le film pour essayer d'attraper l'assassin. Il se remettra à l'intelligence bien plus vive du Dr Davis (Paolo Malco), un psycho-thérapeute. Ce docteur est un personnage bien curieux. Il est présenté comme obsédé par son jeu d'échec électronique, il est homosexuel, ce dont il ne se cache pas, mais il est presque trop évident pour être crédible.

Une seule femme échappe à l'assassin, Fay (Almanta Keller, créditée Suska). On la voit pour la première fois dans le métro, dans une brève course-poursuite qui semble directement inspirée de MANIAC. En sortant, elle se retrouve à côté d'une devanture de cinéma qui affiche LE LOUP-GAROU DE LONDRES (un autre film comportant une poursuite dans un métro). De sympathiques clins oeils que l'on peut s'amuser à relever bien qu'il ne s'agisse sûrement pour le second que d'une coïncidence puisque Lucio Fulci n'avait certainement pas les moyens de modifier les rues de New York à sa guise. Fay est donc une fille très passive qui ne se défend aucunement face à son agresseur alors qu'elle pourrait au moins tenter de s'enfuir. Elle se trouve dans une relation hautement insatisfaisante avec Peter (Andrew Painter / Andrea Occhipinti) qu'elle subit au lieu de changer les choses. Son agression la rend d'autant plus vulnérable et sa beauté fragile lui donne un air éthéré... pas tout à fait présente. Son ami ne fait pas grand chose pour l'aider, la rabaissant au lieu de l'encourager.

Contrairement à d'autres giallos, L'EVENTREUR DE NEW YORK est un film curieusement dépourvu de réel suspens. Même au moment des meurtres, on ne ressent aucune angoisse prenante, surtout que les victimes restent là sans bouger. Il est certain que les effets spéciaux ont leur importance et que les moyens étaient limités, mais on aurait apprécié un peu plus d'action plutôt que juste des cris. Cependant, une construction intelligente et un final déprimant au possible font que l'on ne retient pas ce défaut comme étant majeur.

Au niveau du son, il n'y a pas grand chose à dire, la piste mono codée sur deux canaux passe très bien sans parasites ni changement intempestif de niveau. Seul bémol, l'impossibilité de passer d'une piste son à une autre en cours de visionnage en appuyant sur la touche "Audio". Ce n'est bien évidemment pas le seul DVD dans ce cas puisque très souvent, nos télécomandes voient leurs possibilités d'interactivité réduites. Enervant et il faut bien le rappeler de temps à autres ! Pour en revenir à L'EVENTREUR DE NEW YORK, la musique composée par Francesco De Masi est d'inspiration jazz-funk, américaine dans l'esprit, avec quelques touches électroniques pour rehausser certaines scènes. Bien que le transfert au format cinéma soit acceptable et offre des couleurs naturelles, on ne peut s'empêcher de noter que la précision de l'image n'est pas au niveau de ce qu'elle auraît pu être.

Passons aux suppléments. Le premier est un livret de 16 pages comprenant une introduction d'Antonella Fulci. Vous y trouverez des notes de production, des anecdotes, des mini-bios des acteurs ainsi que des textes plus longs sur Lucio Fulci, Fabrizio De Angelis (producteur) et Dardano Sacchetti (scénariste). La mise en page est sobre et lisible, le texte est informatif, formant un tout très sympathique et toujours appréciable.
Sur le premier disque, nous avons une petite section bonus. Elle présente la fiche technique, une galerie de seulement neuf photos tirées du film, une bande annonce d'environ trois minutes et des bio-filmos de Fulci et des acteurs principaux. En regardant les bios, il suffit d'appuyer sur les flèches de la télécommande pour accéder aux suivantes, inutile de revenir au menu, ce qui est appréciable. Le reste des suppléments sur le deuxième disque est d'apparence plus fournie mais en les regardant de plus près, on s'aperçoit que certains sont trop longs et, surtout, répétitifs.

Le commentaire audio ne rentre pas dans cette dernière catégorie. A défaut d'en avoir un par le Maître lui-même, la tâche a été confiée à Paolo Albieri, spécialiste de Fulci, et Federico Caddeo, qui se présente en tant que «modérateur». En d'autres termes, Caddeo pose les questions et Albiero répond. Ce n'est pas une mauvaise chose étant donné qu'Albiero n'a pas volé son étiquette de Fulciologue (son propre terme) et aurait pu prolonger son commentaire sur une deuxième ou une troisième vision du film. S'égarant par moments du métrage, Caddeo le ramène alors à bon port et même si Albiero est très intéressant à écouter, l'on aurait aimé qu'il se concentre tout de même davantage sur L'EVENTREUR DE NEW YORK. Il livre de nombreuses anecdotes et même quelques détails sur la vie privée de Fulci, tout en gardant une certaine pudeur. Sa dévotion est évidente et ce commentaire ne vous décevra pas le moins du monde. On a même envie de le réécouter tant il est fourni. Le film prend aussi une toute autre dimension avec le côté visuel autant mis en avant, le son étant étouffé pour laisser parler les deux intervenants, tant et si bien qu'il faut parfois revenir en arrière plusieurs fois pour nous reconcentrer sur le commentaire plutôt que sur les images. Détail amusant : Albiero contredit complètement une anecdote racontée par Howard Ross dans son interview. Et elle paraît bien plus crédible ici.

Le premier documentaire s'intitule «Gros plan sur le coeur de la ville» mais n'a rien d'une présentation touristique de New York. Cela concerne la genèse du film et nous voyons différents participants parler de leur travail et livrer quelques anecdotes. Bien que très intéressant au départ, il s'allonge sur la fin pour atteindre finalement ses 52 minutes. De plus, c'est assez mal filmé par instants, avec des cadrages totalement inutiles. Ce n'est peut être pas évident de filmer une personne qui parle devant une caméra de façon statique mais, là, on frise l'amateurisme. Petit avertissement, au passage, si vous n'avez pas vu TENEBRES de Dario Argento, faites attention à la grosse révélation à la 35è minute. Le deuxième sujet est le plus intéressant car Antonella Fulci y parle de son père. C'est à la fois subjectif au travers le souvenir de son regard de petit fille, et objectif avec sa vision de femme adulte qu'elle est devenue. Une sorte de porte ouverte sur l'homme derrière la réputation de ses films mais cela ne dure qu'une trentaine de minutes et on aurait aimé l'écouter encore un peu plus.

Les deux interviews suivantes concernent respectivement l'acteur Howard Ross (sur 19 minutes) et le compositeur Francesco De Masi (un incroyable 52 minutes !). Et là, les choses se gâtent. Ils parlent tous deux de leur carrière, empilant les anecdotes, et pour Howard Ross, chaque réalisateur était «Un grand, très grand…». Ce qu'ils ont dit de pertinent sur L'EVENTREUR DE NEW YORK se trouve déjà dans le premier doc, donc si vous êtes essentiellement avide d'infos supplémentaires sur leur vie, c'est ici que ça se passe. De Masi donne l'impression d'être un génie très mal compris et sa voix guérirait un insomniaque.

Le dernier supplément concerne les effets spéciaux et dure un peu plus d'une demi heure. On y voit Rosario Prestopino dans son atelier, entouré par de nombreux et très impressionnants moulages à divers stades de finition. Toujours intéressant car qui n'est jamais curieux de savoir comment tel effet a été fait ? Il revient aussi sur son mentor, le grand Giannetto De Rossi qui l'avait pris comme assistant sur L'ENFER DES ZOMBIES. On fait même un petit saut par LE MANOIR DE LA TERREUR, images sanglantes à l'appui. Encore une fois, on aurait aimé que ce soit un peu plus long même si L'EVENTREUR DE NEW YORK n'y est pas vraiment représenté.

Au final, une édition un peu tape-à-l'oeil pour l'une des oeuvres les plus marquantes de Fulci. Dommage que le packaging ne soit pas dans l'esprit du film. Bien que joli, il pourrait presque convenir à n'importe quel slasher (la phrase «Il mutile, il souille, il éventre» à l'intérieur n'était pas non plus vraiment nécessaire). Seul la moitié des suppléments ont un rapport direct avec le film et sont captivants, c'est un peu décevant, au niveau des suppléments, pour une sortie DVD attendue depuis aussi longtemps.

Rédacteur : Marija Nielsen
55 ans
98 critiques Film & Vidéo
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Le commentaire audio
L'interview d'Antonella Fulci
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Le packaging douteux
Le côté « remplissage » de certains bonus
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L'édition vidéo
LO SQUARTATORE DI NEW YORK DVD Zone 2 (France)
Editeur
Neo
Support
2 DVD
Origine
France (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h31
Image
2.35 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Italian Dolby Digital Mono
Francais Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Commentaire audio de Paolo Albiero et Federico Caddeo
    • Gros plan : Au coeur de la ville (51mn48)
    • Interviews de Antonella et Lucio Fulci (29mn26)
    • Interview de Howard ross (19mn04)
    • Interview de Francesco De Masi (51mn24)
    • Interview de Rosario Prestopino (33mn46)
    • Bande-annonce
    • Galerie de photos
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