Curieuse carrière que celle de Michael Almereyda, personnage pratiquement inconnu en France. Nous le trouvons d'abord comme scénariste de la petite production de science-fiction CHERRY 2000, puis il écrit et dirige la comédie LA FAMILLE CLEVELAND (titre vidéo). Ensuite, il bascule vers le cinéma d'auteur indépendant. Il écrit JUSQU'AU BOUT DU MONDE, oeuvre d'anticipation très bancale réalisée par Wim Wenders, et commence à réaliser des courts et moyens métrages plutôt expérimentaux, avant de livrer le film de vampires contemporains NADJA, en 1994.
Son long métrage de fiction suivant se nomme TRANCE et explore lui aussi de façon non-conformiste une mythologie fantastique : celle de la momie. Produit par Trimark, compagnie spécialisée dans le cinéma indépendant et le fantastique, TRANCE se tourne avec un budget très modeste de quatre millions de dollars, entre les USA et l'Irlande. Le couple vedette s'y voit incarné par des comédiens plutôt habitués aux seconds rôles, à savoir Jared Harris (récemment vu dans RESIDENT EVIL : APOCALYPSE…) et Alison Elliott (BIRTH…). A leurs côtés, difficile de ne pas remarquer l'insolite présence de Christopher Walken, incarnant un irlandais passionné par l'archéologie. Enfin, Jason Miller (L'EXORCISTE) fait une apparition dans une petite scène, en début de métrage…
Nora et Jim, un couple de new yorkais parents d'un petit garçon nommé Jim Jr., décident de combattre l'alcoolisme dans lequel ils ont tous deux sombrés. Ils décident de partir en Irlande, dans la demeure familiale où a grandi Nora, laquelle compte y retrouver la grand-mère qui l'a élevée. Ce manoir, situé aux abords d'un vaste marécage, recèle d'inquiétants secrets…
TRANCE fonctionne avant tout sur un sujet fantastique. En effet, dans la tourbe environnant le manoir, Bill Ferriter, l'oncle de Nora, a découvert une momie de l'âge du fer, impeccablement conservée grâce à la boue des marais. Cette momie va reprendre vie et hanter les couloirs du sinistre manoir gothique. Au gré des péripéties, nous retrouvons d'autres archétypes du genre. Bill, incarné par un Christopher Walken excentrique à souhait, évoque quelque savant fou. Des rites druidiques et de la sorcellerie s'invitent encore dans ce drame…
Mais TRANCE ne se montre pas seulement prolifique en thématiques surnaturelles. Il développe aussi en détails ses personnages principaux, et particulièrement celui de Nora, luttant contre son alcoolisme, devant affronter les fantômes du passé qui hantent, au propre et au figuré, la demeure Ferriter. Un jeu du double s'établit entre Nora et la momie celte, laquelle est en fait une sorcière qui va tenter d'usurper l'identité de la jeune femme. Voilà qui n'est pas sans nous rappeler LE MASQUE DU DEMON !
Toutefois, Almereyda semble refuser de se laisser aller à un gothisme classique. Musique électronique, néons clignotants, bourdonnements subsoniques, long travellings à la steadicam dans des couloirs labyrinthiques… Les influences de TRANCE sont à chercher du côté de SHINING ou de David Lynch plutôt que chez Fisher ou Mario Bava ! Et, à force de puiser dans des oeuvres antérieures, TRANCE manque un peu d'originalité visuelle. Sa volonté de mêler drame intimiste, sujet gothique et ambiances "expérimentales" aboutit à un résultat déséquilibré et confus, flirtant plus qu'à son tour avec une prétention antipathique…
Pourtant, pourtant… Il faut reconnaître à TRANCE une qualité réelle : on ne s'ennuie jamais devant ce long métrage. Imparfait, mais toujours surprenant, TRANCE jouit en plus d'une finition plastique et visuelle tout à fait satisfaisante. Il parvient, sinon à convaincre, au moins à envoûter temporairement le spectateur.
Cette curiosité ne connut qu'une carrière très marginale. S'il vaut à Jared Harris une récompense au festival de Sitges pour son interprétation, TRANCE fera avant tout sa carrière sur le marché de la vidéo et du DVD. En France, il sort directement dans les vidéos-clubs sous son titre d'origine, alors qu'aux Etats Unis, il est publié en 1999, sans passer par les salles de cinéma, sous un nouvel intitulé plus "fantastique" : THE ETERNAL : KISS OF THE MUMMY. C'est ce DVD américain (Zone 1, NTSC) qui est testé ici.
Ce disque Trimark propose TRANCE dans son format 1.85 d'origine, avec un télécinéma 16/9 compatible 4/3. Contraste un peu boueux, petites saletés épisodiques, définition un peu émoussée : ce disque n'est en rien une bête de concours et il ne se compare pas aux sorties récentes des plus opulents blockbuster. En même temps, rappelons qu'il s'agit d'une production indépendante et que ce disque est sorti il y a plus de cinq ans. Relativisons donc, l'image de ce DVD reste somme toute correcte et permet un visionnage confortable de TRANCE.
La seule bande-son disponible est la piste originale anglaise Dolby Digital 5.1. Si on en croit le générique, TRANCE serait sorti originellement avec une piste Dolby Stereo, piste qu'on aurait aimé retrouver… Le mixage 5.1 ne correspond pas non plus aux derniers canons techniques. Définition imprécise, tonalités un peu répétitives… Néanmoins, l'efficacité est au rendez-vous, TRANCE sollicitant généreusement le caisson de grave pour quelques passages atmosphériques impressionnants. Enfin la sonorité assez "médium" de l'ensemble apporte une certaine douceur, évitant toute fatigue auditive ou pointes criardes déplaisantes. Cette édition dispose de sous-titres anglais, espagnols et… français ! Ceux-ci sont assez gros et laids, mais, au bout d'un moment, le spectateur s'habitue à leur présence…
Au chapitre des suppléments, nous avons affaire à un DVD léger, ne proposant que la bande-annonce du film et quelques petites bio-filmographies dédiées à Christopher Walken, Michael Almereyda, Jared Harris et Alison Elliott. Des bandes-annonces de CUBE et du CARNAVAL DES AMES (titre vidéo) complètent cette interactivité maigrichonne.
Néanmoins, cette édition Trimark reste le disque le plus intéressant pour les spectateurs français, vu qu'il propose une copie correcte avec un sous-titrage français. Un DVD ultra-économique est aussi sorti en France, avec seulement une VF, sous le titre TRANCE…