En 1964, l'épouvante anglaise a derrière elle de gros succès, particulièrement grâce aux réussites de la Hammer Films ou de producteurs concurrents (le tandem Robert S. Baker et Monty Berman, l'Américain Herman Cohen…). Cela attire l'attention d'autres britanniques tels que Michael Klinger et Tony Tenser, associés au sein du studio Compton Films, qui se mettent à produire des films fantastiques. Le premier d'entre eux sera LE SPECTRE MAUDIT. Par la suite, nous les retrouvons derrière des réussites comme SHERLOCK HOLMES CONTRE JACK L'EVENTREUR de James Hill ou encore les films de Polanski REPULSION et CUL DE SAC. Après quelques années, les deux partenaires se séparent et Tony Tenser lance la compagnie Tigon, elle aussi orientée vers l'étrange. Mais c'est une autre histoire…
Revenons donc à notre film, LE SPECTRE MAUDIT, réalisé par Robert Hartford-Davis qui n'a alors rien tourné dans le genre fantastique mais s'est déjà illustré en mettant en scène des petits films pour Klinger et Tenser. Il s'improvise donc metteur en scène de film d'épouvante tandis que les scénaristes Donald et Derek Ford, au parcours comparable, se mettent à écrire cette histoire d'épouvante. On recrute ensuite quelques comédiens dont certains sont déjà apparus dans des films fantastiques : Heather Sears (LE FANTOME DE L'OPERA version Fisher…), Peter Arne (LES CHEVALIERS DU DEMON…)…
Sir John Fordyce revient à la demeure de sa famille en compagnie de sa jeune et nouvelle épouse. Mais la maison n'est plus occupée que par les domestiques, sa belle-sœur et son vieux père paralytique. Toutefois, un drame ancien pèse encore sur la maison Fordyce. La première épouse de Sir John s'est en fait suicidée des années auparavant, dans des circonstances étranges…
Dans sa treizième livraison, la revue «Midi-Minuit Fantastique» déclarait "Jetons un voile pudique sur LE SPECTRE MAUDIT que Compton s'entête à présenter tous les ans au marché du film et dont les ans n'altèrent pas la sottise fondamentale." A propos du même film, l'encyclopédie Aurum du film d'horreur proclame : "Le découpage est prévisible, la bande-son est grossièrement mélodramatique, les couleurs sont laides et la tension est inexistante."… Bref, il est difficile de trouver des opinions favorables sur ce long métrage à la réputation franchement désastreuse !
Et, honnêtement, il est difficile de passer sous silence certains défauts du SPECTRE MAUDIT. La distribution manque de charisme, aucun comédien ne parvenant vraiment à s'imposer. Nous sommes pourtant à une période où les talents anglais en la matière ne manquaient pas. Qui plus est, ce film arrive à un moment où le cinéma gothique explose (notamment aux USA et en Italie), et il se retrouve en concurrence directe avec des titres signés Terence Fisher, Roger Corman ou Mario Bava. Indéniablement, la concurrence est rude. Comme son récit s'avère banal, LE SPECTRE MAUDIT paraît effectivement opportuniste et ne renouvelle en rien l'épouvante d'alors. Il ne s'agit que qu'un produit de série de plus, au scénario un peu bavard et sans éclat particulier.
Faut-il pour autant le clouer au pilori ? Peut-être pas. Car LE SPECTRE MAUDIT garde tout de même un certain charme british. La reconstitution historique et les décors sont agréables, tandis que l'ambiance gothique revient aux sources du genre, à savoir les romans d'Ann Radcliffe avec ses châteaux ancestraux, ses familles maudites et ses énigmes teintées de surnaturel. Enfin, si la mise en scène et l'interprétation sont sans éclat, elles restent d'un niveau plus que correct, parvenant à maintenir un certain suspens jusqu'au dénouement du métrage.
Nous ne prétendrons pas que LE SPECTRE MAUDIT mérite d'être réévalué et de trôner parmi les plus grands titres de l'épouvante anglaise. Mais il s'agit tout de même d'un agréable "Gothic Mystery"…
En DVD, LE SPECTRE MAUDIT est sorti en France chez Néo Publishing, ce disque ayant été distribué une première fois avec le "Mad Movies" numéro 174 d'avril 2005. A la rentrée de la même année, ce même disque devrait connaître une distribution plus classique, avec une nouvelle jaquette, dans les magasins de DVD.
Quand bien même la jaquette annonce que LE SPECTRE MAUDIT est proposé en 1.66, la copie est en 1.33, vraisemblablement "Open matte", c'est-à-dire sans les caches du format panoramique. En effet, la disposition des titres du générique ou même les cadrages généraux paraissent adaptés à un rapport longueur/largeur d'environ 1.66. Dommage !
Par ailleurs la copie semble fatiguée, avec des teintes plutôt délavées (peut-être d'origine) et des saletés assez présentes (sans être envahissantes). Les scènes les plus sombres sont souvent difficilement lisibles, la faute à des éclairages ou à des contrastes médiocres. Par contre, le travail numérique est réussi, restituant correctement la texture visuelle d'une copie argentique de cette époque.
La bande-son est proposée en mono d'origine codé sur deux canaux, aussi bien en français (doublage d'époque) qu'en anglais. Le résultat sonne un peu criard, mais paraît toujours raisonnablement clair et dynamique. Un sous-titrage français amovible est disponible.
Vendu à petit prix, ce DVD propose quelques suppléments, dont une fiche technique et des filmographies (proposées sous forme de pages, ce qui est bien plus pratique que les laborieux textes défilant imposés par d'autres éditeurs). Surtout, une belle galerie réunit des photos de plateaux, du matériel promotionnel d'époque et des jaquettes VHS consacrées au film.
Pour conclure, signalons que, sauf erreur de notre part, ce disque français est le premier à sortir au monde en proposant LE SPECTRE MAUDIT.