Grant et Paul décident de tailler la route pour une virée surf le temps d'un week-end. Tandis que la nuit tombe, ils font la rencontre de deux filles sur le chemin d'une fête. Désirant les accompagner, les deux amis s'enfoncent en pleine nuit dans la campagne, pour se retrouver nez à nez avec un groupe de fermiers particulièrement dangereux.
Daté de 2003 et inédit en salle chez nous, BAD TRIP est plus connu sous son titre original THE LOCALS. Il est écrit et réalisé par Greg Page, un jeune réalisateur qui signe ici son premier long-métrage après un parcours fait de courts, publicités et clips vidéos. Le film ne bénéficie d'aucun noms connus mais d'une origine flattant désormais les accroches publicitaires chocs. De nationalité Néo-Zélandaise et de genre fantastique, BAD TRIP occupe le créneau qui a vu naître un certain Peter Jackson quelque dix à quinze ans auparavant avec BAD TASTE. C'est sous cette étiquette opportuniste que le film tourne dans les festivals du monde entier, de San Sebastian au BIFFF en passant par Gérardmer (dans la section vidéo), sans pour autant traîner derrière lui une quelconque réputation.
De la bouche de son réalisateur, BAD TRIP est un mélange entre EVIL DEAD, DELIVRANCE et LE SIXIEME SENS. Une formule quelque peu usurpée mais qui en dit finalement long sur la volonté du film de manger à certains râteliers déjà bien fréquenté. Et si les débuts au cinéma de Sam Raimi sont systématiquement cités par les jeunes cinéastes construisant leur premier long-métrage dans le genre horrifique, il faut avouer que BAD TRIP en est pourtant bien loin (hormis, pour l'anecdote, quelques plans d'effets spéciaux en animation image par image). Ce dernier ne joue absolument pas la carte de l'expérimentation visuelle ou l'énergie narrative, mais propose au contraire un spectacle posé, très professionnel, à la photographie étonnante (l'image est toujours très éclairée tandis que le film se passe dans la nuit noire), et au rythme favorisant l'ambiance tout en ménageant ses coups de théâtre.
De prime abord, BAD TRIP est un inédit haut de gamme car à mille lieues de la production stakhanoviste de séries B / Z destinées à meubler les fonds d'étagères des sections vidéos. Et pourtant, son intérêt se montre malheureusement limité suite à une absence de personnalité flagrante. «Les deux potes en virée se perdant dans la cambrousse alors qu'ils suivaient deux filles en direction d'une soirée» peut encore aujourd'hui fonctionner si ce point de départ est réduit à son strict minimum. Ici, l'exposition est tirée en longueur, sur une bonne vingtaine de minutes, et rien (de l'interprétation à l'écriture) ne vient mettre un peu de piquant dans ce lieu commun du genre qui devient de plus en plus difficile à avaler.
Le film décolle enfin lorsque Grant et Paul sont confrontés aux fermiers du coin. Si l'homme de la campagne se voit bien souvent affublé d'une peinture très peu engageante dans le cinéma de genre, BAD TRIP nous donne à goûter l'autochtone local qui, s'il semble moins attardé que certains de ses compatriotes (voire le Belge CALVAIRE de Fabrice Du Welz), il n'en reste pas moins peu fréquentable. Le danger vient ici de Bill, le propriétaire des terres sur lesquelles sont perdus nos héros, et qui a l'amicale habitude de poignarder ses voisins ou d'égorger sa femme (qui a dit que les disputes étaient saines dans un couple ?). Témoins peu discrets des agissements sauvages de Bill, Grant et Paul vont être pris en chasse par l'homme et ses lieutenants dans la magnifique campagne Néo-Zélandaise, celle-là même qui accueillait quelques années plus tôt les fêtes débonnaires des Hobbits du SEIGNEUR DES ANNEAUX.
BAD TRIP emprunte donc la direction du survival, en reprenant le concept là encore bien usé de DELIVRANCE. Mais si le survival est un sous-genre intéressant malgré son principe volontairement simpliste, c'est parce qu'il donne à son auteur les pleins pouvoirs d'un exercice de pure mise en scène. Encore faut-il vouloir (pouvoir ?) l'assumer, ce que refuse Greg Page. Ce dernier prodigue une réalisation là encore appliquée mais sans aucun investissement, anesthésiant du même coup toutes les tensions de ses situations. Aucune frayeur ne vient nous troubler, aucun discours sur la nature humaine décidée à vivre coûte que coûte ne vient nous secouer, juste un jeu de cache-cache dans les hautes herbes qui ne fera illusion que face à une jeune génération peu au fait des canons du genre.
Heureusement, à ce stade de l'histoire, BAD TRIP n'a pas encore tout dit. Au deux tiers de son film, Page décide d'ajouter un peu de sirop de citron dans son panaché, comprenez par là qu'il nous réserve un twist. Le twist, ce retournement narratif inattendu qui prend tout le monde à rebrousse poil et qui s'est retrouvé massivement à la mode, après une maligne mise au goût du jour, dans LE SIXIEME SENS. LE SIXIEME SENS justement, la troisième influence de Page pour BAD TRIP. On n'en dira pas forcément plus ici afin de ne pas déflorer ce qui pourrait passer pour une surprise, ou en tout cas une direction inattendue.
Carré mais sans âme, BAD TRIP est un petit film qui se laisse quand bien même regarder grâce à son savoir-faire mais qui s'apprécie selon l'exigence du moment. Très peu violent, il conviendra parfaitement à un public d'ordinaire peu à l'aise avec l'intensité ou la crudité des survivals. Les autres risquent malheureusement de s'ennuyer poliment, ne trouvant finalement que peu d'éléments capables de susciter l'intérêt. On a la ferme impression à la vue de BAD TRIP d'assister à l'évolution professionnelle d'un réalisateur de pubs et de clips, passant au long-métrage sans pour autant avoir quoique ce soit à dire ou à défendre.
BAD TRIP nous parvient en DVD grâce à l'éditeur La Fabrique de Films, qui propose une collection complète d'inédits hauts de gamme comme en témoignent nos tests précédents de JERICHO MANSIONS ou de KILLING ANGEL. L'image, au format 1.85 et anamorphosée, ne pose aucun problème qualitatif. Le film est proposé en version originale et française dans un mixage multicanal sachant tirer parti du surround lorsque nécessaire.
Fidèle à sa politique d'édition de qualité, l'éditeur propose de nombreux bonus. Commençons par le commentaire audio du réalisateur Greg Page. Si son travail ne reste pas dans les mémoires, ce n'est sûrement pas le cas de ses interventions. Très décontracté, l'homme occupe pleinement son espace de parole, la plupart du temps hilare, pour nous raconter son expérience dans les moindres détails. Si la leçon de cinéma ne se fait pas très théorique, on suit avec beaucoup d'amusement les histoires de tournage de cet énergumène visiblement ravi de partager ses souvenirs avec le spectateur.
La section propose également des images de Making Of ainsi que des interviews des acteurs, de Greg Page et du producteur Steve Sachs. Ce matériel est néanmoins extrêmement segmenté, les interviews comme les images de tournage (divisées selon les séquences auxquelles elles se rapportent) n'excédant en moyenne pas les deux minutes. Nous avons en fait affaire à un stock d'images nettoyées que l'on donne généralement aux médias télévisuels pour que ces derniers en tirent de véritables montages. Il va sans dire que visionné en brut, ce matériel s'avère vite pénible à regarder. Enfin, le disque propose la bande-annonce de BAD TRIP ainsi qu'une sélection des autres titres de l'éditeur.
L'un des personnages de BAD TRIP justifie, de façon amusante, le fait de s'être fait quitter par sa petite amie parce qu'il n'avait pas aimé LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, soit la fierté nationale en Nouvelle-Zélande. C'est pourtant sans aucun doute grâce à l'ombre désormais écrasante de Peter Jackson dans son pays que nous voyons débarquer chez nous ce petit film soigné mais impersonnel, qu'une publicité non fondée tente de raccrocher aux premiers travaux du réalisateur superstar.