Le principal intérêt de SCARED TO DEATH réside dans le fait d'être le seul film en couleurs de Bela Lugosi. Sorti de là, force est de reconnaître le bien peu d'intérêt du film et l'on peut aussi se poser la question du bien fondé (hormis historiquement parlant) de la sortie du DVD où il est présenté en double programme avec GHOSTS ON THE LOOSE.
Réalisé par Christy Cabanne, il permet de réunir à l'écran deux monstres sacrés des années 40. Tout d'abord le vétéran George Zucco, pilier de la série B et, par exemple, méchant de service dans FOG ISLAND, ainsi que Bela Lugosi. Au départ, lorsque le film portait encore les titres de ACCENT ON HORROR ou THE AUTOPSY, c'est Lionel Atwill qui devait être placé face à Bela Lugosi mais en raison de problème de santé, c'est George Zucco qui le remplaça. Alors que le DVD chroniqué ici est supposé être dédié à Bela Lugosi. Ce qui est d'ailleurs curieux, car tout comme dans GHOSTS ON THE LOOSE, Bela Lugosi n'y apparaît qu'une petite moitié du métrage en étant à peine plus qu'un faire-valoir.
Ancien assistant de D.W. Griffith, Christy Cabanne est un des innombrables réalisateurs de série entre 1930 et 1950. Sans talent particulier, son heure de gloire se résume à une version du classique de Charlotte Bronte, Jane Eyre, en 1934 avec Colin Clive (FRANKENSTEIN de James Whale) pour la firme Monogram. Il fut ensuite homme de main à Universal où il toucha à tout. De la série des Bill Crane avec THE WESTLAND CASE (1937) ou le calamiteux THE MUMMY'S HAND (1942).
L'histoire demeurera nébuleuse pendant les 68 (longues) minutes du film. Le point de départ est cependant original car l'histoire nous est contée par le cadavre découvert à la morgue au début du film. Une jeune femme française, Marie Laval (Molly Lamont), est persuadée que quelqu'un souhaite la faire mourir de peur. Son mariage avec son époux (Roland Varno) vacille et les relations avec son beau-père médecin (George Zucco) sont désastreuses. Arrivent un curieux hypnotiseur (Bela Lugosi) qui se révèle être le cousin du beau-père et son assistant nain (Angelo Rossito). Mais ni la servante un peu trop curieuse ni le garde du corps engagé n'empêchent l'apparition d'un étrange masque vert que seule la jeune femme terrorisée aperçoit. Qui terrorise ainsi la jeune femme et pourquoi ?
Pourquoi, en effet, pourquoi tant de haine et de confusion envers le spectateur ? Si le point de départ reste indéniablement nouveau, le reste se vautre dans une médiocrité quasi intégrale. Pas plus de cinq décors, une maison et le tour est joué. Le film s'interrompt à plusieurs reprises afin de faire un semblant de zoom sur le cadavre qui explique la scène à venir. L'image devient floue, petites vocalises d'outre tombe et la scène suivante démarre Au bout de trois explications de texte, la lourdeur du principe plombe le reste du métrage et casse le semblant d'atmosphère qui s'installe.
D'autre part, le réalisateur ne sait pas choisir quelle direction suivre. Autant les scènes de mystère et d'épouvante se tiennent de manière correcte (l'actrice jouant Marie Laval est très expressive et remporte la palme de la meilleure actrice du lot. Voir son cri d'effroi à 65mn32), autant il se croit obligé d'y introduire des scènes de comédie pataude et lourdingue avec le personnage du garde du corps. Idiot congénital qui a peur de sa propre ombre, il passe le film à essayer de séduire la servante qui n'en a cure. Il s'étonne même d'utiliser le mot métabolisme dans une phrase sans en connaître la signification. A croire que l'intrigue déjà compliquée ne l'intéressait pas !
Ensuite vient l'introduction du journaliste et de son idiote de blonde qui l'accompagne. Inutiles et agaçants, les deux acteurs rivalisent de grimaces et alourdissent un propos déjà bien confus. Le rythme du montage n'aide en rien. Tout cela reste désespérément mou pendant les 68 minutes du film. Un beau gâchis.
Côté mise en scène le compte n'est pas bon non plus. Les acteurs, statiques, débitent leur dialogues sans passion véritable. La caméra semble vissée sur le sol, seulement capable de cadrer des acteurs qui s'ingénient à se placer au centre du décor. Seul, Bela Lugosi refait son sempiternel numéro de Dracula sur le retour et anime l'action de son regard menaçant (17mn50)… Et, il est vrai qu'en couleurs, son aspect demeure plus inquiétant qu'à l'habitude. De voir une série B d'épouvante de 1947 en couleurs donne au film un caractère quelque peu irréel, un peu hors du temps. Cela reste la principale qualité du film de Christy Cabanne.
Quelques images sortent néanmoins du lot. L'arrivée de Bela Lugosi et de son aide Indigo (8mn54). De les apercevoir sur le pas de la porte, un homme chapeauté avec une cape noire et un nain sourd et muet mais particulièrement agressif vire au surréaliste. Tout comme le sont les apparitions du masque vert derrière les vitres de la maison, suffisamment fantomatiques pour entretenir le suspense. Le final, enfin, rappelant une sorte de théatralisation de la peur à laquelle l'explication se réfère directement.
Bien que tourné initialement avec un procédé couleurs au rabais, le Cinecolor, les Américains ont eu l'idée saugrenue de coloriser le film pour des diffusions en vidéo au début des années 90. A priori, la copie qui nous est proposée ici est la version disposant de ses couleurs d'origine. Le film a subi la patine du temps mais demeure cependant d'une qualité acceptable. Les couleurs criardes de certains décors (le cabinet du médecin) ou des costumes (la tenue de la servante) dénotent d'une volonté de tirer au maximum d'un procédé de couleurs pas bien maîtrisé. Mais cela donne au film un style quelque peu à part et inédit. D'autant plus que l'un des sujets de SCARED TO DEATH est un Masque Vert (tirants sur le bleu dans la copie vue ici) qui se balade ça et là au nez et à la barbe de chacun. Des griffures inhérentes à l'ancienneté de la copie apparaissent tout le long du film, du début (1mn20, rayure blanche verticale) aux diverses aspérités blanchâtres (3mn17) en passant par le plan final. Rien de gênant cependant tout comme la piste sonore originale anglaise en mono accompagnée de sous-titres français obligatoires puisque brûlés sur l'image. Assez claire, elle ne présente que peu de souffle. Un bon point.
Côté bonus, pas de quoi mourir de peur. On peut plutôt mourir d'ennui car il n'y a en a aucun. Le film est donc présenté sur le même DVD que GHOSTS ON THE LOOSE de William Beaudine, d'un intérêt tout aussi limité. Le menu principal donne accès aux deux films et aux chapitres correspondants.
Au final, SCARED TO DEATH évite de sombrer corps et bien dans les affres de l'oubli de par l'utilisation de la couleur. Bela Lugosi promène sa silhouette rugueuse et son accent à couper au couteau tout en faisant planer menace et mystère sur chacun. Dommage qu'il soit, comme dans GHOSTS ON THE LOOSE, utilisé comme attraction de second plan. Mais sa carrière était déjà derrière lui et il ne se contentait plus que de refaire ad nauseam un numéro bien huilé.