Un journaliste est en cours de montage de son documentaire consacré aux adeptes de Charles Manson. Ils donnent ainsi la parole à ceux qui ont formé la "Famille" avec des interviews datant des années 70 et celles qu'il a réalisées dernièrement, le tout étant confronté à la «réalité».
Après avoir vu une interview de Charles Manson par Geraldo Rivera, qui ravivait, en 1988, des événements déjà ultra médiatisés au moment des faits puis par le cinéma ou la télévision (notamment à travers un téléfilm en deux parties HELTER SKELTER), Jim Van Bebber et son comparse Mike King décident de se lancer la même année dans la production de THE MANSON FAMILY. Sur la promesse des ventes de leur premier film, DEADBEAT AT DAWN, ils pensent qu'ils obtiendront l'argent nécessaire pour réaliser un tel projet. Malheureusement, ce qui aurait du être un petit tournage de quelques mois prend des allures tout autres lorsqu'il apparaît évident que DEADBEAT AT DAWN ne sera pas distribué aussi largement que prévu et donc sera loin de rapporter les sommes attendues. Ce qui bloque THE MANSON FAMILY, déjà en partie tourné, durant de nombreuses années. Les dernières prises de vues prendront fin en 1993 alors qu'il faudra encore attendre plusieurs années avant que le film ne soit totalement finalisé même si un premier montage est déjà montré lors d'un festival à la fin des années 90.
Dans l'intervalle, Jim Van Bebber boucle deux courts-métrages, MY SWEET SATAN et ROADKILL, ainsi que des clips vidéos, via Mercury Films (sa boîte de production), pour des groupes de métal de Necrophagia à Pantera. C'est d'ailleurs Phil Anselmo, chanteur de Pantera, qui participe activement à la mise en musique de THE MANSON FAMILY. Finalement, THE MANSON FAMILY connaîtra une aide salvatrice de la part de David Gregory et Carl Daft de Blue Underground Limited, société de production qui s'occupe de réaliser des documentaires pour l'éditeur américain Blue Underground. Le film est gonflé en 35mm et les éléments sonores se retrouvent aux studios Chace pour en réaliser un mixage en Dolby Digital 5.1. En tout, il se sera écoulé plus d'une quinzaine d'années entre le lancement du premier tour de manivelle et sa distribution au public…
Cette longue gestation a finalement servi Jim Van Bebber. Le fil conducteur de l'histoire nous présente un journaliste qui tient à présenter l'histoire non pas du point de vue de Manson mais de celui de ses adeptes. Ce lien dans l'intrigue se déroule en salle de montage où le journaliste parle de l'influence médiatique et donc de l'image mythique de Manson alors que personne n'a jamais vraiment donné la parole à ceux qui le secondaient. THE MANSON FAMILY s'attache à retranscrire les faits s'étant déroulés en 1969 mêlé à de fausses interviews «d'époque» et des interventions plus récentes. Les acteurs qui jouent les différents rôles ont ainsi pu vieillir entre le début et la fin du tournage ce qui se ressent dans les dites interviews. Il apparaît dès lors évident que THE MANSON FAMILY aurait été très différent, du moins visuellement, si le film avait été réalisé entièrement à la fin des années 80.
Le passage du temps, Jim Van Bebber le simule aussi artificiellement avec la logique des formats de prise de vue utilisée. Les interviews et documents des années 70 sont ainsi présentés avec un look de vieilles bobines complètement rayées alors que pour les années 90 la vidéo remplace la pellicule. Toute cette partie du film fonctionne d'ailleurs extrêmement bien en confrontant la parole des différents intervenants, à plusieurs années d'écart, avec la réalité. Les témoignages sont ainsi parfois discordants quant à certaines motivations d'un intervenant ou du groupe. Une façon de remettre les pieds sur Terre quant à la médiatisation à outrance qui a transformé Charles Manson pour qu'il devienne une fascinante icône maléfique. A la vision du film, le mythe en prend un coup... Charles Manson voit ses chansons refusées par une maison de disques ou règle ses comptes à la suite d'un deal de drogue. L'image du personnage renvoyée par le film n'est pas vraiment celle d'un gourou charismatique mais d'un petit criminel qui aura assemblé une troupe de jeunes adultes en quête illusoire d'un monde meilleur et qui se perdront, la drogue aidant, dans la folie.
Dommage pourtant que la mise en image centrale du «message du film», l'histoire de nos jours d'adeptes de Manson, soit aussi ratée. La représentation d'une petite bande de jeunes drogués paraît plutôt fauchée. Reste que l'on retrouve ici des jeunes en mal de repères et qui suivent ainsi les préceptes erronés d'un Manson emprisonné mais dont "l'oeuvre" a été commercialisée. Difficile de dire si Jim Van Bebber serait du genre à condamner cette façon de présenter des tueurs en séries, ce que n'est pas Charles Manson, ou d'horribles criminels comme une forme de rébellion morbide, dénuée de but, pour une jeunesse paumée. Il en devient même paradoxal de se retrouver face à un film aussi nettement réalisé tant le cinéaste donne l'impression d'être lui-même un personnage des plus troubles quant à ses motivations et ses opinions.
THE MANSON FAMILY n'est certainement pas l'œuvre que tous le monde attendait après une gestation aussi longue. Mais sur un tel sujet, Jim Van Bebber a fait preuve d'une certaine honnêteté et il est même assez difficile de l'accuser d'avoir réaliser un film d'exploitation. Car même si le réalisateur aborde sans complexe des partouzes très flower power ou s'il s'attache à dépeindre ce personnage en particulier, il ne verse pas pour autant dans la vulgarité gratuite à même d'attirer le chaland des spectateurs en mal de sensations fortes.
Une fois arrivé sur DVD, il est un peu ardu de donner un avis sur la qualité globale de l'image. Jonglant avec plusieurs formats dont des morceaux entiers de pellicule sciemment rayés pour leur donner un look vintage, le résultat réussit très vite à faire illusion : à savoir vous immerger dans ce qui pourrait être un documentaire. Il n'y a pas de soucis de compression et le résultat est donc très largement satisfaisant à l'exception de ce que l'on n'aura du mal à qualifier de détail. En effet, il a été choisi de recadrer l'image pour offrir un transfert 16/9 alors que, à-priori, le bon format du film est normalement en 4/3. De nombreux plans semblent d'ailleurs très étriqués en raison de la perte d'image en haut et en bas !
En ce qui concerne la piste audio anglaise, il est assez ennuyeux de s'apercevoir qu'elle est présentée en simple stéréo. En effet, comme déjà dit, le film a été mixé en Dolby Digital 5.1 lors de la dernière phase de post-production. Rien n'indique que le son aurait gagné énormément avec une telle présentation en raison du sujet mais il faut bien reconnaître une certaine déception à ce niveau là surtout que le DVD américain à paraître sera, lui, pourvu de cette piste sonore. Un doublage français est aussi disponible, toujours en stéréo, mais il est fortement conseillé de s'en passer !
En guise de suppléments, il n'y a rien en dehors de la bande annonce. Il y avait pourtant matière à développer dans tous les sens que ce soit en creusant du côté de Manson, de Van Bebber ou bien encore plus simplement en reprenant du matériel déjà existant sur le film. Il existe en effet un documentaire, THE VAN BEBBER FAMILY, de plus d'une heure qui relate l'histoire du film ou bien encore de nombreuses scènes coupées. Rien de tout cela n'est arrivé sur le disque français qui se la joue minimal !
La version de Jim Van Bebber de l'histoire de Manson ne devrait laisser personne indifférent. Il y a fort à parier que nombreux sont ceux qui vont détester la forme et le fond de son film. Mais l'exercice du faux documentaire mêlé à une part de fiction est des plus réussi pour démythifier le personnage.
