1. Introduction
Le Brady, le «célèbre» cinéma de quartier parisien, fête cette année ses 60 ans d'existence. Une exposition à la Médiathèque Françoise Sagan du 10ème arrondissement, ainsi que divers évènements, alternant séances spéciales et rencontres, sont d'ores et déjà prévus à partir de juin, pour tout l'été 2016. Mais dans l'intervalle, l'agencement du calendrier et le réseau des relations auront donné lieu à un premier hommage à la salle historique, dès cette fin avril 2016, du jeudi 28 au samedi 30, à la Cinémathèque de Toulouse. Evènement d'autant plus légitime que cette dernière s'est retrouvée dépositaire des archives du cinéma, suite à sa rénovation. La parution, en octobre 2015, du livre d'un ancien projectionniste, «Le Brady, cinéma des damnés», a offert un angle d'attaque supplémentaire au projet.
Il est certainement inutile de redire l'importance que revêt le Brady dans le cœur des fantasticophiles. Pourvoyeuse de double-programmes bis durant trois décennies, la salle permanente aura permis la diffusion de pellicules de genre jusqu'à l'aube de l'an 2000, luttant contre vents et marées face à la démocratisation du cinéma chez soi. Elle est entrée dans la mémoire collective via de nombreux fanzines de la grande époque (Mad Movies, Zombi Zine, Evil Z), qui se faisaient l'écho de sa programmation, avant que Starfix n'en pérennise le culte en kiosque au début des 80's. Sans oublier les récits relayant sa sulfureuse réputation : lieu de repos pour clochards, antichambre de comportements et activités «douteuses» (nous sommes en plein quartier populaire, pas loin de la rue Saint Denis). En tout cas, pour les désormais cinquantenaires, gisent là de nombreux souvenirs de projections de séries B d'horreur et de SF, à un moment où il n'était pas bien vu de fréquenter le «mauvais genre». Et surtout à une époque qui voyait la reconversion des salles de quartier en cinéma porno, avant que celles-ci ne mettent la clé sous la porte, reprenant leur rôle de théâtre ou lieu de concert dans le meilleur des cas.
Les programmateurs de Toulouse ont donc décidé de faire entrer une salle à la Cinémathèque, lui consacrant un cycle de trois jours et sept films, au même titre qu'un réalisateur ou un acteur. Ils souhaitaient ainsi faire œuvre de témoignage d'un état d'esprit, d'une façon d'aller au cinoche, si ce n'est d'une période de la culture populaire et bis couvrant les décennies 60 et 70. Sept films, dont on imagine le dilemme du choix et de la sélection, dans le flot continu de la programmation d'alors. Quel genre, quel réalisateur, quelle icône convoquer ? Œuvre culte, ou méconnue ? Joyau ou nanar ? On suppose que la disponibilité de copies d'époque en 35 mm, en version française et en bel état, aura joué en faveur de la présentation de telle bande plutôt que telle autre. En tout cas, au final, le programme qui se présente à nous a belle allure, qui va nous permettre de croiser Jess Franco et Jean Rollin, Paul Naschy et Mark Forrest, vampires et loup-garou. Le péplum et le porno vont se mêler au Krimi et la SF vintage. Autant de bornes jalonnant un parcours de cinéma fait de passion, de rigolades, d'opportunisme, de je men-foutisme. Avec le secret espoir, comme en son temps, de dénicher une perle : une simple image, quelques notes de musique, un maquillage hideux, un buste dénudé... Des souvenirs, également.