2. Emmanuelle Escourrou (Interview)

BABY BLOOD a vu le jour en 1989, pourquoi ne faire une suite que maintenant ?

Pourquoi ? En fait, le film est sorti en DVD il y a trois ans environ et à cette occasion, on m'a contacté pour une interview. J'ai d'abord cru à une farce mais non, l'entretien a bien eu lieu. C'est alors que nous étions en train d'enregistrer que je me suis dit que j'adorerai tourner une suite, retrouver le personnage de Yanka dix sept ans plus tard et imaginer ce qu'elle était devenue… Je me suis donc mise à y penser sérieusement et à écrire.

C'est donc vous qui êtes à l'origine de l'écriture ?

Oui. Au départ j'ai écrit toute seule. Ensuite, j'ai rencontré Eric Porcher de Alterego Productions qui m'a présenté Hubert Chardot, scénariste, et Jean-Marc Vincent, réalisateur. Nous nous sommes bien entendus, on a donc poursuivi l'écriture à trois et cela a abouti sur plusieurs versions du script. Jean-Marc Vincent s'est ensuite chargé de la réalisation.

Qu'est ce qui vous a poussé a donner une suite à un film aussi gore que BABY BLOOD ? L'accueil n'a pourtant pas été extraordinaire à l'époque…

A l'époque, oui. Je le dis et le répète souvent mais quand BABY BLOOD est sorti, c'était limite comme si j'avais tourné dans un porno. C'était vraiment un film hallucinant, du jamais vu en France. Ca restait cependant du troisième degré et c'était plutôt drôle. Il y avait de tels excès, une telle abondance de sang… Les interventions de Alain Chabat et d'autres rendaient l'ensemble assez amusant. Donc pourquoi faire une suite ? Déjà parce que j'ai toujours aimé les films de genre et les polars. Avec LADY BLOOD, on a un scénario beaucoup plus " écrit " que pour BABY BLOOD. Je ne veux pas dire qu'on n'avait pas de scénario pour BABY BLOOD mais c'était juste l'histoire d'une femme enceinte qui entend parler son bébé… On avait beaucoup moins de personnages, de décors alors que dans cette suite, on a énormément de protagonistes, de " familles ". On a tout d'abord la véritable famille de Yanka avec son mari, sa fille, sa belle-mère et on a aussi sa famille professionnelle, la police. Dix-sept ans après, Yanka est capitaine de police, une flic que l'on verra mener des enquêtes et par là même tomber sur des choses horribles qui lui rappelleront bien entendu son passé… On a aussi une troisième famille, celle des mafieux. Donc on a vraiment beaucoup plus d'intervenants et de choses qui gravitent autour de Yanka… C'est n'est pas QUE Yanka et le monstre. Le monstre se manifeste par ailleurs d'une toute autre manière. Je ne pourrai pas vous en dire plus mais c'est cet ensemble de choses qui m'a donné envie d'imaginer ce qui pouvait arriver à cette pauvre fille devenue femme.

Dans BABY BLOOD, il y avait une voix-off pour le monstre... Est-ce toujours le cas ?

Non, ça ne sera plus du tout le cas. Je pense d'ailleurs que c'est mieux parce que cette voix-off n'était pas des plus réussies… Non, ce sera quelque chose de bien plus angoissant. Il y aura beaucoup moins d'humour. Nous avons laissé quelques petites touches à connotation humoristique mais le film est clairement orienté vers le thriller, le polar et le fantastique. Ca ne sera pas non plus un film " gore ". Il y aura des scènes très sanglantes mais la structure sera vraiment celle d'un polar à orientation fantastique.

Nous arrivons à la fin du tournage. Comment s'est déroulée cette aventure ?

Effectivement, le tournage prend fin demain. Ca c'est bien passé mais ça c'est tout de même passé d'une manière plus que " Rock'n roll " on va dire (rire). Vraiment. C'est trente jours de tournage donc c'est plutôt intensif et pour tout le monde. Comme c'était toujours un peu " borderline ", je me suis même dit que la prochaine fois, j'écrirai quelque chose d'un peu plus léger ! Parce qu'un film comme LABY BLOOD en seulement trente jours, c'est une cadence infernale… Quoiqu'il en soit je suis ravie même si, effectivement, je suis épuisée. Heureusement, on en a plus que pour une journée. Donc oui, le tournage s'est bien passé mais c'était vraiment très très intense pour tous.

BABY BLOOD était un métrage très gore. On atteint le même niveau de sauvagerie avec LADY BLOOD ou l'objectif est-il de jouer exclusivement sur l'ambiance ?

Comme je l'ai dit, nous sommes avec LADY BLOOD dans un métrage moins excessif. Les scènes sanglantes sont nombreuses mais elles ne sont pas filmées de la même manière. Elle ne prêtent plus à rire et sont bien plus angoissantes. Comme LADY BLOOD comporte par ailleurs d'autres sous-intrigues, le sang a une place moins importante… Le gore, ce n'est que du sang. Les amateurs de gore en auront donc moins dans cette suite mais ils auront d'autres choses à se mettre sous la dent. On aura plus de suspense et une meilleur psychologie des personnages. Yanka notamment verra ses angoisses refaire surface petit à petit avec une tension allant crescendo. J'espère qu'on aura réussi à faire tout cela… Donc voilà. Il y aura de l'émotion, du fantastique et du sang, mais traité d'une manière très différente. Les choses seront plus équilibrées. C'est pour cela que nous ne sommes plus dans un film gore mais dans un thriller comportant des scènes sanglantes.

Nous avons déjà évoqué la voix-off de BABY BLOOD mais quel est votre regard sur ce film aujourd'hui ?

On va dire qu'on partait sur un scénario bien moins travaillé qui était plus un " prétexte ". On avait en revanche un vrai regard de la part de Alain Robak, un vrai regard de cinéaste qui a donné naissance à une très belle réalisation. Il y a des images, des plans de BABY BLOOD que je trouve sublimes malgré le peu de moyens mis en œuvre. Parce qu'il faut rappeler que BABY BLOOD a été fait avec très peu de moyens, tout comme LADY BLOOD du reste… Nous avons par exemple le plan dans lequel Yanka s'envole. Je me souviens encore comment cela a été fait… C'est justement cette absence de moyens qui éveille chez le réalisateur et chez l'ensemble de l'équipe une véritable part créatrice. On n'a pas les moyens mais il faut le faire donc parfois, avec quelques bouts de ficelles, on crée des plans devant lesquels tout le monde va s'émerveiller. Alors que finalement, c'est juste que l'on n'avait pas les moyens de faire comme les américains. C'est justement pour cela que j'aime BABY BLOOD, parce qu'à aucun moment on a essayé de faire du cinéma à l'américaine : On a fait un vrai film de genre, l'un des premiers en France et on l'a fait " à la française ". C'était vachement bien.

BABY BLOOD a été réalisé par Alain Robak, pourquoi n'a-t-il pas dirigé ce nouvel opus ?

Tout d'abord parce qu'il avait d'autres projets et ensuite, parce qu'il n'en avait pas forcement l'envie. Lorsque j'ai écrit la première version du script, je lui en ai bien évidemment parlé et lui ai demandé s'il était d'accord pour la réaliser. Il s'est avéré qu'il n'avait pas envie de le faire mais il m'a accordé les droits. Il était cependant ravi que j'aie pensé à donner une suite à son film. Je trouve par ailleurs qu'il est bon, dix-sept ans plus tard, d'avoir un regard neuf, celui d'un autre réalisateur. C'est quelque chose que je trouve particulièrement intéressant…

Que pouvez-vous dire du film à nos lecteurs ?

Si je veux conserver un certain mystère, pas grand-chose malheureusement… Cette nouvelle aventure se passe dans le sud de la France alors que la première se déroulait dans le nord. Il fallait bien entendu qu'il y ait la mer puisqu'il s'agit de l'élément naturel du monstre… Le personnage de Yanka a par ailleurs bien évolué. Dix-sept ans après, elle est maman et capitaine de police. Elle est une femme comblée, amoureuse et heureuse en compagnie de son mari, sa fille et sa belle-mère (!?). Tout se passe très bien jusqu'à ce qu'une chose étrange n'apparaisse d'une manière que je ne peux vous dévoiler. Yanka tente alors de se convaincre, avec l'aide de son mari psychologue, qu'il ne s'agit que d'un cauchemar qui devrait prendre fin. Sauf que cela empire chaque jour un peu plus… Elle mène en parallèle une série d'enquêtes auprès de mafieux locaux. Ses investigations la mettront face d'horribles crimes, de véritables carnages qui lui rappelleront bien évidemment ceux qu'elle a pu commettre sous l'empire du monstre des années plus tôt…

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Dossier réalisé par
Xavier Desbarats, Eric Dinkian et Christophe Lemonnier
Remerciements
Jean-Marc Vincent, Emmanuelle Escourrou, Philippe Nahon, Hubert Chardot, David Scherer, Luc Schiltz, Caroline Piras et Alterego Films