Suite au décès de son prédécesseur, le journaliste Claude Leroy est envoyé en province pour enquêter sur une ancienne histoire de lingots d'or volés. Dans le même temps, la jeune secrétaire d'un notaire part, elle aussi, pour livrer un paquet de lettres confidentielles à un client. Dans la nuit, sa voiture tombée en panne, elle est le témoin d'un étrange événement dans un cimetière avant d'être pourchassée par des hommes masqués. De son côté, le journaliste échappe à la mort dans le train qui l'amène dans la petite bourgade non loin de là. Deux faits qui seraient finalement liés et qui mèneraient à une société secrète nommée les Compagnons de Baal.
Le scénariste des COMPAGNONS DE BAAL, Jacques Champreux, n'est autre que le petit-fils de Louis Feuillade qui en son temps réalisait FANTOMAS ou LES VAMPIRES. Il a même écrit le scénario du film JUDEX de Georges Franju et il semble donc que le feuilleton et le fantastique soient une passion de famille. D'ailleurs, Jacques Champreux, qui interprète le rôle principal de Claude Leroy, affirme haut et fort un «Moi, le fantastique, j'adore ça !» en plein milieu du second épisode alors qu'il sort du cinéma le Racine Odéon après avoir assisté à une projection dans le cadre d'un cycle organisé par Midi Minuit Fantastique. Auparavant, la caméra s'attarde elle-même longuement sur les titres de films aussi évocateurs que LE FILS DE FRANKENSTEIN de Rowland V. Lee, RENDEZ-VOUS AVEC LA PEUR de Jacques Tourneur, LA GORGONE de Terence Fisher, LE DESOSSEUR DE CADAVRES de William Castle ou le DRACULA de Tod Browning pour bien affirmer un certain militantisme pour la reconnaissance du cinéma fantastique.
Donc, il n'est pas permis de douter, Jacques Champreux s'intéresse au fantastique et c'est en consultant des ouvrages sur les sectes démoniaques que lui vient l'idée de raconter l'histoire d'une société secrète qui aurait évolué jusqu'à nos jours. Les adorateurs satanistes du Moyen Age ont gardé le goût du mystère à force de réunions mystérieuses ou de signes de reconnaissance alambiqués, mais leurs méthodes se sont grandement adaptées à un univers contemporain, ou plutôt à celui des années 60. Il traitera une nouvelle fois le sujet avec NUITS ROUGES et le feuilleton L'HOMME SANS VISAGE, deux projets très liés, où il est question de l'ordre secret des templiers. Pierre Prévert, frère de Jacques Prévert, assume la réalisation dans l'esprit des feuilletons d'antan.
Bien que la jaquette mentionne BELPHEGOR, à vrai dire LES COMPAGNONS DE BAAL s'inspire beaucoup plus de Fantomas, du Docteur Mabuse et du serial. Les affiches du FANTOMAS de Louis Feuillade ou la présence de romans mettant en scène Harry Dickson dans l'appartement du journaliste Claude Leroy n'ont rien d'un hasard. Quelques mois après la diffusion des COMPAGNONS DE BAAL, c'est donc de façon très logique que le directeur des programmes de l'ORTF propose à Jacques Champreux et à Georges Franju d'adapter «Fantomas» pour le petit écran. Toutefois, ce projet n'aboutira pas car l'achat des droits du personnage était alors trop coûteux pour la télévision.
Meurtres mystérieux, machinations diaboliques, apparition de cadavres et pièges machiavéliques viennent ponctuer de manière très régulière les sept épisodes des COMPAGNONS DE BAAL. Dès que l'un des fils de l'intrigue est résolu on nous embarque déjà vers un autre mystère, de nouveaux personnages ou un rebondissement plus ou moins inattendu donnant à l'ensemble un rythme soutenu. Le jeu des acteurs est parfois outrancier, le diabolique Jean Martin en tête, mais cela participe encore une fois à cette envie de coller au serial. A propos des acteurs, ce feuilleton surprendra par le choix d'interprètes qui sont à présent plus connus dans le registre comique. Ainsi, la jeune compagne du héros est interprétée par Claire Nadeau qui fera plus tard partie de la troupe œuvrant autour de Collaro pour ses émissions humoristiques. De même, l'exécutant impassible des basses œuvres du grand maître des COMPAGNONS DE BAAL n'est autre que Jean Hébert (orthographié Herbert au générique) plus connu à présent sous le nom de Popeck. A leurs côtés, on reconnaîtra aussi Raymond Bussières, René Dary ou bien encore Tsilla Chelton.
Les années ont passé et il faut tout de même avouer que l'ambiance des COMPAGNONS DE BAAL a bien vieilli. Si les dirigeants de l'ORTF avaient pensé plus prudent de diffuser le feuilleton en deuxième partie de soirée et affublé du carré blanc (une mise en garde pour les parents), l'aspect angoissant a disparu. Les réunions des compagnons dans les sous-sols de Paris n'arrivent pas à retranscrire l'ampleur d'une telle organisation, ce qui montre aussi les failles des petits moyens mis en œuvre dans la production de ce feuilleton. Pourtant, tout comme le jeu des acteurs ou les multiples rebondissements, tout cela participe encore un peu plus à ce parfum de serial. Tout comme cette secte incongrue, du second degré volontaire, qui sort de nulle part et qui voue un culte à Cosmochronos avec des animaux empaillés !
Lors de sa première diffusion, LES COMPAGNONS DE BAAL aura été un succès critique et public. Et ce même si l'heure tardive de diffusion n'avait rien pour l'aider tout comme son passage entre fin juillet et début septembre. Les humoristes satiriques de l'époque s'inspiraient déjà de la télévision et un dessinateur réalisa une caricature du général De Gaulle en grand maître des compagnons de Baal qui fut publiée par le Canard Enchaîné. A partir de là, le feuilleton prit une autre dimension et certains y voyaient un message politisé évident alors que ses auteurs n'avaient certainement pas d'idées de ce genre en tête. C'est probablement cette polémique qui aura empêché pendant de longues années, jusque dans les années 80, une rediffusion des COMPAGNONS DE BAAL. Depuis quelque temps, le feuilleton passe sur les chaînes câblées assez régulièrement.
Pour son double DVD, Koba Flims est allé piocher dans les archives de l'INA et il faut dès à présent se souvenir que l'on parle ici d'un feuilleton diffusé à la fin des années 60. La source contient un grand nombre de défauts de pellicule qui vont des simples tâches aux diverses rayures, en passant par l'apparition de cheveux durant parfois plusieurs secondes. Mais la retranscription en DVD reste de qualité compte tenu d'un matériel d'origine au grain affirmé et dont la véritable restauration reste à faire. Reste à se poser la question de savoir si commercialement un tel travail est envisageable sur un programme de ce type ? A priori, non ! Il faudra donc se contenter d'une image qui a souffert des affres du temps et qui est le reflet de ce qui est diffusé encore aujourd'hui sur les diverses chaînes du câble. Le son lui non plus n'est pas exempt de défaut. Hormis des craquements ou petits pets ici ou là, la bande sonore a tendance à saturer. Relativisons pour les mêmes raisons invoquées en ce qui concerne l'image…
Les sept épisodes des COMPAGNONS DE BAAL sont répartis sur deux DVD double-couche. Le second disque contient quatre épisodes alors que le premier donne les trois premiers ainsi que les suppléments. Ces derniers sont assez anecdotiques puisque l'on ne trouve qu'une sélection de filmographies des acteurs et du réalisateur. Rien d'autre à se coller devant les yeux… Pas même des notes de production qui auraient été bienvenues pour la «Mémoire de la Télévision». On termine l'aspect technique sur un autre petit grief avec les introductions interminables aux menus et qui peuvent déflorer des surprises à ceux qui n'auraient pas encore vu le feuilleton. Ces introductions étant un mélange d'extraits sur près d'une minute et demi et qu'il est tout de même possible de passer en appuyant sur la touche du chapitre suivant pour accéder directement au menu. On notera aussi une erreur dans le titre d'un épisode sur le menu de sélection du second DVD.
Malgré tous ces reproches, il faut tout de même voir le bon côté des choses. LES COMPAGNONS DE BAAL est donc sorti en DVD et il est ainsi possible de redécouvrir ce feuilleton à loisir avec une qualité de retranscription qui ne sera améliorée que le jour où l'INA en fera une restauration en supposant que les sources originales n'aient pas été perdues. Pour l'heure, ce double DVD est donc la meilleure option pour voir ce feuilleton signé Jacques Champreux.