Les conflits relationnels entre les résidents du ranch de la famille Bannon sont nombreux. A commencer par l'incompréhension entre Hud et son père scellée par un drame s'étant déroulée plusieurs années auparavant.
Pas mal de films parlent de la fin de l'Ouest sauvage (IL ETAIT UNE FOIS DANS L'OUEST, COUPS DE FEU DANS LA SIERRA, L'HOMME DE L'OUEST…) mais ils sont déjà moins nombreux à dépeindre le passage à l'ère moderne. LE PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS fait parti de ceux-ci tout comme il s'inscrit, à sa manière, dans le Western contemporain. Toutefois, le film de Martin Ritt s'avère bien plus proche du drame social que des règlements de compte à coups de revolver. Dans le contexte rural des années 60, le ranch de la famille Bannon vit toujours selon les mêmes principes de conduite instaurée plusieurs dizaines d'années auparavant seul change l'arrivée du confort moderne, cuisine équipée ou radio, et les déplacements en voitures. Mais en ce qui concerne le travail lui-même, le cheval est toujours de mise pour se déplacer sur les terres où paissent les bêtes.
Le père de Hud continue donc de vivre selon les valeurs qui lui ont été inculquées par son paternel et toute sa lignée. La nouvelle génération est quant à elle en pleine métamorphose ce qui amène un conflit entre le père et le fils. Ce dernier ne partageant pas du tout les mêmes opinions que son géniteur alors qu'un drame plus ancien a fini de les séparer. Fêtard impénitent, Hud noie son ennui et ses problèmes relationnels dans l'alcool et la compagnie des épouses tout aussi esseulées du petit patelin avoisinant. Bien qu'interprété par Paul Newman, le personnage n'a rien de bien reluisant car sous des airs plutôt sympathique, il est plutôt égoïste et cupide. Il dit carrément attendre la mort de son père pour enfin pouvoir toucher la part qui lui revient et donc diriger lui-même ses affaires comme bon lui semble. De même, il serait prêt à mettre un mouchoir sur son honnêteté quand il s'agit de vendre des bêtes malades !
Vu ainsi, LE PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS pourrait apparaître comme un film réactionnaire ce qui n'est pas entièrement faux. Néanmoins, le film est déjà plutôt nuancé grâce au personnage du petit-fils, interprété par Brandon De Wilde vu auparavant encore plus jeune dans L'HOMME DES VALLEES PERDUES, qui se trouve partagé entre le désir de suivre Hud dans ses virées nocturnes et celles de rester proche de son grand-père. Tiraillé entre les deux, il peut d'une certaine manière représenter un avenir plus posé. L'issue du film laissant le spectateur se forger sa propre opinion sur ce qui se déroulera ensuite et ne se termine pas forcément sur une note positive.
Inspiré par un livre de Larry McMurty, le film de Martin Ritt sera nominé pour sept Oscars et en remportera trois. Les acteurs Patricia Neal (LE JOUR OU LA TERRE S'ARRETA...) et Melvyn Douglas obtiendront chacun une statuette pour leur interprétation. Pourtant excellent, Paul Newman verra le prix lui échappé au profit de Sidney Poitier dans LE LYS DES CHAMPS. Le troisième Oscar reviendra à James Wong Howe pour la magnifique photographie en noir et blanc du PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS tourné en écran large. Paul Newman et Martin Ritt auront collaboré plusieurs fois à l'écran et se retrouveront quelques temps plus tard pour deux autres Westerns : L'OUTRAGE, sorte de remake de RASHOMON, et surtout HOMBRE.
Paramount propose le film avec un transfert de l'image au format cinéma respecté (2.35) tirant parti du 16/9. L'image retranscrit de fort belle manière les paysages naturels ainsi que le reste du film dans un noir et blanc de toute beauté. Outre la présence de plusieurs pistes sonores en mono d'origine dans plusieurs langues, le DVD contient aussi un nouveau mixage en Dolby Digital 5.1 pour la version anglaise. Ce nouveau mixage reste très respectueux du matériel d'origine et ne donne finalement d'ampleur qu'à la musique, pourtant très calme, d'Elmer Bernstein. Le doublage français est techniquement bien retranscrit, si tant est que l'on prenne en considération son âge, mais ne réussit pas à donner aux acteurs la même profondeur que celles des voix d'origine. Pour les puristes, une piste anglaise en mono d'origine redonnera donc les voix de chacun des acteurs.
Trois Oscars ne semblent pas suffisant pour donner le droit au PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS de disposer de suppléments sur son édition DVD. Depuis pas mal de temps déjà, Paramount ne place même plus de bandes-annonces sur ce que l'on appellera les titres du fond de catalogue.
Plus drame naturaliste que véritable Western en tant que tel, LE PLUS SAUVAGE D'ENTRE TOUS dépeint sans concession la vie d'un éleveur de bétail et surtout de son microcosme familial. Porté par une interprétation de grande qualité, le film de Martin Ritt porte un regard désabusé sur les derniers vestiges de l'Ouest.