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Critique du film et du DVD Zone 1
THE VAMPIRE LOVERS 1970

 

C'est le producteur Harry Fine qui a l'idée, en 1969, de mettre sur pied une nouvelle adaptation de Carmilla, la fameuse nouvelle de l'écrivain irlandais Sheridan Le Fanu. Il s'associe avec deux de ses collaborateurs (Michael Style et le scénariste Tudor Gates) au sein de la firme Fantale Films et envoie le script de leur transposition, THE VAMPIRE LOVERS, à la Hammer. James Carreras, qui la dirige, est enthousiaste et donne rapidement son feu vert. Il parvient, en plus, à décrocher la participation de l'A.I.P., célèbre société indépendante américaine qui oeuvre intensément dans le cinéma fantastique depuis les années 1950 (notamment en ayant produit de nombreux films de Roger Corman). Ce studio avance l'argent du tournage, qui peut commencer début 1970. La réalisation est confiée à Roy Ward Baker, metteur en scène britannique qui, à partir de 1967, se spécialise dans le fantastique pour le compte de la Hammer et de l'Amicus. Ainsi, chez Hammer, il a déjà réalisé, avant que THE VAMPIRE LOVERS ne sorte sur les écrans, LES MONSTRES DE L'ESPACE (troisième volet de la saga Quatermass au cinéma), la comédie noire THE ANNIVERSARY avec Bette Davis, le film de science-fiction ALERTE SATELLITE 02, et LES CICATRICES DE DRACULA avec Christopher Lee.

Ingrid Pitt, après avoir joué dans la grosse production hollywoodienne QUAND LES AIGLES ATTAQUENT, a du mal à trouver un engagement la satisfaisant. Elle est néanmoins repérée par James Carreras, qui décide de la faire travailler pour la Hammer. Fine la trouve tout à fait à son goût pour incarner Carmilla, et elle récupère donc le rôle principal de THE VAMPIRE LOVERS. La star-maison Peter Cushing apparaît aussi, mais dans un rôle assez en retrait. De nombreux autres visages familiers du cinéma britannique sont aussi à l'écran, comme Kate O'Mara (vue, la même année, dans LES HORREURS DE FRANKENSTEIN), Ferdy Mayne (redoutable comte Von Krolock dans LE BAL DES VAMPIRES...), Douglas Wilmer (Nayland Smith dans LES TREIZE FIANCÉES DE FU MANCHU et THE VENGEANCE OF FU MANCHU), Jon Finch (le MACBETH de Roman Polanski)...

Au début du XIXème siècle, en Styrie... Le général Spieldorf accueille dans sa demeure la jeune Marcilla, alors que la mère de celle-ci est appelée au loin pour une affaire urgente. Marcilla se lie d'amitié avec Laura, la fille du général. Quelques jours plus tard, Laura meurt d'épuisement. Marcilla a mystérieusement disparu... Peu après, Roger Morton recueille dans son manoir la jeune Carmilla, que lui confie sa tante qui doit partir pour un long voyage. Carmilla et la fille de Morton, Emma, s'entendent à merveille... Mais Carmilla et Marcilla ne sont qu'une seule et même personne, la redoutable comtesse Mircalla Karnstein, un vampire qui s'introduit dans des familles pour se délecter du sang de jeunes filles vierges...

Carmilla est une nouvelle que l'écrivain irlandais Sheridan Le Fanu, s'inspirant de la vie de la terrible comtesse Bathory, a publié en 1871, c'est-à-dire avant le Dracula de Bram Stoker, paru en 1897. Or le roman Dracula trahit bien des similarités avec le texte de Le Fanu (cadre de l'Europe centrale, vampire se repaissant du sang de jeunes vierges, médecin spécialisé dans les sciences occultes et la chasse au monstre...). Avant THE VAMPIRE LOVERS, Carmilla a déjà été adapté au cinéma. Ainsi, Carl Theodor Dreyer la rend méconnaissable dans son très beau VAMPYR, tourné en France et sorti en 1932. Toujours en France, Vadim réalise ET MOURIR DE PLAISIR, en 1960, alors que, de l'autre côté de la Manche, le cinéma d'épouvante gothique s'épanouit. Puis, c'est au tour de l'italien Camillo Mastrocinque de donner sa version de la nouvelle avec LA CRYPTE DU VAMPIRE, qu'interprète Christopher Lee.

Puis, c'est la Hammer du début des années 1970 qui s'intéresse à ce personnage mythique du vampirisme. L'adaptation est, somme toute, relativement fidèle au texte. La structure change toutefois un peu : ainsi, l'épisode du Général, au lieu d'arriver à la fin comme un flash back, est situé en début de film. De plus, un prologue a été ajouté, dans lequel un homme, après la perte de sa fille tuée par un non-mort, affronte et tue un vampire du clan Karnstein. Surtout, on ajoute la présence d'un énigmatique "homme en noir", apparemment un vampire, qui, même s'il ne prend pas part à l'action, paraît lié à Marcilla.

Pour le studio producteur du CAUCHEMAR DE DRACULA, THE VAMPIRE LOVERS apporte un ton nouveau. En son sein, le personnage de la femme-vampire n'est pas une nouveauté : on se rappelle Carol Marsh dans LE CAUCHEMAR DE DRACULA, ou Barbara Shelley dans DRACULA, PRINCE DES TÉNÈBRES... Mais c'est la première fois qu'une de ces créatures se retrouve en vedette, et non pas réduite à une silhouette gesticulant dans l'ombre d'un vampire masculin. Les hommes semblent en retrait, ne se manifestant réellement et efficacement qu'au cours de l'épilogue. La Hammer va aussi, avec ce film, prendre en compte l'évolution des mœurs de la fin des années 1960.

Dans ses films, depuis la fin des années 1950, l'érotisme a tendance à être de moins en moins suggéré et la violence graphique de plus en plus explicite. Si THE VAMPIRE LOVERS ne bat pas des records dans le sanglant (il est, par exemple, moins visuel que DRACULA ET LES FEMMES), il se tient tout de même dans la bonne moyenne, particulièrement en ce qui concerne la mise à mort des vampires. C'est surtout au niveau de l'érotisme que la Hammer se lâche : nudités complètes, poitrines généreusement exhibées... Surtout, l'amitié très forte liant Carmilla et Emma se teint, comme dans la nouvelle de Le Fanu, d'une tendresse physique évoquant explicitement des étreintes homosexuelles.

L'érotisme de THE VAMPIRE LOVERS passe sans problème. Le naturel des comédiennes et une mise en scène retenue et élégante permettent au propos de ne jamais sombrer dans la gaudriole ou la vulgarité, bien au contraire. Pourtant, la manière dont le film approche la relation lesbienne sous-entendue a souvent été mise en avant par ses détracteurs, certains trouvant que le film en fait trop par rapport à la nouvelle, d'autres déclarant que Baker s'est montré timide face à son sujet.

Quoi qu'il en soit, THE VAMPIRE LOVERS a bien des qualités à faire valoir : direction artistique raffinée, élégance de la mise en scène, belle photographie, script rigoureux et sérieux, absence d'humour malvenu ou de maladresses... Surtout, il est admirablement interprété par une excellente galerie d'acteurs, dominée, bien sûr, par le couple attachant formé par Ingrid Pitt (rendant admirablement la nature douloureuse de l'état de non-mort) et la jeune Madeline Smith (vue, à la même époque, dans UNE MESSE POUR DRACULA).

THE VAMPIRE LOVERS réussit, grâce à un excellent scénario, à combiner en un bon équilibre séquences intimistes, présentant les personnages et leurs relations, et passages fantastiques de haute tenue. A ce titre, le stupéfiant prologue, plongé dans les brumes bleues de la nuit, constitue un très grand moment d'horreur Hammer, tout en poésie et en cruauté. De même, le dénouement, d'une rigueur presque hiératique, aligne des scènes d'une très grande force (Carmilla quittant la maison des Morton...). Au rang des petits regrets, on pourra trouver que le récit s'empêtre un peu lorsque Carmilla se met en tête de prendre sous son emprise les domestiques de la demeure. Mais c'est un reproche somme toute bien mineur.

Le beau film fantastique que voilà ! Classieux, subtil et sérieux, THE VAMPIRE LOVERS est un très bon film de vampires de la Hammer. Ce sera un succès considérable dans les pays anglo-saxons, et la firme en produira deux suites : LUST FOR A VAMPIRE, puis LES SÉVICES DE DRACULA. Montré au Festival du Film Fantastique de Paris à deux reprises (1973 et 1979), THE VAMPIRE LOVERS ne sera pourtant pas exploité en salles en France, ni même, plus tard ,en vidéo. Par contre, il a été distribué sur les écrans belges avec un titre francophone : LA PASSION DES VAMPIRES.

Ingrid Pitt, qui ne participe pas aux deux suites, devient aussitôt une icône de l'horreur, et la Hammer s'empresse de lui confier le rôle principal du film COMTESSE DRACULA, inspiré par la vie de la comtesse Bathory, celle-là même qui aurait justement inspiré Le Fanu pour Carmilla. Roy Ward Baker continue dans l'épouvante gothique en tournant, encore pour la Hammer, une oeuvre remarquable : le très bon DOCTEUR JEKYLL ET SISTER HYDE, qui, un peu à la façon de THE VAMPIRE LOVERS, réussit à approcher un sujet difficile (l'identité sexuelle) sans sombrer dans le ridicule ou la grosse blague. Enfin, le personnage de Carmilla continue son bonhomme de chemin sur les écrans de l'horreur jusqu'à nos jours : on l'a ainsi vu récemment dans le superbe dessin animé VAMPIRE HUNTER D. : BLOODLUST de Kawajiri.

En DVD, le film a été proposé, à travers le monde, dans plusieurs éditions plus ou moins économiques avant de sortir dans la collection "Midnite Movies" chez MGM (zone 1, NTSC), avec, en complément, le film COMTESSE DRACULA.

Proposé dans un cadrage panoramique 1.85 (avec option 16/9), le télécinéma tient tout à fait la route, notamment grâce à de belles couleurs bien équilibrées et à une gestion naturelle des lumières et des contrastes. La compression, généralement discrète, se laisse quand même sentir à travers quelques petits fourmillements, tandis que des rayures ou des tâches sont, très ponctuellement, visibles. Ne chipotons pas, il s'agit tout de même d'un transfert fort acceptable.

La bande-son est proposée sur une piste mono d'époque en anglais (Dolby Digital 2.0), assez propre, mais qui a un peu tendance à être criarde. Pas de quoi se scandaliser, vu qu'il s'agit d'une production relativement modeste ayant plus de vingt ans d'âge... Le DVD propose des sous-titrages anglais espagnols et français.

En bonus, on trouve une bande-annonce américaine d'époque, puis un commentaire audio réalisé récemment par Ingrid Pitt, Roy Ward Baker et Tudor Gates). Ingrid Pitt y fait preuve d'un grand enthousiasme quant au film (bien plus que pour COMTESSE DRACULA), mais les informations semblent avoir parfois un peu de mal à revenir à la mémoire des participants. Bref, ce bonus est sympathique, mais on aurait aimé qu'il soit un peu plus dense et un peu plus précis. Un supplément nous propose d'écouter Ingrid Pitt lire des extraits de Carmilla, tandis qu'une riche galerie de photographies en couleurs défile sur l'écran. Enfin, le plus gros supplément est, bien sûr, la présence, au verso du disque du film Hammer COMTESSE DRACULA et de ses bonus.

Bref, cette édition est tout à fait recommandable pour ce "Hammer film" relativement méconnu dans notre pays à cause de son absence de véritable exploitation commerciale.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
THE VAMPIRE LOVERS DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Support
DVD (Double face - simple couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h31
Image
1.85 (16/9)
Audio
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Anglais
  • Français
  • Espagnol
  • Supplements
    • COUNTESS DRACULA
      • THE VAMPIRE LOVERS
      • Commentaire audio de Roy Ward Baker, Tudor Gates et Ingrid Pitt
      • Extraits de Carmilla lus par Ingrid Pitt sur une galerie de photos
      • Bande-annonce
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