Un soldat français rencontre une mystérieuse jeune femme au bord d'une plage. Plus tard, on lui apprend qu'elle vivrait dans le lugubre château du baron Von Leppe...
THE TERROR est un film d'épouvante gothique, genre dont la firme indépendante AIP était devenue la spécialiste américaine suite au succès de LA CHUTE DE LA MAISON USHER, réalisé par Corman et interprété par Vincent Price, d'après une nouvelle d'Edgar Poe. Ce titre marqua le début d'un cycle Corman-Poe, qui a vu se succéder plusieurs succès : LA CHAMBRE AUX TORTURES, L'ENTERRE VIVANT, puis le film à sketches L'EMPIRE DE LA TERREUR. Dans ce dernier, AIP a l'idée d'employer deux vieilles gloires des grandes années de l'épouvante hollywoodienne : Basil Rathbone (LE FILS DE FRANKENSTEIN) et Peter Lorre (LES MAINS D'ORLAC). Un peu lassé d'adapter Poe, Corman y approche son oeuvre de façon parodique, pour l'épisode "LE CHAT NOIR". Il est tellement satisfait du résultat que le long métrage suivant de ce cycle, LE CORBEAU, est purement et simplement une comédie fantastique. Surtout, ce dernier titre est l'occasion, pour AIP, de recruter une autre star de l'épouvante classique : Boris Karloff qui, depuis la fin des années 1950, s'était fait rare sur les écrans de cinéma, leur préférant la télévision.
Comme cela a déjà été expliqué à l'occasion de la critique de la précédente édition française de THE TERROR, cette oeuvre est le fruit d'une génèse mouvementée, riche en péripéties folkloriques. Dans la foulée du tournage du CORBEAU, Corman filme, en deux jours, quelques bobines mettant en scène, sur un scénario pratiquement improvisé, des éléments employés dans la comédie fantastique, notamment les décors de l'antre de Scarabus, et les acteurs Jack Nicholson et Boris Karloff. Il compte utiliser ce matériel afin d'en faire un nouveau film : THE TERROR. S'en suit une gestation douloureuse, impliquant plusieurs réalisateurs (parmi lesquels Francis Ford Coppola et Jack Hill), et s'étalant sur trois mois.
Egaré et isolé, le lieutenant André Duvallier, de l'armée napoléonienne, croise une étrange et belle jeune femme, puis perd conscience. Il se réveille dans la cabane d'une vieille paysanne, Katrina, qui lui affirme que la beauté mystérieuse a dû lui apparaître dans son délire, et n'existe pas vraiment. Mais un personnage singulier, Gustaf, la contredit : cette femme est réelle et elle et habite dans le sinistre château du baron Von Leppe. Duvallier se rend à cette demeure et y découvre que le chatelain est un vieillard solitaire et mysanthrope, vivant avec, pour seule compagnie, son domestique Stefan. Le français reconnaît la jeune femme qu'il recherche sur un portrait accroché dans le hall du château : Von Leppe lui apprend alors qu'il s'agit de son épouse, décédée dans des conditions tragiques, des années auparavant...
S'il ne s'agit pas d'une adaptation d'Edgar Poe, THE TERROR semble reprendre bien des éléments des précédentes adaptations de ses textes réalisées par Corman. Ambiance gothique, nécrophilie, lourd secret familial qu'un étranger va découvrir, errance nocturne dans des corridors lugubres... Tous ces motifs étaient devenus réccurents dans ses films, tout comme le personnage de dandy dépressif et douloureux qu'avait imposé Vincent Price dans LA CHUTE DE LA MAISON USHER. C'est une figure du même style que reprend ici Karloff, amoureux éperdu d'un cadavre conservé momifié. D'autres choses semblent encore venir en droite ligne de "L'ETRANGE CAS DE MONSIEUR VALDEMAR", dans L'EMPIRE DE LA TERREUR, comme l'hypnose ou la décomposition accélérée et dégoulinante d'un cadavre.
THE TERROR s'éloigne néanmoins des Poe-Corman antérieurs en ayant recours, assez fréquemment, à des scènes tournées en extérieur. En effet, LA CHUTE DE LA MAISON USHER, LA CHAMBRE AUX TORTURES, L'EMPIRE DE LA TERREUR et LE CORBEAU avaient été filmés presque intégralement en studio (à l'initiative de Corman, la firme AIP ayant, auparavant, nettement favorisé les décors naturels, plus économiques). Ici, de nombreuses séquences sont enregistrées en forêt, ou sur la côte californienne. D'ailleurs, certains de ces passages (la première séquence avec Nicholson, l'aggression de Gustaf), bénéficient d'un impact mystérieux et poétique bienvenu.
Toutefois, THE TERROR souffre effectivement de son élaboration laborieuse. Longueurs, bavardages-remplissage, suspens boiteux, rebondissements durs à avaler, plans utilisés plusieurs fois... Malgré certaines qualités plastiques, ce film arrive assez vite à bout de la patience du spectateur, qui doit se résigner à grappiller, ici et là, certaines excellentes séquences (notamment parmi les scènes d'épouvante) et une ambiance intrigante, presque surréaliste, en tout cas singulière.
Certainement pas dénué d'intérêt, THE TERROR offre à Corman une étrange petite pause dans sa série d'adaptations de Poe. Ensuite, il tente à nouveau d'échapper à ce maître de la littérature fantastique en se tournant vers un autre grand écrivain : Howard Philip Lovecraft, avec LA MALEDICTION D'ARKHAM, d'après le roman "L'affaire Charles Dexter Ward". Toutefois, ce métrage reste catalogué dans la série des Poe-Corman, non seulement pour d'évidentes similitudes (même équipe, même ambiance gothique...), mais aussi parce que AIP le camoufla, à sa sortie, en une adaptation du poème d'Edgar Poe "Le palais hanté" !
Karloff, de son côté, continue à travailler pour AIP jusqu'à sa mort. Peu après THE TERROR, cette firme réunit le trio comique du CORBEAU (Karloff, Peter Lorre et Vincent Price) et lui adjoint la présence d'un vétéran supplémentaire (Basil Rathbone) pour une nouvelle comédie horrifique : LE CROQUE-MORT S'AMUSE (titre vidéo) de Jacques Tourneur. L'interprète du monstre de Frankenstein fera même des apparitions dans des épisodes de la série "Beach Party" de cette compagnie (BIKINI BEACH et GHOST IN THE INVISIBLE BIKINI). Il joue encore dans des productions AIP tournées hors des Etats-Unis, comme LES TROIS VISAGES DE LA PEUR de Mario Bava en Italie, ou, en Grande-Bretagne, DIE, MONSTER, DIE ! et LA MAISON ENSORCELEE.
THE TERROR n'est pas sorti en salles en France durant les années 1960. Toutefois, une version remaniée y a été distribuée en 1991, avec un montage différent, sous le titre français L'HALLUCINE : quelques plans nouveaux, mettant en scène Dick Miller, avaient été tournés et intégrés au montage...
Apparemment tombé dans le domaine public aux USA, THE TERROR y a été édité dans toute une ribambelle d'éditions aussi économiques que bâclées. En France, la collection "Nuits américaines" l'avait déjà proposé, avec, en programmation complémentaire, DEMENTIA 13 de Coppola.
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Hélas, il semble bien que ce soit le même master utilisé pour cette précédente édition qui ait à nouveau servi avec à peine une amélioration sur le contraste. L'image, à l'origine en format 1.85, est proposée dans un recadrage 4/3, tandis que la copie, très abîmée, semble avoir perdu toute sa définition et ses couleurs. Le tout est noyé dans un bruit vidéo verdâtre du plus mauvais effet. La bande-son est proposée en mono d'origine, sur une piste relativement convenable, accompagnée d'un sous-titrage français optionnel.
En guise de bonus, on trouve des bio-filmographies de Roger Corman, Boris Karloff et Jack Nicholson. Surtout, sur le même DVD, on a accès au film d'horreur SHAKMA.
Curiosité étonnante, aussi bien pour les amateurs d'épouvante gothique que pour les passionnés de cinéma indépendant américain, THE TERROR est, hélas, à nouveau présenté dans une copie extrêmement médiocre...
