Header Critique : I SPIT ON YOUR GRAVE (OEIL POUR OEIL)

Critique du film et du DVD Zone 1
I SPIT ON YOUR GRAVE 1978

OEIL POUR OEIL 

Au début des années 1970, la représentation de la violence devient un sujet "chaud" pour le cinéma américain. Des réalisateurs prestigieux s'attaquent à la question. Deux films, particulièrement, marquent les consciences : ORANGE MECANIQUE de Stanley Kubrick ; LES CHIENS DE PAILLE de Sam Peckinpah. Tous les deux situés et tournés en Grande-Bretagne, ils décrivent des agressions brutales, accompagnées de violences sexuelles, et les vengeances sanglantes en découlant. Kubrick se concentre avant tout sur l'itinéraire d'un des bourreaux (Alex) et propose un film d'anticipation. Sam Peckinpah adopte le point de vue des victimes, et met en scène un univers contemporain et réaliste. Dans le style des CHIENS DE PAILLE, l'anglais John Boorman propose DELIVRANCE, situé dans le bayou profond : des citadins s'y livrent à une randonnée touristique qui dégénère gravement à cause de la malveillance des indigènes.

La violence explicite se développe aussi au sein de systèmes de production plus marginaux, indépendants. H.G Lewis débrousaille le terrain dans les années 1960, avec des oeuvres relevant plus du spectacle Grand Guignol que du travail "réflexif". George Romero arrive rapidement sur ses traces, mais utilise le style sanglant pour apporter une patine documentaire à son travail de fiction. Les caméras 16mm vrombissent alors dans les campagnes ! Revendiquant l'influence de LA SOURCE de Bergman, Wes Craven signe, avec peu de moyens, LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, dans la tradition des CHIENS DE PAILLE, avec tortures psychologiques et sexuelles, tandis que Hooper filme, dans son Texas natal, MASSACRE A LA TRONCONNEUSE, un des plus convaincants plaidoyers végétariens ! Sur les traces de LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, des CHIENS DE PAILLE et de DELIVRANCE, des oeuvres mettant en scène des séquences de viol et de torture, puis la vengeance s'ensuivant, se succèdent : WEEK-END SAUVAGE de William Fruet, UN JUSTICIER DANS LA VILLE de Michael Winner ou VIOL ET CHATIMENT de Lamont Johnson, par exemple.

C'est justement au coeur des années 1970 que le new-yorkais Meir Zarchi, qui n'avait, jusque-là, jamais réalisé de film, commence à écrire une histoire de ce style, qui deviendra celle d'OEIL POUR OEIL. Marqué par un fait divers dont il a été témoin (en 1974, il est venu en aide à une jeune femme qui errait nue dans un parc de New-York après avoir été battue et violée par deux inconnus), il veut en effet réaliser une oeuvre cinématographique dénonçant l'horreur du viol. Avec l'aide du producteur Joseph Zbeda, le financement nécessaire est réuni, et l'équipe part tourner dans la petite ville de Kent, dans le Connecticut, plus précisemment dans une maison isolée appartenant à Yuri Haviv, le chef-opérateur du métrage. Les comédiens sont pour la plupart des acteurs amateurs, ou, en tous cas, n'étant jamais apparus au cinéma auparavant. Toutefois, la carrière de l'actrice principale, Camille Keaton, avait commencé en Italie quelques années plus tôt (MAIS QU'AVEZ-VOUS FAIT A SOLANGE ?...).

Jennifer, une jeune new-yorkaise écrivant pour des magazines, se rend, seule, dans une maison de campagne, afin d'y rédiger tranquillement son premier roman. Elle attire l'attention de John, un garagiste, et de ses trois amis, parmi lesquels Matthew, un garçon d'épicerie à moitié débile. Ils lui tendent une embuscade et l'entraînent, de force, dans un coin de forêt, où ils la violent, chacun à leur tour. Après ce long calvaire, ils la laissent pour morte. Mais Jennifer a survécu. Et elle veut se venger...

Arrivant sur les écrans en 1978, OEIL POUR OEIL a dû rappeller des souvenirs aux spectateurs ayant déjà vu les films-chocs antérieurs. Comme dans LES CHIENS DE PAILLE, Jennifer est une citadine cherchant à s'isoler à la campagne, pensant y trouver la quiétude nécessaire à la réalisation d'un important travail. Mais c'est compter sans les indigènes locaux, jaloux et haineux de cette femme belle et libre. Comme dans LA DERNIERE MAISON SUR LA GAUCHE, les sadiques sont menés par un monstre de machisme, fort et arrogant, tandis que la splendeur de la nature, verdoyante, majestueuse et apaisée, est un contrepoint mettant encore en valeur les atrocités dont elle est l'écrin, atrocités captées dans un style documentaire d'une neutralité glaçante.

Somme toute, OEIL POUR OEIL souffre d'un certain manque d'originalité, et semble arriver un peu tard pour se prévaloir d'un quelconque apport innovant. Pourtant, par certains aspects, il s'impose avec force. Toute la (longue) scène du viol traumatise par sa crudité et son objectivité implacable, encore renforcées par une bande-son presque totalement dénuée de musique. L'absence complète de scrupules ou de pitié de la part des violeurs, la transformation physique subie par Jennifer ... Tout concourt à créer une représentation sans concession d'un agression sexuelle, dans toute sa barbarie et sa laideur.

Moins réussie, sans doute, est la seconde partie du film, c'est-à-dire la vengeance de Jennifer. A partir du moment où les violeurs décident de mettre à mort leur victime, les invraisemblances s'accumulent grotesquement, tandis que OEIL POUR OEIL abandonne son ton réaliste pour s'orienter plus nettement vers le cinéma d'exploitation, voire vers une ambiance délirante de BD pour adultes. Toutefois, si cette rupture de ton n'est pas très heureuse, on repère encore des éléments intéressants, particulièrement ceux concernant Johnny. Cet homme "comme les autres" est en fait un monstre ordinaire, dont le comportement violent est le seul fruit de ses raisonnements mysogines.

OEIL POUR OEIL n'est pas vraiment un grand film. Les lenteurs sont nombreuses, la réalisation est parfois laborieuse, la plupart des acteurs sont fades, les incohérences sont multiples, tout comme les maladresses (le personnage de Mathew serait mieux à sa place dans la POLICE ACADEMY...). Malgré son caractère inégal et peu original, il reste pourtant une oeuvre intéressante, bénéficiant d'une première partie aussi courageuse que frappante.

Une fois le tournage terminé, Zarchi n'était pas au bout de ses soucis. Aucun distributeur n'accepte de donner sa chance à OEIL POUR OEIL, tandis que la commission de classification, le MPAA, n'accordera le visa "R" (interdit aux enfants de moins de 17 ans non accompagnés), dernier palier avant le classement X, qu'après 17 minutes de coupes dans les 100 que comptait le montage original. Au marché du film de Cannes, en 1978, le réalisateur parvient à vendre son film dans de nombreux pays. Mais le marché américain lui reste fermé.

Il tente une première fois d'y sortir lui-même son long métrage, sous le titre DAY OF THE WOMAN, mais c'est un bide. Plus tard, un vrai distributeur finit par acquérir son oeuvre et la relance dans les salles. Mais ce distributeur en profite pour imposer un nouveau titre : I SPIT ON YOUR GRAVE, s'inspirant de la dénomination anglophone du film français J'IRAI CRACHER SUR VOS TOMBES (adaptation de l'oeuvre éponyme de Boris Vian). Encore aujourd'hui, Zarchi déteste ce titre, sous lequel son film est pourtant devenu célèbre à travers le monde entier. Cette seconde distribution américaine est accueillie par des critiques dévastatrices, l'accusant de flatter les plus bas instincts du spectateur masculin et de faire du viol un spectacle cinématographique jouissif.

OEIL POUR OEIL finit très rapidement cette deuxième carrière cinématographique, mais la controverse amorcée va lui valoir une réputation sulfureuse. Par conséquent, son exploitation en vidéo sera très rentable ! Totalement interdit dans certains pays (Australie, en Angleterre jusqu'en 2001...), il sort tout de même en France, mais directement en vidéo. Par la suite, Zarchi ne réalisera qu'un autre film, encore une sinistre affaire de règlement de comptes : DON'T MESS WITH MY SISTER, inédit en France et distribué en DVD américain par Elite.

Elite a, dans un premier temps, sorti OEIL POUR OEIL en Laserdisc, dans la version intégrale de 100 minutes, présentant cette oeuvre dans son format 1.85 d'origine (4/3 seulement) et accompagnée d'une bande-annonce. Le même éditeur publie d'abord une édition semblable en DVD (NTSC, multizone) ; puis propose une nouvelle édition "Millenium", dont le travail technique a reçu le label THX !

Cette dernière édition (NTSC, zone 1) offre des apports non négligeables, parmi lesquels un nouveau télécinéma avec option 16/9. L'image, toujours proposée en 1.85, est très satisfaisante. Certes, le film ayant été tourné dans des conditions économiques, on ne peut s'empêcher de remarquer une définition un peu en retrait et des scènes sombres pas toujours très lisibles. De même, on repère, très ponctuellement, de petites saletés. Mais cela reste tout à fait acceptable. Le plus gênant est une fixité discutable, l'image ayant assez souvent la manie de trembloter. Le résultat demeure quand même de très bonne tenue, notamment grâce à une colorimétrie et à une gestion de la lumière aussi naturelles que possible, et à une compression invisible.

La bande-son a été améliorée,elle aussi. On retrouve la piste mono d'origine du Laserdisc et du premier DVD Elite, mais, en plus, on peut accéder à des nouveaux mixages 5.1 Dolby Digital et DTS ! Néanmoins, le son d'origine est dur et basique, tant et si bien que ces tentatives multipistes ne peuvent pas changer grand chose à ses défauts originaux (sons parfois sourds, dialogues manquant de clarté ...).

La section bonus a été revue à la hausse. On trouve d'abord toute une sélection de matériel promotionnel, incluant plusieurs bandes-annonces, spots radios et pubs TV. Puis, on peut consulter quelques filmographies, bonus ici assez discutable, la plupart des créateurs et acteurs du film n'ayant jamais rien fait d'autre au cinéma !

Le gros morceau est le commentaire audio du metteur en scène Meir Zarchi. Extrêmement rigoureux et construit, ce long discours donne l'impression d'avoir été écrit à l'avance au mot près. Le réalisateur y revient en détail sur la génèse du film, sur son tournage et sur son accueil : c'est excellent et passionnant ! Le second commentaire est réalisé Joe Bob Briggs, spécialiste américain du cinéma dit "d'exploitation", qui, de son côté, va plutôt commenter le déroulement du film et ses parti-pris, démolissant les arguments de ceux qui y ont vu un message "pro-viol", et soulignant les qualités du film, sans oublier, toutefois, d'en noter les faiblesses, parfois avec humour. Cette seconde piste n'est pas aussi indispensable que la première, mais elle se suit néanmoins sans ennui.

OEIL POUR OEIL conserve, avec les années, un statut d'"oeuvre-choc". Elite traîte donc avec soin ce classique de son catalogue, et en offre une édition tout à fait réussie au vu des limites techniques du matériel original. En tous cas, ce DVD "Millenium" enterre les autres éditions de ce titre disponibles jusqu'à aujourd'hui.

Rédacteur : Emmanuel Denis
Photo Emmanuel Denis
Un parcours de cinéphile ma foi bien classique pour le petit Manolito, des fonds de culottes usés dans les cinémas de l'ouest parisiens à s'émerveiller devant les classiques de son temps, les Indiana Jones, Tron, Le Dragon du lac de feu, Le Secret de la pyramide... et surtout les Star Wars ! Premier Ecran fantastique à neuf ans pour Le retour du Jedi, premier Mad Movies avec Maximum Overdrive en couverture à treize ans, les vidéo clubs de quartier, les enregistrements de Canal +... Et un enthousiasme et une passion pour le cinéma fantastique sous toutes ses formes, dans toute sa diversité.
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L'édition vidéo
I SPIT ON YOUR GRAVE DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Elite
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h40
Image
1.85 (16/9)
Audio
English DTS 5.1
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Commentaire audio de Meir Zarchi
    • Commentaire audio de Joe Bob Briggs
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