Devenu par la force des choses l'efficace homme de main d'un gang local, le Tigre Noir va voir sa vie se compliquer lorsqu'il va lui falloir composer avec une promesse donnée à un ancien amour qui n'est autre que la fille du gouverneur de la province. Surtout que pour nettoyer la région des bandits, le gouverneur commissionne un jeune soldat à qui il va offrir la main de sa fille !
Wisit Sasanatieng fait ses études à Bangkok à l'Université des Beaux Arts de Silpakorn en même temps que Nonzee Nimibutr et Ek Lemchuen. Lorsqu'il entre dans la vie active, il se tourne vers la réalisation de spots publicitaires. Vouant une admiration pour le cinéma populaire thaïlandais, Sergio Leone, Tim Burton et Seijun Suzuki, il pense assez rapidement à faire un long métrage et il utilise quelques unes des idées artistiques des LARMES DU TIGRE NOIR dans certaines publicité. Entre-temps, il participe à l'écriture de différents films produits et réalisés par son camarade Nonzee Nimibutr comme NANG NAK. Mais son projet de film n'a pas l'air d'attirer les financiers. Finalement, Nonzee Nimibutr et Wisit Sasanatieng finissent par trouver les moyens de monter LES LARMES DU TIGRE NOIR où ils retrouveront un autre ami, Ek Lemchuen, pour l'élaboration des décors.
Dans les années 50/60, les films Thaïlandais étaient le plus souvent des adaptations de romans ou de feuilletons radiophoniques. Ce n'est pas le cas des LARMES DU TIGRE NOIR mais Wisit Sasanatieng et Sor Jindawong, sa compagne, ont adapté le film encore en gestation sous la forme d'un serial publié dans un magazine. Par la suite, il fut adapté sous la forme d'un feuilleton diffusé à la radio peu après sa sortie sur les écrans alors que la version écrite fut imprimée dans son intégralité en roman le tout illustré de photos colorées à l'image du film ! Comme le dit le réalisateur lui-même, à présent, l'industrie cinématographique fonctionne à l'inverse de ce qui se faisait auparavant !
LES LARMES DU TIGRE NOIR se lance donc sur les traces du cinéma populaire tout court même si le réalisateur revendique une grande influence des films thaïlandais. Une affirmation qui n'aura rien de flagrant pour le public occidental moins imprégné par cette culture mais qui y retrouvera surtout de grandes influences d'un cinéma mondial des années 50/60 et plus particulièrement américain. Melting pot hallucinant, LES LARMES DU TIGRE NOIR a bien du mal à s'insérer dans une case définie.
C'est indéniablement un Western même si celui-ci se déroule en Thaïlande au début du XXème siècle. Horde de brigands, duels au pistolet et chevauchée dans les plaines, tous les éléments sont bel et bien présent ! Les scènes d'action abondent, l'attaque du repaire des bandits tourne limite au film de guerre alors que l'on se croirait dans un film de Peckinpah, et la cruauté de certaines images n'a rien envier à la violence des westerns spaghetti. Cela peut d'ailleurs surprendre puisque dans son ensemble, en dehors du thème musical, le look du film lorgne plutôt du côté du Western traditionnel américain.
LES LARMES DU TIGRE NOIR prend souvent des airs de romans photos romantiques ou dramatiques jusqu'à gommer visuellement toute référence au Western. Un point commun subsiste tout de même avec l'utilisation d'images qui essayent de retrouver les teintes chamarrés des films en Technicolor. C'est d'ailleurs Oxyde Pang (co-réalisateur de THE EYE) qui s'est occupé de la coloration des images selon un principe bien à lui qui nous sera révélé dans les suppléments ! Ces couleurs très particulières, les costumes, les décors et l'esprit purement naïf du film pourront être vus comme un hommage, ce que revendique Wisit Sasanatieng, ou une parodie selon votre envie. Le réalisateur s'amusant d'ailleurs parfois à ajouter des éléments incongrus, comme le nain dans parmi les bandits, ou des effets de mise en scène fort amusant tel qu'un «replay» d'un tir de pistolet un peu compliqué ! Dans un sens comme dans l'autre, le spectacle est assuré et devrait plaire à tous ceux qui apprécient le cinéma de genre.
LES LARMES DU TIGRE NOIR fait la part belle aux couleurs. Retranscrites fidèlement sur ce DVD, elles ne comportent pas de défauts qui risquent de vous gâcher le plaisir ! Un transfert qui fait d'autant plus de plaisir que l'aspect esthétique du film est extrêmement travaillées. Mais le film de Wisit Sasanatieng est aussi bercé par un grand nombre de passages musicaux dont le thème principal compose un thème à la Ennio Morriconne avant de se métamorphoser en version bien plus thaïlandaise et traditionnel ! Toutes les musiques participent autant à la réussite des LARMES DU TIGRE NOIR que les étonnantes décors ou les costumes très kitch et sont retranscrits de bien belle manière grâce à la piste sonore en 5.1 exclusivement en thaïlandais. Il semblerait en effet que le film n'ait jamais été doublé en français ! Que cela n'arrête pas les récalcitrants aux sous-titrages qui passerait à côté d'un étonnant spectacle.
Les suppléments se composent essentiellement de toutes une tripotée de bandes-annonces (française, internationale et thaïlandaise) dont quatre teasers produit pour appâter le spectateur avant la sortie en salles. Ces quatre petits segments promotionnels sont assez intéressant puisque certains d'entre eux ont très certainement été tournés spécialement pour l'occasion (surtout le deuxième et le troisième). Malheureusement, ils ne sont pas sous-titré et il est donc impossible de savoir ce qu'il s'y raconte. La bande-annonce française démarre de façon assez amusante avec une voix nasillarde essayant de reproduire un effet «d'époque».
Au moment de la sortie en salles, une émission fut diffusée à la télévision thaïlandaise. Une quarantaine de minutes que l'on retrouve ici avec des interviews des producteurs, du réalisateur et des acteurs sur un plateau alors que d'autres intervenants (dont Oxyde Pang qui nous fait une démonstration de la technique de coloration de l'image) s'expriment dans de petits reportages et l'on peut même découvrir de bien trop courts extraits d'anciens films thaïlandais. Cette émission démarre assez mal avec un ton bien trop promotionnel pour que l'on n'y apprenne grand chose. Etrangement, dans sa deuxième partie, les informations commencent à fuser. Toutefois, l'intérêt retombe avec l'entrée en scène des acteurs même si l'on peut tout de même y glaner quelques anecdotes supplémentaires. N'éteignez pas trop vite votre lecteur car il y a quelques images du tournage après que le présentateur n'ait dit au revoir à ses invités.
Avec son esthétique de roman photo et son spectacle de tous les instants, Wisit Sasanatieng lance un véritable cri du cœur pour un cinéma perdu au profit de films souvent désincarnés et aux images ternes. Un pari risqué mais réussi puisqu'il est difficile de ne pas suivre avec un énorme plaisir cette aventure haute en couleur !
