Andrew Morris, jeune professeur de musique idéaliste, fait sa première rentrée au lycée Lincoln. Mais, cet établissement est sous la coupe d'une bande de punks, menée par le jeune voyou Peter Stegman. Ils terrorisent et rackettent les autres élèves, vendent de la drogue et organisent même la prostitution locale. Morris refuse de se laisser impressionner. La confrontation avec Stegman et ses sbires va se révéler inévitable et sanglante...
CLASS 1984 de Mark Lester se présente comme un film de très légère anticipation : en effet, il est supposé se dérouler deux ans après 1982, l'année de sa sortie. Certains détails aperçus dans cette oeuvre relevaient alors de la science-fiction, notamment le portail détecteur de métal, qui est depuis apparu réellement dans certains lycées américains ! Lester reprend l'argument classique de GRAINE DE VIOLENCE réalisé en 1955 par Richard Brooks, réalisateur hollywoodien proposant des oeuvres "engagées" : un professeur se retrouve confronté à des élèves indisciplinés et violents... Lester rehausse cette idée simple par la peinture ultra-violente de la jeunesse et des gangs tels qu'on les présentait dans le cinéma des années 1970, avec l'incontournable ORANGE MÉCANIQUE, ou encore ASSAUT de John Carpenter, LES BASKETS SE DÉCHAÎNENT de Ren Daalder, LES GUERRIERS DE LA NUIT de Walter Hill...
On se met clairement à se méfier des jeunes, qui deviennent de vrais "monstres" incontrôlables, se révoltant contre le monde adulte. La star du genre est bien sûr Regan, la petite possédée de L'EXORCISTE. Ces gamins inquiétants se mettent parfois à plusieurs pour détruire le règne adulte, notamment dans le film français de science-fiction DEMAIN LES MÔMES ou l'œuvre horrifique espagnole LES RÉVOLTES DE L'AN 2000...
CLASS 1984 dresse d'abord le portrait alarmiste d'un enseignement en crise. Les lycées se retrouvent confrontés à de dramatiques problèmes de violence et de trafic de drogue. L'école, censée être un sanctuaire protégé et réservé à l'éducation, devient le territoire d'un gang de délinquants qui y font prospérer toutes sortes d'affaires illicites. Si la situation a pu paraître excessive à certains spectateurs de 1982, elle nous semble aujourd'hui tristement réaliste, même pour la France.
Quelles en sont les causes ? A cette questions, Lester répond sans subtilité : le laxisme des adultes. L'encadrement scolaire fait la politique de l'autruche. La police cherche à éviter l'affrontement. Les parents ne veulent pas admettre que leurs enfants sont des monstres et prennent systématiquement leur défense. Surtout, les lois pénales sont bien trop favorables aux accusés et aux mineurs. Voilà donc un film qui confortera notre actuel ministre de l'intérieur dans ses convictions ! En cela, il ne suit pas la démarche, plus prudente, de Kubrick, qui, dans ORANGE MÉCANIQUE, semblait demander au spectateur : jusqu'où est-on prêt à aller dans l'annihilation des libertés pour résoudre les problèmes de délinquance et de violence ?
Lester décrit Stegman comme un jeune délinquant irrécupérable et détestable. Talentueux, intelligent, venant d'un milieu aisé, il fait le mal pour le plaisir de faire le mal, à la manière des deux petits sadiques du FUNNY GAMES de Haneke. Avouons que la vraisemblance du propos n'est, dès lors, pas le fort de la démonstration : en effet, il n'est pas nécessaire d'être agrégé de sociologie pour se rendre compte que la violence scolaire et la délinquance juvénile ne prennent des proportions dramatiques que dans des quartiers et des villes victimes de difficultés sociales importantes. Lester semble préférer faire l'impasse sur cette dimension du problème, en traitant son jeune punk comme une incarnation du mal à l'état pur.
Détail amusant : CLASS 1984 semble décrire un lien de causalité entre la violence de Stegman et le fait qu'il regarde à la télévision des programmes brutaux. Cela ne manque pas de sel si on veut bien se souvenir que, dans les cours de récré des années 1980, CLASS 1984 faisait justement partie des films mythiques "interdits aux moins de 18 ans" que tout bon cinéphile de moins de 18 ans se devait d'avoir vu (à la manière d'un MAD MAX ou d'un MASSACRE A LA TRONÇONNEUSE) !
CLASS 1984 est construit avant tout comme un affrontement entre Andrew Morris et Peter Stegman. Aucun des deux ne va céder, et la tension entre l'enseignant et l'élève va s'élever progressivement. Ni le système scolaire, ni la police ne vont rien faire pour régler la situation une fois pour toute. Cette lutte atteindra son paroxysme lorsque Stegman violera et kidnappera la femme de Morris. Il paraît injuste de considérer CLASS 1984 comme une simple apologie de l'autodéfense ou de la vengeance privée. Lorsque Morris se déchaîne, c'est qu'il doit agir à ce moment précis pour sauver son épouse. De même certains lui ont reproché de décrire une jeunesse complètement irrécupérable et détestable : là-aussi, le reproche est injuste et revient à faire l'impasse sur toute l'intrigue, assez humaniste, liée à l'organisation du concert. De même, les dialogues soulignent régulièrement que Stegman et ses compagnons sont des exceptions, très nuisibles, mais tout à fait minoritaires.
Évidemment, il s'agit d'une oeuvre d'exploitation, dont le discours est avant tout un alibi pour la représentation de séquences dures et à une certaine surenchère dans la brutalité. Nudité, viol, torture, scènes sanglantes sont bien au rendez-vous, avec notamment quelques clous restés fameux : Stegman se blessant lui-même en se cognant violemment contre des murs, un viol collectif, l'usage célébrissime d'une scie circulaire, un enseignant faisant la classe en pointant une arme automatique vers ses élèves...
Mark Lester devait donner une suite futuriste et sympathique à son film, avec CLASS OF 1999, sorti directement en vidéo en France, et dont l'édition DVD française a déjà été chroniquée ici même. Un troisième volet de cette saga devait être réalisé par Spiro Razatos en 1994 : CLASS OF 2001, lui aussi sorti directement en vidéo dans notre pays.
Ce DVD propose CLASS 1984 au format 1.85 et en 16/9 compatible 4/3. Certes on remarque quelques défauts de pellicule, heureusement très ponctuels (problèmes de fixité, marques indiquant les fins de bobines...). Certes, les couleurs semblent parfois un peu ternes et les contrastes pourraient être encore plus appuyés (les scènes les plus sombres, comme la bagarre sur le toit du lycée, trahissent des noirs manquant de profondeur). Néanmoins, le travail de compression est absolument irréprochable, ce qui donne une impression de propreté très agréable. Bref, le résultat, sans être impeccable, est globalement bon, ce qui est d'autant plus appréciable que ce film reste fort rare en DVD, pour l'instant.
La bande-son est proposée en version française (DD 5.1) ou anglaise (stéréo d'origine, DTS ou DD 5.1) avec sous-titres imposés. A part pour la stéréo d'origine, il s'agit de remix bricolés à partir d'éléments assez fatigués (chuintements, distorsion, dynamique tassée, timbres un peu agressifs...). Quelle que soit la bande-son que vous choisirez, les sonorités seront donc plus proches d'une piste optique que d'un enregistrement numérique récent ! Vu l'âge du film, cela n'a rien d'étonnant ni d'impardonnable. On remarque avec satisfaction que la piste DTS a bien été attribuée à la VO : une saine initiative qu'on aimerait voir se généraliser chez d'autres éditeurs, qui favorisent systématiquement la VF...
La section bonus propose une riche galerie (une affiche française et une sélection de photographies de plateau en couleurs) ainsi que des biographies intéressantes du réalisateur Mark Lester et des acteurs Perry King, Roddy McDowall, Timothy Van Patten et Michael J. Fox. On trouve encore une sélection d'extraits de critiques d'époque, prises dans des grands hebdomadaires et quotidiens français. Enfin, on peut regarder six bande-annonces de films publiés par PVB Editions (mais pas celle de CLASS 1984). On regrette peut-être un peu de ne pas trouver plus d'informations consacrées directement au film lui-même (sa production, son tournage, sa carrière internationale...).
Certains des excès de CLASS 1984 peuvent paraître un peu ridicules aujourd'hui (le coup de la scie est tout de même très gratuit par exemple), et on regrette quelques petites chutes de rythme. Heureusement, soutenu par une réalisation efficace et remarquablement interprété (Timothy Van Patten et Roddy McDowall en tête), ce film tient encore aujourd'hui très bien le coup. Techniquement, il semble qu'il y ait encore un peu de marge pour des améliorations : mais, comme aucun éditeur anglo-saxon ne semble se décider à proposer une édition luxueuse de cette oeuvre, ce DVD français reste une occasion à ne pas rater pour retrouver ce classique de l'ultra-violence à la sauce années 1980.