Paisible, la petite ville de Evans en Pennsylvanie se voit du jour au lendemain bouclée par des forces militaires. Un état de siège qui n'a comme seul but que de placer la ville en quarantaine. En effet, un virus dont le nom de code est Trixie s'est répandu dans les parages….
Suite au premier film de sa trilogie consacrée aux morts-vivants, LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, George Romero signe un métrage non-fantastique et SEASON OF THE WITCH pour enchaîner plus tard sur THE CRAZIES. Un film qui sera distribué chez nous sous le titre assez étonnant de LA NUIT DES FOUS VIVANTS. Un bon moyen d'attirer les spectateurs ! THE CRAZIES n'a en tout cas pas de véritable rapport avec LA NUIT DES MORTS-VIVANTS. Tout du moins pas en ce qui concerne la présence de morts revenus à la vie pour croquer les vivants. Par contre, THE CRAZIES comporte toute de même pas mal de points communs sur la forme. Ainsi, le traitement du film, parfois documentaire, mais aussi les thèmes abordés nous ramènent directement à son premier film. Le réalisateur va même jusqu'à faire un clin d'œil dans la séquence d'ouverture où deux enfants s'amusent à se faire peur et l'un d'eux mime un mort-vivant.
Trixie, le virus du film, a des effets très particuliers. En fait, ceux qui ne succombent pas deviennent irrémédiablement dingues, cela se traduisant le plus souvent par des accès de violences incontrôlées. Dès la séquence d'ouverture, le malaise est jeté avec un père qui a sombré dans la folie. La violence est toujours plus forte dès qu'elle s'insère dans un cadre naturel, ce que Romero a bien compris. Il en va de même dans la scène où des militaires investissent une maison, un passage qui fait d'ailleurs penser à l'ouverture de ZOMBIE, et où le danger peut prendre des formes très anodines ! Autre analogie avec LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, les personnages de l'histoire sont confrontés à l'un de leurs proches qui finit par passer de l'autre côté pour commettre des actes irréparables. LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, une petite fille assassinait sa maman alors qu'ici on nous dépeint un viol incestueux.
THE CRAZIES nous présente une petite ville sous la tutelle de forces militaires peu sympathiques. En tenue anti-bactériologique, la plupart d'entre eux se présentent à la population de façon bien inquiétante et certains n'hésitent pas à voler dans les maisons dont ils doivent évacuer les occupants. Des petits détails qui renforcent d'ailleurs le réalisme d'une histoire dont la plupart des grandes lignes seront reprises une vingtaine d'années plus tard dans le ALERTE ! de Wolfgang Petersen. Mais THE CRAZIES n'aura pas connu le même succès que ALERTE ! L'histoire étant peut-être un peu trop en avance sur son temps et le statut de film indépendant ne lui ayant pas valu une distribution glorieuse. Au mieux, comme nous l'avons déjà vu, les distributeurs essayaient plutôt de le monnayer comme un film de morts-vivants, ce qui ne pouvait engendrer qu'une déception !
Dans son commentaire audio, George Romero aborde assez vite le problème du budget qui était assez étriqué pour l'époque. Il fallait donc une bonne dose d'ingéniosité pour rendre crédible à l'écran son histoire qui était pourtant plutôt ambitieuse. La plupart des acteurs du film sont ainsi les véritables habitants de Evans, devenus pour l'occasion des vedettes de l'écran. Ceci explique des prestations d'acteurs pas toujours réussies mais contribue encore une fois au rendu documentaire dans la plupart des séquences. Le réalisateur profite même des exercices des pompiers pour filmer l'incendie d'une maison abandonnée. Un coup de chance qui permet au film de se parer d'une séquence spectaculaire à moindre frais !
THE CRAZIES a quand même pris un coup de vieux, en grande partie justement en raison de ce budget assez restreint. Il souffre ainsi de quelques longueurs et se montre parfois un peu trop bavard. Il reste tout de même intéressant de le replacer dans la filmographie du réalisateur pour y noter une nouvelle fois sa façon de dépeindre les militaires qu'il ne semble pas porter dans son cœur (voir LE JOUR DES MORTS-VIVANTS pour s'en convaincre !). De plus, George Romero filme aussi pas mal de séquences réussies et termine son film dans un pessimisme extrême qui ne laisse pas beaucoup d'échappatoire.
Blue Underground a fait une nouvelle fois un boulot assez époustouflant. D'ailleurs même George Romero en est tout étonné dans le commentaire audio où il remercie William Lustig pour le travail effectué sur l'image. Il reste bien quelques petits défauts de pellicule et un peu de grain mais pour un tel film, le transfert est carrément incroyable !
Comme à son habitude, Blue Underground ne propose que la version anglaise qui n'est déclinée ici que dans son mono d'origine. La piste remplit son office mais montre pas mal de ses limitations dues en réalité aux techniques rudimentaires de prise de son et de mixage utilisés à l'époque par la production.
L'éditeur a donc invité George Romero à enregistrer un commentaire audio. Cela n'est indiqué nulle part sur la jaquette mais en réalité, il s'agit d'un commentaire en duo avec William Lustig qui relance régulièrement la discussion. Dès le départ, George Romero explique qu'il n'a pas vu le film depuis au moins une quinzaine d'années mais ce n'est pas pour autant qu'il n'a rien à nous raconter sur ce commentaire où sera évoquée assez souvent la trilogie des morts-vivants (LA NUIT DES MORTS-VIVANTS, ZOMBIE et LE JOUR DES MORTS-VIVANTS). Du budget ridicule du film en passant par le tournage, les deux réalisateurs discutent de façon sympathique pendant plus d'une heure quarante avec quelques petits blancs ici ou là. Le tout se conclut par une intervention de William Lustig qui avoue être fan de George Romero, lequel lui renvoie le compliment, ce qui les amène à évoquer Tom Savini. Toutefois, ce commentaire sera à réserver à ceux qui comprennent parfaitement l'anglais sans quoi vous risquez d'être rapidement largués puisqu'il n'y a aucun sous-titrage.
Une petite quinzaine de minutes d'une interview récente avec Lynn Lowry, entrecoupé d'extraits de films et de photos, nous permet de retracer le parcours de l'actrice qui fait partie des seconds rôles de THE CRAZIES. Si c'est elle qui a été choisie, c'est essentiellement en raison de sa carrière qui l'a faite débuter dans le premier film de Lloyd Kaufman (THE BATTLE OF LOVE'S RETURN) ou dans I DRINK YOUR BLOOD de David E. Durston avant d'embrayer dans une comédie érotique de Radley Metzger caviardée à son insu de plans beaucoup plus osés que ce qui était prévu. Au passage, l'actrice explique qu'à ses débuts, elle s'était rendu compte que les réalisateurs et photographes n'avaient qu'une idée en tête… A savoir coucher avec les actrices et modèles ! Elle tournera pour David Cronenberg dans FRISSONS et quelques petits rôles secondaires avant de disparaître des écrans. Une interview sympathique qui revient sur le tournage de THE CRAZIES et se conclut sur l'activité actuelle de Lynn Lowry, très éloignée des écrans.
Le reste des suppléments est constitué d'une bande-annonce, de spots TV, d'une biographie du réalisateur plutôt bien écrite mais en anglais et d'une galerie de photos assez fournie. Des ajouts qui composent la recette minimum de Blue Underground pour les suppléments de la plupart de ses DVD. Une bien appétissante recette !
Même si le DVD nous y habitue très souvent, redécouvrir un film plutôt rare avec une telle qualité d'image reste proprement étonnant ! THE CRAZIES fait donc partie de ces films que l'on n'aurait pas imaginé revoir dans de telles conditions.