Samira, fille du puissant Roi Tartare Yessen Khan, est enlevée
par le brigand Sandar Khan, chef d'une tribu de nomades. Au départ,
il souhaite soutirer une rançon à son père, mais,
bien vite, il s'éprend de sa belle prisonnière. Hélas,
la princesse Samira est promise au brutal Alta Khan, un chef tartare
ambitieux et cruel...
LE BRIGAND DE LA STEPPE, c'est donc Sandar Khan, incarné ici par l'acteur italien Kirk Morris (c'est un pseudo, vous l'aviez bien compris), qui a émergé grâce à la vague des péplums mythologiques italiens mettant en scène des héros trés baraqués. Ce courant du cinéma populaire transalpin, initié par le succès de LES TRAVAUX D'HERCULE réalisé par Pietro Francisci et interprété par Steve Reeves, a permis à Kirk Morris de se faire un nom, notamment en interprétant Maciste dans des uvres telles que MACISTE EN ENFER de Riccardo Freda ou LE TRIOMPHE DE MACISTE et LE TRÉSOR DES TSARS d'Amerigo Anton. C'est à nouveau ce réalisateur (dont le véritable nom est Tanio Boccia) qui le dirige dans LE BRIGAND DE LA STEPPE.
Toutefois, LE BRIGAND DE LA STEPPE n'a guère de rapport direct avec le domaine du péplum, fantastique ou non. D'ailleurs, pour être tout à fait honnête, ce film n'a guère de rapport avec le fantastique tout court. Le personnage incarné par Kirk Morris accomplit quelques faits héroïques spectaculaires, mais ces exploits sont quand même très raisonnables si on les compare à ceux, surhumains, d'un Maciste. En fait ce film s'inscrit dans un courant du cinéma d'aventures très populaire au début des années 1960, mettant en scène des peuplades mongoles, généralement au temps de Genkhis Khan, c'est à dire vers le XIIéme-XIIIème siècle. On trouve ainsi en 1961 LES TARTARES, réalisé par Richard Thorpe, dans lequel des troupes tartares, dirigées par un fourbe Orson Welles, combattent des vikings menés, eux, par Victor Mature.
Mais, on peut aussi citer, la même année, LES MONGOLS d'André De Toth (aidé par Riccardo Freda), dans lequel Jack Palance joue le rôle du fils de Genghis Khan. Plus tard, en 1965, GENGHIS KHAN a les traits d'Omar Sharif dans une production ambitieuse réalisée par Henry Levin et mettant aussi en scène Françoise Dorléac, James Mason, Stephen Boyd, Elli Wallach, Telly Savalas... Dès lors, on ne s'étonne pas que le cinéma italien ait suivi cet engouement, d'autant plus que LES TARTARES et LES MONGOLS étaient des co-productions impliquant l'Italie. Ainsi, dans des uvres un peu moins prestigieuses, le héros romain Maciste rencontre des tartares à plusieurs occasions : MACISTE A LA COUR DE KUBLAI KAHN de Riccardo Freda, MACISTE CONTRE LES MONGOLS et L'ENFER DE GENGHIS KHAN avec Mark Forest.
LE BRIGAND DE LA STEPPE nous met donc en présence de féroces tribus tartares. Mais qui sont-ils exactement ? En effet, comme tout le monde le sait bien, les films de Kirk Morris sont toujours de bonnes occasions de se cultiver en s'amusant. Alors profitons-en ! En fait le terme français "tartare" n'est pas exact, car il s'agit d'une déformation du mot "Tatar". Cette erreur a été inspirée aux occidentaux au moyen-âge par le terme Tartare, qui définit la région la plus profonde du monde infernal dans la mythologie grecque. Les Tatars étaient en fait une tribu mongole qui a fourni une grande part des troupes menées contre l'Europe par Batou, petit-fils de Genkhis Khan, au XIIIème siècle. Puis, par extension, on a désigné comme tatars les tribus musulmanes de langue turque vivant dans le royaume de la Horde d'Or (fondé au sud de la Russie par Batou à la fin du XIIIème siècle et très influencé par l'Islam). Aujourd'hui encore, il existe, aux environs de l'ancien territoire de la Horde d'Or la République Autonome de Tatarie, appartenant à la Fédération de Russie, et ayant pour capitale Kazan.
Mais revenons à nos
moutons avec LE BRIGAND DE LA STEPPE... Dans ce contexte historique
médiéval, Kirk
Morris interprète Sandar Khan, chef d'une tribu de nomades
et brigand notoire, qui a fait enlevé Samira, la fille de Yessen
Kahn, un puissant roi tartare. Sandar Kahn compte bien extorquer une
rançon au redoutable chef de guerre, mais celui-ci refuse et
fait capturer des hommes du brigand au cours d'une embuscade. Le séjour
de Samira chez les nomades va donc devoir se prolonger un peu plus longtemps
que prévu, si bien que Samira et Sandar tombent amoureux, ce
qui va provoquer la jalousie impétueuse de la farouche Malina,
elle aussi éprise du brigand de la steppe. Pendant, ce temps,
l'infect Alta Kahn, chef d'un royaume voisin, a des visées expansionnistes
sur le territoire de Yessen Khan...
Bref, LE BRIGAND DE LA STEPPE s'avère fort riche en péripéties et en rebondissements. Son récit est très correctement construit et ne souffre pas de temps morts ennuyeux, bien au contraire. Romances, chevauchées, intrigues de cour et, surtout, bagarres et batailles épiques se succèdent sur un tempo entraînant. Certes, tout cela manque tout de même de surprises. Mais l'interprétation est d'un très bon niveau et Kirk Morris, dont les talents dramatiques ont été souvent dénigrés, est ici un héros tout à fait convaincant. On apprécie aussi la variété des décors et le grand soin qui a été porté à leur élaboration (particulièrement la ville, les intérieurs des palais, la taverne...).
Par contre, la figuration semble un peu juste si on la rapporte à l'ambition de certaines scènes de bataille (notamment le défilé des troupes d'Alta Kahn). Tanio Boccia tente de remédier à cette faiblesse en recourant à certains artifices de montage, mais cela n'est pas toujours très probant. Il n'en reste pas moins que les scènes d'action, particulièrement le siège de la ville à la fin du film, font preuve d'un rythme et d'un tonus enthousiasmants. Bien que le récit manque un peu d'originalité et que le film semble souffrir de certaines limites matérielles, LE BRIGAND DE LA STEPPE est donc une bonne surprise pour les amateurs de cinéma d'aventures.
La qualité de l'image est aussi une agréable surprise. La copie française utilisée est en excellent état, si on omet quelques très rares saletés et des poinçons de fin de bobine. La définition est d'un très bon niveau et, surtout, la luminosité et les couleurs du transfert sont magnifiques. L'absence presque complète de grain achève de faire de l'image de ce DVD un vrai régal. On peut toutefois faire quelques petites réserves : dans les scènes agitées et les travellings, la définition a tendance à devenir floue. D'autre part, la compression est aussi légèrement visible dans les scènes les plus sombres. Enfin, par moments, le cadrage et les couleurs peuvent paraître un peu instables. Plus ennuyeux, le cinémascope est légèrement recadré et le format semble quelque part entre le 2.0 et le 2.35 d'origine. Mais globalement, c'est une bonne surprise, surtout pour un film inédit en DVD comme LE BRIGAND DE LA STEPPE, qui n'aura sans doute jamais le droit à une édition spéciale !
En son, on se contente d'une bande sonore mono assez criarde, mais néanmoins pas trop fatigante. Par contre, comme toujours dans cette collection, on ne trouve pas de version originale ou de sous-titrage.
On retrouve les bonus habituels dans cette collection dédiée (en principe) aux péplums. On a ainsi un chapitrage divisant le film en six partie, des filmographies sélectives (avec titres originaux seulement) de Kirk Morris, Tanio Boccia et Daniele Vargas, et enfin des extraits d'autres titres parus dans cette collection.
Sans être le chef-d'oeuvre
du siècle, LE BRIGAND DE LA STEPPE est donc un bien agréable
divertissement d'aventures. Il faudrait être un spectateur au
cur bien sec pou rester insensible aux serments d'amour échangés
par la princesse et le voleur, aux chevauchées furieuses des
tartares à travers les paysages sauvages, bref, au charme naïf
et modeste de LE BRIGAND DE LA STEPPE !