Chastity Knott (Kitten Natividad), tenancière de bar à la poitrine extrêmement opulente, apprend qu'elle a un cancer du sein. Heureusement, un remède miracle pourrait bien résoudre son grave problème : il s'agit du Crockozilla Fruit, une étrange variété de banane à la vertu curative ne poussant qu'en Amérique du sud. Après un aller-retour express histoire de goûter au fruit miracle, Chastity est non seulement guérie mais possède dès lors une force herculéenne, soit l'un des effets secondaires du Crockozilla Fruit. Décidant de mettre son don au profit de la justice, Chastity enfile la panoplie du Double-D Avenger soit la super héroïne aux mensurations les plus généreuses de l'Amérique. Sa mission du jour l'amènera à lutter contre Al Purplewood (G. Larry Butler), le patron d'un club de strip-tease et trois de ses plantureuses recrues, une escouade prête à toutes les bassesses pour gagner le monopole du gros sein sur la ville.
Dès que l'on parle de comédie délirante sur fond de polissonneries au double bonnet D, le nom de Russ Meyer vient directement sur le tapis. THE DOUBLE-D AVENGER n'échappe bien sûr pas à la comparaison avec l'œuvre de Meyer et c'est parfaitement normal puisque ce petit film n'est ni plus ni moins qu'un hommage tout entier aux grosses poitrines sublimées par la filmo de Russ Meyer. Car si ce dernier fut avant tout un photographe et un caméraman de grand talent (Meyer filma pendant son service militaire l'avancée des troupes de Patton en Allemagne, certaines de ses images finiront d'ailleurs tout droit dans le film PATTON de Franklin J. Schaffner), Russ Meyer est avant tout l'homme qui a réussi à marier au cinéma humour, érotisme, violence cartoonesque et exagération assumée à tous les étages. Adulé de par le monde pour ses bobines de toutes les outrances mammaires (l'un de ses plus grands fans s'appelle John Waters), le père Meyer endosse assez vite l'étiquette de réalisateur culte avant de sombrer dans le silence radio. De nos jours, on retient surtout du bonhomme son sauvage FASTER PUSSYCAT ! KILL ! KILL ! (un gang de trois bikeuses sème la terreur chez des mâles bouseux), et la série paillarde des VIXENS.
Ce qui pousse tout d'abord à s'intéresser à THE DOUBLE-D AVENGER, c'est son casting totalement enrobé lui aussi par l'esprit de Russ Meyer. On passe bien entendu sur la demi-douzaine de demoiselles toutes en seins réunies pour l'occasion, pour s'arrêter sur les noms connus (et fièrement mis en avant sur la jaquette du DVD). Dans le rôle de Chastity, nous retrouvons ainsi Kitten Natividad, la sulfureuse Lola Langusta de BENEATH THE VALLEY OF THE ULTRA-VIXENS (titré ULTRAVIXENS chez nous), devenue depuis égérie porno dans les années 80 (on l'a vue avec John Holmes, hardeur mythique ayant inspiré à Paul Thomas Anderson son BOOGIE NIGHT). Dans la peau de l'une des trois strip-teaseuses, nous retrouvons Haji, bien connue des fans de Meyer puisqu'elle a joué dans pas moins de cinq de ses films (de MOTOR PSYCHO à SUPERVIXENS). Enfin, Raven De La Croix (la plantureuse héroïne de UP !, titré chez nous MEGAVIXENS) endosse le temps de quelques minutes une panoplie de docteur.
Outre la curiosité de retrouver quelques anciennes actrices de Meyer (et de surmonter le choc du poids des ans), qu'en est-il de THE DOUBLE-D AVENGER ? Avant toute chose, il faut bien préciser que William Winckler (producteur, scénariste et réalisateur du film) est un total indépendant. Son (très) maigre budget vient de sa petite poche et c'est lui-même qui vend le film en DVD via son propre site (on peut aussi le trouver sur Amazon). THE DOUBLE-D AVENGER est donc tourné en vidéo avec les moyens du bord, ce qui sous entend qu'il va falloir s'attendre à être quelque peu indulgent.
Heureusement, dès les premières minutes, on est agréablement surpris. Non pas que Winckler arrive à transcender ses quelques dollars de mise (le film est fauché et ça se voit), mais bel et bien parce que l'entreprise ne se prend pas une seconde au sérieux. THE DOUBLE-D AVENGER est un bon gros délire sans queue ni tête, tirant parti de son manque de budget pour en rajouter des louches dans le comique. Les scènes d'actions sont ainsi extrêmement laborieuses, et c'est très bien ainsi puisque c'est en cela qu'elles sont drôles. Faux raccords savoureux, effets pyrotechniques à tomber par terre (le bazooka à mousse à raser), comédiens cabotinant jusqu'à plus soif autour de jeux de mots un peu grassouillets, THE DOUBLE-D AVENGER fait preuve d'une bonne humeur communicative tout en assumant son statut d'œuvre décalée et d'ovni kitsch.
Le pari est donc réussi et l'hommage à Russ Meyer fonctionne, tout simplement parce que Winckler est particulièrement sincère et simple dans sa démarche. A aucun moment le réalisateur ne cède à la tentation de repiquer dans les films de Meyer pour tenter de se réapproprier le noble statut de son aîné. THE DOUBLE-D AVENGER est juste un film de fan pour les fans. Winckler a de ce fait la bonne idée de rendre parallèlement hommage aux super-héros et aux serials de son enfance (le caméo de Forrest J. Ackerman, le doyen de la science-fiction, vient marquer le coup). Sa justicière maison est au final un décalquage amusé de la Wonder Woman incarnée par Lynda Carter, transformation et musique remixée à la sauce funky comme autant de preuves à l'appui.
Il faudra cependant faire l'impasse sur deux trois petits détails pour bien apprécier THE DOUBLE-D AVENGER. L'usage de la vidéo fait toujours figure de format " pauvre " du film de fiction. Si les moyens techniques ont visiblement été des plus légers, il faut noter que l'ensemble reste très propre et professionnel (cadrages toujours posés, lumière travaillée, prise de son plutôt claire). De quoi faire oublier la mise en scène de Winckler qui, hormis quelques scènes inspirées, est des plus rigides. Ses compositions de cadres sont très académiques, et son découpage laisse franchement à désirer (beaucoup de raccords en plan sur plan). La courte durée du film (environ 1h 15 minutes) nous évite cependant de nous laisser aller à trop de lassitude.
Comme nous l'indiquions plus haut, THE DOUBLE-D AVENGER est un produit indépendant de bout en bout, ce qui veut dire que le DVD est lui aussi un produit maison. Il va de soi que lorsque l'on insère le disque dans sa platine, on ne s'attend pas à tomber sur le chef-d'œuvre technique de la galette versatile. Vidéo oblige, l'image récupère sans surprise le teint " électronique " du format numérique DV. Plus embêtant, la compression est plutôt lourde, cela étant surtout notable dans les couleurs pétantes du costume de notre héroïne. Le son est un mono basique et efficace, la sous-modulation régulière des dialogues étant imputable à un mixage d'origine hasardeux.
Niveau bonus, William Winckler fait ce qu'il peut pour en amasser quelques poignées. Le gros morceau est le commentaire audio de l'auteur, accompagné dans sa tâche par le chef-opérateur / monteur Raoul J. Germain Jr. et la star Kitten Natividad. Si Winckler nous annonce dès le départ que nous sommes en présence du premier volet d'une grande série de films conçue en hommage aux serials, il faut bien avouer que l'on se désintéresse très vite de ses explications et de ses influences. Heureusement, il n'est pas tout seul. L'ambiance se réchauffe donc très vite autour du micro où les trois lascars ne cessent de plaisanter devant ce qui défile sous leurs yeux. Très plaisant et communicatif, à l'image sans aucun doute de l'ambiance qui devait régner sur le tournage. Une bande-annonce (très réussie) est également de la fête ainsi qu'une section photos regroupant des instantanés de production, des portraits des acteurs du film, ainsi que quelques clichés un peu canailloux d'époque de Kitten Natividad (ces photos apparaissent dans le film lors d'une scène de rêve, mais avec des caches flous sur le bout des seins de notre égérie).
Ovni rigolard dans toute sa splendeur bis, THE DOUBLE-D AVENGER est une très amusante surprise. Outre le courage de son auteur d'avoir monté son film dans une totale indépendance, William Winckler fait surtout preuve d'un bon esprit emportant toute adhésion. En gros, ça faisait longtemps que l'on n'avait pas vu un truc comme ça. Même si le DVD du film ne vous servira jamais de disque de démo pour tester votre grosse installation et épater vos potes, il est de très bonne facture compte tenu des moyens engagés. Et puis après tout, ce n'est pas tous les jours que l'on peut assister aux exploits d'une super héroïne avec un soutif sur la tête.