Header Critique : FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE, LA (IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE)

Critique du film et du Blu-ray Zone B
LA FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE 1958

IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE 

En 1973, la première expédition sur Mars est un échec. Un second vaisseau récupère le seul survivant, le Colonel Carruthers (Marshall Thompson), soupçonné d’avoir assassiné ses coéquipiers. Mais en repartant vers la terre, la fusée Challenger embarque aussi une créature qui va décimer l’équipage à son bord.

Adoubé comme une influence possible d’ALIEN et de ses avatars, comme le LIFE de Daniel Espinosa, LA FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE a été longtemps ignoré voire méprisé du fait de son statut de série B tournée à l’économie. Créé en très peu de temps (les sources divergent sur la durée réelle du tournage, entre 6 et 10 jours), il sera offert en double programme avec une autre très bonne surprise Bis d’Edward L. Cahn, à savoir CURSE OF THE FACELESS MAN, une relecture habile de LA MOMIE de Karl Freund.

Tourné quasiment en même temps qu’INVISIBLE INVADERS, LA FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE permit d’y recycler quelques éléments dont… le pied de la créature - tout comme l’effet optique final qui reprend le costume du monstre. Il s’agit d’une production indépendante estampillée Vogue Pictures qui produisit cinq films de Cahn : celui dont nous parlons, CURSE OF THE FACELESS MAN, HONK KONG CONFIDENTIAL, GUNFIGHTERS OF ABILENE et THE FOUR SKULLS OF JONATHAN DRAKE. Et qui devint via une pirouette administrative Premium Pictures pour la production… d’INVISIBLE INVADERS (une claire influence de la version 1968 de LA NUIT DES MORTS-VIVANTS) toujours sous la coupe de Robert E. Kent et distribué par United Artists.

A y regarder d’un peu plus près, le film oriente son récit de manière plus originale que la moyenne des séries B de l’époque. La structure même d’un suspense horrifique se déroulant dans l’espace avec une équipe terrorisée par un extra-terrestre. S’inspirant ouvertement de LA CHOSE D'UN AUTRE MONDE pour cette structure, cela perpétue toutefois une tradition de voyages interstellaires, des SURVIVANTS DE L'INFINI à PLANÈTE INTERDITE. Ce dernier possédait par ailleurs un équipage entièrement masculin. Ici, avec quelques années d’avance sur la série STAR TREK, deux femmes font partie du voyage. Certes, leurs rôles se limitent à deux scientifiques mais surtout à servir le café et faire la vaisselle. Vision sexiste et misogyne très années 50 (encore que vues certaines réactions masculinistes récentes tous médias confondus, c’est à se demander…). Egalement anticipant STAR TREK, la présence d’un espace dédié aux malades dans le vaisseau. Une première que la série de Gene Rodenberry offrira quelques années plus tard aussi… tout comme COSMOS 1999.

Le récit livre 69 minutes serrées, avec un montant surprenant de bonnes idées pour un tel produit destiné à une consommation courante et rapide. C’était un temps où le streaming n’existait pas. Les multiplexes non plus. Les vidéoclubs encore moins. Et cela ne sortait pas en France. Il fallait donc que les spectateurs à qui cela était adressé se déplacent dans leur drive-in local. Mais ici, Jerome Bixby écrit un scénario touffu, où nul besoin n'existe de faire déambuler les acteurs dans des semblants de couloir pour tenir la durée demandée - comme le fit Roger Corman dans WAR OF THE SATELLITES. Le tout pour livrer en pâture aux spectateurs l’attaque d’un monstre qui absorbe les fluides vitaux de ses victimes afin de rester vivant.

Concernant le style de mise en scène, le film offre ce qui caractérise de manière générale le cinéma de Cahn. Simple, efficace, direct. La présence d’humains dans le cadre, généralement en pied, influence clairement sa mise en images. On y note de lents travellings avant aux moments dramatiques - de manière frontale. Il souhaite avant tout profiter de l’endroit clos pour renforcer la sensation de claustrophobie, en ne montrant que très peu la créature, lors de scènes-chocs. Avec le travail de son directeur photo régulier Kenneth Peach, Cahn ne masque pas son goût de l’expressionnisme, en utilisant régulièrement des ombres suggestives menaçantes. Un ensemble géométrique variable pour les salles de contrôle et les conduits. Egalement, la construction en étages du vaisseau et le fait de monter graduellement rappellent l’hôpital d’EMERGENCY CALL en 1933. Si Cahn est connu par son travail de monteur et sa première version de Tombstone avec LAW AND ORDER, il ne faut pas omettre cette histoire de racket d’EMERGENCY CALL. Un film pré-Code Hays qui contient aussi la première déclaration d’amour entre deux hommes. Ou encore ses ZOMBIES OF MORA TAU sous-marins qui eux aussi devancent de 20 ans les morts-vivants subaquatiques du COMMANDO DES MORTS-VIVANTS et autres LAC DES MORTS-VIVANTS. Entre architecture et thématiques, Cahn, un homme définitivement en avance sur son temps !

Les effets spéciaux optiques font ce qu’ils peuvent avec le temps limité de tournage et les moyens dédiés à la bricole. Malgré tout, on a droit à une sortie dans l’espace tout à fait respectable, quelques transparences laborieuses mais surtout, un monstre terrifiant élaboré par Paul Blaisdell, qui se rattrape de son concombre cosmique de IT CONQUERED THE WORLD.

Marshall Thompson livre une prestation très professionnelle de son Colonel Carruthers. Cet acteur anciennement sous contrat avec la MGM, navigua dans les eaux de la série B, encore avec Cahn dans INVISIBLE INVADERS, pour trouver la gloire internationale en 1966 dans la série TV DAKTARI.  

A noter aussi, dans la catégorie recyclage, autres que les costumes et objets divers, que la partition de Bert Shefter et Paul Sawtell reprend quasiment celle de leur travail précédent sur KRONOS de Kurt Neumann. Egalement, le bruitage électronique entendu en fond de conversation (vers la 7e minute) a été « emprunté » au bruit des vaisseaux extraterrestres de LA GUERRE DES MONDES de Byron Haskin.

Au final, malgré ses scories, son côté générique et sa marge de manœuvre réduite, LA FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE livre de beaux moments étranges et inquiétants. On imagine parfaitement la stupeur des jeunes spectateurs de l’époque, y compris à la vision du film annonce qui donne un très bon reflet du contenu du film.

Inédit en France comme dans la majorité du monde, IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE sortit brièvement aux USA en 1958,  avec un certain succès en Grande-Bretagne l’année suivante. Il faut attendre novembre 2023 pour voir atterrir le film sous le titre de LA FUSÉE DE L'ÉPOUVANTE - en combo Blu Ray / DVD chez Rimini Editions.

A l’instar de la première sortie Blu Ray chez feu Olive Films aux USA en 2015, et celle à venir chez Kino Lorber, le long-métrage arrive chez Rimini sur un BD 25 1080p au format 1.85:1 et d’une durée de 69mn 24 pour le Blu Ray (66mn 34 pour le DVD).

A noter que le Blu Ray anglais de chez 101 Films (non zoné) dure 69mn 14 et que celui allemand sorti chez Anolis possède 69mn 22. Celui d’Olive Films est d’une durée égale à celui de chez Rimini. Malgré quelques poussières ça et là dues au matériau d’origine, la copie HD offre de beaux reliefs de lumière et d’ombre, une belle texture noir et blanc qui offre les meilleures conditions pour visionner le film. Une grosse amélioration par rapport au Blu Ray US de 2015. Stabilité d’image, clarté des détails et une très belle gestion du noir et blanc dans les contours et la texture des scènes de pénombre.

Le film demeure inédit en France, l’édition offre de ce fait la piste audio originale anglaise (DTS HD MA 2.0 sur le Blu ray et Dolby Digital 2.0 sur le DVD). Les sous-titres optionnels ne sont par contre accessibles que depuis votre télécommande s’ils ne se lancent pas en même temps que le film. Les dialogues restent bien audibles, tout comme les effets de bruitage qui se détachent naturellement de l’ensemble. Un très beau boulot.

Coté suppléments, Rimini lance un survol de la carrière du réalisateur via un documentaire narré par Alexandre Jousse - avec des effets signés Jean-Manuel Costa. Commençant par une énumération filmique à la imdb, le segment devient progressivement plus intéressant en se focalisant sur le sujet même du film. Documenté, argumenté, et passionnantes révélations pour qui demeure peu familier avec l‘univers des auteurs et participants du film. Notamment sur le travail de Paul Blaisdell, maquilleur estampillé Roger Corman, concernant la tenue de la créature. Et le cascadeur qui se glissa dedans.

Malheureusement, l’autre bonus étant le film annonce se révèle problématique : celui-ci possède bien la piste audio mais l’image est celle de TRAPEZE (une autre sortie Rimini). Lorsque j’ai joint l’éditeur, il m’a été indiqué qu’un souci technique inexpliqué est arrivé et que cela sera corrigé pour le prochain pressage (ce souci est absent de l’édition DVD).

Un film annonce très instructif en HD, car il contient une curiosité de publicité subliminale inédite pour l’époque. A savoir qu’il réalise ce que John Carpenter théorisa dans son INVASION LOS ANGELES 30 ans plus tard. A savoir une surimpression de texte intimant le spectateur à aller voir le film. Obey, quoi. Dès la 8e seconde apparait 1/4 de seconde indiquant «DON’T MISS IT», à nouveau à la 34e seconde, puis «SEE IT» à la 44e et encore 3 autres impulsions supplémentaires. Fascinant !

En conclusion : si la série B emballée avec peu de moyens ne vous plait pas, passez votre chemin. Cette fusée prendra d’autres personnes à son bord.

Pour les autres, embarquement immédiat. Il s’agit non seulement d’un des meilleurs films de son auteur, mais aussi (si on passe sur son sexisme d’un autre âge) d’un spectacle fun, qui va droit au but, fait fi de ses limites et livre un final captivant. De la SF rétro, inventive, offrant une perspective que beaucoup reprendront à leur compte. Une édition très recommandée !

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
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L'édition vidéo
IT! THE TERROR FROM BEYOND SPACE Blu-ray Zone B (France)
Editeur
Rimini
Support
Blu-Ray (Double couche)
Origine
France (Zone B)
Date de Sortie
Durée
1h09
Image
1.78 (16/9)
Audio
Anglais DTS Master Audio Stéréo
Anglais Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Français
  • Supplements
    • Documentaire : Aliens, Mutants & Zombies chez Edward L. Cahn (2023) par Alexandre Jousse (23mn01)
    • Film annonce
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