De sa cellule Chopper s'admire car il passe à la télé,
interviewé par une journaliste à qui il raconte certains
passages de sa vie. Il est fier de lui et pourtant il est coupable ou
suspecté de nombreux crimes. Retour sur son passé, ses
années de prison, ses actes de folie
Chopper est un criminel. Le plus grand qu'ait connu l'Australie à ce jour. Pourtant, loin d'être terrifiant et haï de tous, il est au contraire devenu une véritable icône, un "héros" national aux yeux de certains. Comment donc peut-on admirer un assassin tuant sans le moindre scrupule apparent et avec un sang froid qu'on imagine redoutable ? C'est pourtant bien cet homme qui fait l'admiration de nombreux "fans", avec qui il a su communiquer, de sa prison, à travers de nombreux livres, dont la plupart d'entre eux sont devenus des best-sellers. Dans CHOPPER, premier film de Andrew Dominik, on parvient à mieux comprendre cet engouement, cette admiration pour ce personnage haut en couleurs. Interprété par Eric Bana qui s'en sort incroyablement bien, on se prend nous-même à le trouver sympathique, malgré les méfaits dont il se rend coupable sous nos yeux.
CHOPPER n'est pas une biographie mais plus un condensé d'instants choisis de la vie du tueur, destiné essentiellement à retrouver l'esprit du personnage plus qu'à retracer sa vie. A travers ce film, romancé, comme le sont les histoires que raconte le tueur mythomane ou manipulateur, le spectateur est transbahuté comme tous les juges, policiers et autres représentants de la loi qu'il a côtoyés. Extrêmement difficile à cerner, tantôt attachant, tantôt repoussant, le tueur a pour lui une naïveté attendrissante, qu'elle soit feinte ou réelle. Eric Bana contribue grâce à un jeu terriblement efficace à charmer le spectateur, même si son personnage se comporte parfois comme le dernier des goujats. Ainsi, lorsqu'il sort son sexe dans un bar, tout en continuant à parler normalement aux deux hommes qui l'accompagnent, il est difficile de ne pas le trouver drôle, même si ce geste aurait de quoi nous dégoûter venant de quelqu'un de moins charismatique. Mais son naturel, son sourire de mauvais garçon prennent le pas sur ses actes, aussi répréhensibles soient-ils.
La fascination exercée par le personnage n'est pas le fruit de l'imagination du metteur en scène, mais bel et bien celle que le véritable Chopper exerce sur tous les gens qui sont amenés à le rencontrer et même sur le public qui a suivi ses aventures meurtrières. Ainsi, le réalisateur et la productrice de CHOPPER n'ont pas échappé à son regard pénétrant et sont tombés sous le charme, eux aussi. Ils ont passé pas moins de sept heures à converser avec lui en le visitant à la prison, et surtout à l'écouter raconter ses histoires rocambolesques, où il est impossible de discerner le vrai du faux, tant il ment avec un aplomb exceptionnel. Ainsi, l'histoire du parking nous est livrée en trois versions distinctes, toutes plus crédibles les unes que les autres. Impossible de piéger le bonhomme avec des preuves. Il a l'art de retourner la situation en sa faveur, et de faire passer les témoins ou les victimes pour des complices ou des coupables.
Ce qui fait sa force, par
rapport à d'autres "serial killers", c'est son extraordinaire
humanité. On est bien loin du tueur psychopathe qui tue pour
le plaisir ou parce qu'il a la haine. Chopper tue comme par accident,
il tire à bout portant dans la tête d'un type et lui demande
si ça va, surine un autre et lui propose une nuitgrav', quand
il n'emmène pas carrément sa victime à l'hôpital.
Impossible pour le spectateur de discerner la part de sincérité
dans son attitude, si ce n'est dans son regard étonné,
celui d'un enfant qui a fait une grosse bêtise. Est-ce son désir
de plaire à tout prix et à tout le monde, y compris à
ses ennemis ou est-ce véritablement du remord ? Difficile de
se prononcer.
L'interprétation d'Eric Bana, star comique de la télévision australienne, est à ce titre époustouflante. Il est tout simplement brillant, sublime, reproduisant avec une extraordinaire maîtrise les traits de caractère ambigus de Marc Brandon "Chopper" Read. Sa métamorphose, entre les années 70 et les années 80, période pendant laquelle se déroule le film, est tout aussi spectaculaire. C'est ce qui fait toute la réussite de ce film, en plus d'une mise en images très soignée et très suggestive. D'un côté, des nuances froides, une sensation d'immobilisme pour représenter l'univers carcéral, de l'autre, des tonalités chaudes, agressives, un univers tumultueux, survolté, pour symboliser la vie à l'extérieur de la prison, et surtout le monde dans lequel évolue le "héros", son milieu naturel. Un monde fait de lumières stroboscopiques, de nuit, de putes peinturlurée et de malfrats à la petite semaine. La mise en images ne fera pas oublier la mise en scène délirante, qui use de l'accélération sans en abuser, en s'appuyant toujours sur des idées présentes dans le film. Par exemple, un rail de coke donne lieu à une légère accélération de l'action, pour suggérer le speed des protagonistes. Des effets de mise en scène apportent à l'ensemble une note d'humour supplémentaire.
Cette édition de TF1 vidéo comporte en guise de suppléments une bande-annonce en version française, et surtout une trentaine de minutes de scènes du tournage. On peut y voir les acteurs glandouiller face à la caméra pendant la mise au point de certains effets spéciaux. Car sur les trente minutes, la majeure partie est dévolue à la réalisation de ces effets. Si quelques-uns de ces passages sont intéressants à ce titre, dans la longueur, cet assemblage non monté de scènes de plateau ne laissera pas un souvenir indélébile au spectateur, qui aurait été plus avide de découvrir un commentaire audio ou encore une intervention du véritable Mark Brandon "Chopper" Read, comme c'est le cas sur l'édition australienne de ce DVD. Malheureusement, TF1 ne s'est pas fendu de nous proposer ces éléments et c'est fort dommage. Cette édition est la plus pauvre de toutes celles de CHOPPER à travers le monde, ce qui est une petite déception, il faut bien le dire.
On se consolera en se disant
que c'est la seule édition qui propose des doublages en français
(dont une version DTS) en plus de la version originale, elle-même
au choix en DTS ou en 5.1, et sous-titrée dans notre langue.
Avec quatre bandes-son, cela nous ramène à la comparaison
entre DTS et Dolby Digital. Ce n'est pas avec CHOPPER qu'une
différence flagrante viendra montrer le bout de son nez ! Sur
ce coup-là, ce sera comme vous demander si vous préférez
fraise ou chocolat. Car la bande-son de CHOPPER aussi réussie
soit-elle n'a pas l'ambition de vous en mettre pleins les oreilles.
Au niveau de l'image, la photo du film aux teintes exagérées
donne souvent une impression d'image surexposée. Difficile dès
lors d'obtenir un transfert aux contours parfaits. TF1 a pourtant réalisé
ici un transfert honnête.
CHOPPER est une vraie
curiosité. Il réveille le mauvais esprit qui est en nous
et nous pose une drôle de question : sommes-nous prêts à
admirer des criminels si nous les trouvons sympathiques ? Il faut croire,
si l'on songe aux Robin des Bois et autres Arsène Lupin, illustres
prédécesseurs du tueur de vermine australe.