THE POWER est le premier long-métrage réalisé et écrit par Corinna Faith, metteuse en scène travaillant depuis les années 2000 sur des documentaires, des courts-métrages et des épisodes de séries télévisées. Dans le même ordre d'idée, ses acteurs, dont Rose Williams dans le rôle principal de Val, viennent essentiellement du domaine de la série TV. Cette jeune équipe s'est retrouvée dans un authentique hôpital londonien abandonné pour tourner ce métrage fantômatique..
En 1974, Val, orpheline des quartiers pauvres de Londres, passe sa première journée comme infirmière dans un hôpital. Elle est au service d'une supérieure peu encourageante et se trouve plongée dans un monde au fonctionnement rigide. De plus, elle doit faire sa première nuit de veille alors que le gouvernement britannique organise des coupures de courant nocturnes...
THE POWER a un titre à double-sens. D'une part, il renvoie au courant électrique coupé durant la nuit d'horreur traversée par Val. D'autre part, il évoque une puissance mystérieuse qui sème la terreur nocturnement et s'épanouit dans l'obscurité.
Cette force inquiétante s'exprime donc à son aise dans cette nuit de black-out imposée par un climat social tendu. Ce thème de la coupure générale de courant a déjà été employée au cinéma comme élément de suspense, par exemple dans le film canadien NEW YORK BLACKOUT d'Eddy Matalon. Des psychopathes y profitent d'un tel événement pour terroriser un immeuble. Ici, cette circonstance est mise à la sauce d'une histoire de fantômes qui, plongée dans l'obscurité, prend des tonalités gothiques appuyées.
Le cadre impersonnel d'un hôpital, lieu d'inquiétude et de peine pour tout un chacun, a déjà servi plus qu'à son tour de décor à des films horrifiants. Des malades et des blessés s'y trouvent maltraités par des menaces surnaturelles. Que ce soit dans HELLRAISER II : LES ÉCORCHÉS, dans HALLOWEEN II de Rick Rosenthal ou surtout dans FREDDY 3 : LES GRIFFES DU CAUCHEMAR, cet endroit est loin d'être un havre de repos pour les survivants de Boogeymen incorrigibles qui viennent les y chercher ! Plus notable encore, la mini-série THE KINGDOM de Lars Von Trier décrit les mystères effrayants d'un grand hôpital danois en mêlant humour noir et angoisse.
THE POWER porte sur l'hôpital un regard historique et social. Nous sommes dans les années soixante-dix en Angleterre, juste après le premier choc pétrolier. Il entraîne une inflation galopante et un mécontentement fort, avec notamment une grève de mineurs dure. Envisageant la pénurie d'énergie, le gouvernement met en place un rationnement de l'électricité concrétisé par des nuits de black-out. Ce contexte original fait la réussite du premier acte de THE POWER. D'autant plus qu'il est mêlé à celui des quartiers pauvres de Londres dont la misère frappe en premier lieu les plus fragiles, c'est-à-dire les enfants, livrés aux méfaits de toutes sortes de prédateurs. Malgré des moyens que nous devinons réduits, THE POWER propose un cadre intéressant, construisant son personnage principal et son contexte avec naturel. Il plante une atmosphère inquiétante réussie dans son hôpital sinistre et morose.
Hélas, dès que THE POWER bascule dans le fantastique et dans l'angoisse, il convainc nettement moins. La faute a un imaginaire limité, recyclant une grammaire de l'angoisse vue et revue depuis PARANORMAL ACTIVITY et THE CONJURING, à base de chuchotements d'enfants, de possessions épileptiques et de sursauts appuyés et bruyants, épuisant très vite la patience du spectateur. Servie sans idée ni talent, cette histoire de vengeance s'avère finalement banale dans sa structure et dessert son propos généreux.
En effet, THE POWER s'attaque à des sujets sensibles, comme les violences sexuelles (le film s'inspirant d'abus commis en série sur des enfants, notamment dans des orphelinats britanniques). Le fantastique, par la distance qu'il crée avec ces sujets, permet d'aborder des thèmes complexes, graves et anxiogènes d'une manière riche et intéressante. Ce genre est tout à fait compatible avec un regard incisif porté sur la société, comme l'ont montré les films de George A. Romero tels que LA NUIT DES MORTS-VIVANTS ou MARTIN, ou encore des titres comme CANDYMAN, LE SOUS-SOL DE LA PEUR, LE MORT-VIVANT ou GET OUT. Nous pensons même que le cinéma fantastique a tout a gagner à dialoguer avec la réalité pour se renouveler et s'enrichir. Mais encore faut-il que ce soit fait avec talent et inspiration. Et c'est là que le bât blesse dans THE POWER.
Après un démarrage prometteur, brassant des éléments intéressants et originaux, THE POWER s'égare dans une épouvante banale, sans surprise, peuplée de personnages schématiques. Il désintéresse trop rapidement les spectateurs.
Si THE POWER sort en streaming dans de nombreux pays, dont le Royaume-Uni, il a le droit à une exploitation en salles en France, après avoir été montré dans divers événements spécialisés comme le PIFFF de Paris, ou le festival de Sitges en Espagne.