Un mari volage a jeté son dévolu sur une jeune donzelle à la cuisse ferme. Son épouse se rend donc chez un sorcier afin de mettre un terme à la situation au plus vite, et ce de manière radicale. Un steak de cadavre, un barbecue de tête et quelques incantations plus tard, le problème est résolu et les tourtereaux sont retrouvés raides morts. L’efficacité et le professionnalisme sont des choses qui payent et mine de rien, le bouche à oreille joue son rôle. C’est ainsi qu’une riche veuve du nom de Luo Yin entend parler du sorcier et décide de forcer le destin. Amoureuse de longue date de Xu Nuo, elle paye donc pour un envoûtement qui lui assurera les services dociles du vigoureux amant. Mais le beau Xu Nuo est marié à Chu-Ying, ce qui implique un nouveau coup de balai orchestré par le sorcier Shan Chien-mi…
Si la célèbre Shaw Brothers est connue, c’est essentiellement pour ses films d’Arts Martiaux hors normes et sublimes. Mais la firme des trois frères Shaw a également fait quelques écarts, tentant de varier les plaisirs ou plutôt d’occuper d’autres créneaux commerciaux. Parmi ces œuvres parallèles, on compte une poignée de métrages horrifiques dont la générosité ne saurait être remise en question. Sans chercher l’exhaustivité, nous citerons L'OMBRE ENCHANTERESSE dès 1960, qui sera quelque peu oublié au profit d’une autre adaptation du même conte, HISTOIRES DE FANTOMES CHINOIS. Également THE BRIDE FROM HELL en 72, ou leur curieuse collaboration avec la Hammer pour LES SEPT VAMPIRES D'OR en 74. N’oublions pas la même année le sympathique THE KILLER SNAKES, qui ne cache en réalité rien d’autre que la version hongkongaise de WILLARD. Et c’est ainsi que nous arrivons naturellement en 1975 avec le BLACK MAGIC qui nous intéresse dans ces lignes.
Produit sous le titre « The Magic », ce film de Ho Meng-Hua devait à l’origine être tourné en Thaïlande, mais très vite, l’équipe change de destination et opte pour la Malaisie, et plus précisément pour Kuala Lumpur. L’impact de cette relocalisation sera cependant bien maigre puisque l’équipe restera principalement hongkongaise. Outre donc Ho Meng-Hua a qui l’on doit THE LONG CHASE ou LA GUILLOTINE VOLANTE, on retrouvera Kuang Ni à l’écriture, après le succès d’UN SEUL BRAS LES TUA TOUS et avant celui de LA 36EME CHAMBRE DE SHAOLIN. Mais c’est surtout face à la caméra que le spectateur avancera en terrain connu. La tête d’affiche est ainsi tenue par Ti Lung, inoubliable dans THE DUEL, ou DUEL SAUVAGE dans nos contrées. Également le légendaire Lo Lieh, l’homme à LA MAIN DE FER qui distribuera des coups rougeoyants au son de Quincy Jones ! Ici, le bonhomme ne tiendra qu’un second rôle, celui du dandy contraint d’user de magie pour conquérir une jolie veuve, elle-même incarnée par l’enivrante Tanny Tien-Ni.
Mais c’est à Ku Feng que reviendra l’honneur d’ouvrir le film. Grimé en vieux sorcier un brin pervers, le bonhomme monnaye ses sombres prestations et nous offre les meilleurs moments gores du film. Enfin gore, allons-y doucement. Car le film s’avère finalement assez gentil, et si l’introduction est très démonstrative, le reste sera un net cran en dessous. On notera cependant de belles décompositions de cadavres, mais rien qui vienne se hisser au niveau d’autres Shaw Bros comme HUMAN LANTERNS. En revanche et là où le film surprendra quelque peu, c’est sur son absence de pudeur lorsqu’il s’agira de déshabiller ses acteurs, et surtout ses actrices ! Il faut dire que les sortilèges ont une tendance à nécessiter des mesures peu communes telles que l’application de riz gluant sur l’entre-jambe, ou la collecte de lait directement au sein. Certaines figurantes donneront donc de leur personne contrairement à d’autres comme Tanny Tien-Ni, qui feront appel à une doublure de poitrine bien plus généreuse. Personne ne s’en plaindra, d’autant que l’effet est aussi naïf qu’amusant !
A côté de cela, nous admettrons tout de même un rythme un peu laborieux, et la très forte impression que les incantations maléfiques se succèdent et se ressemblent toutes. Le spectateur sera quelque peu contraint de suivre les désirs peu palpitants des uns et des autres, les crises de jalousie, les amours astreints par la magie noire, et les séquences de séduction maladroite. Chacun y met du sien mais nous n’aurions pas été contre quelques petits coups de tatanes bien sentis ! De la même manière, l’opposition du bien et du mal se fait timide et ne prendra du sens, graphiquement parlant, qu’en toute fin de métrage. L’apothéose se voudra alors rayonnante et colorée, sans doute inspirée par un cerveau sous acides. Un accomplissement généreux qui rejoint donc l’introduction et offre enfin son quota de fun. Puisqu’on en est à parler drogue, nous pointerons du doigt une curieuse fantaisie de la part du responsable de la photographie Hui-Chi Tsao : l’usage ponctuel d’une lentille déformante. Si l’on conçoit l’usage d’un tel objectif pour des séquences paranormales, on peine tout de même à comprendre leur utilisation ici, exclusivement pour filmer des immeubles…
Reste que malgré ces curiosités, son rythme placide et ses séquences horrifiques peu nombreuses, BLACK MAGIC est un métrage sympathique qui rencontrera un certain succès. Suffisamment en tous cas pour que soit rapidement produit une suite, qui sortira l’année suivante sous le titre explicite de BLACK MAGIC 2 . Plus efficace, nous le verrons, ce second opus ouvrira la voie à un troisième film consacré à la magie noire qui, pour le coup, vaut vraiment le détour !
Pour découvrir THE BLACK MAGIC, mais aussi ses deux suites, la bonne idée peut être de se tourner vers l’Angleterre et son éditeur 88 Films. Le contenu de la galette au format Blu-ray sera extrêmement limité, mais la copie proposée est tout simplement irréprochable. L’image superbe, ciselée, offre des couleurs très naturelles. La compression est invisible et la copie est totalement dénuée de scratch ou griffure. Une véritable prouesse qui nous change de ce qu’on a pu voir sur certaines copies « HD » de chez Celestial Pictures.
Sur le plan sonore, nous sera offerte la possibilité masochiste de découvrir le film via son doublage anglais médiocre. Plus logiquement, nous pourrons également visionner le film avec sa piste originale en Mandarin. Dans les deux cas, le mono d’origine est encodé sur deux canaux, sans compression, et s’avère très propre et dynamique. Des sous-titres anglais clairs et sans faute viendront nous éclairer dans la compréhension de cette œuvre magique.
Enfin nous le disions, l’interaction est réduite à une bande-annonce anglaise et une galerie photo. Le spectateur de goût pourra cependant retourner la jaquette réversible pour profiter du visuel d’origine, bien plus agréable que celui créé par l’éditeur.