Une équipe de spécialistes en communication satellitaire, menée par Georgie (Victoire Vecchierini) s’enfonce en forêt afin de réparer une station défaillante. Leur tâche est cependant déviée à la vue d’un avion qui s’écrase non loin de là. En portant secours aux survivants, elle se rend rapidement compte que quelque chose d’anormal se déroule, comme un champ de force magnétique autour du campement. Et qui semble émaner d’un lac non loin de là.
La jaquette du DVD américain de LANDING LAKE, sorti chez High Octane Pictures, attire monstrueusement l’oeil. Un magnifique et gigantesque vaisseau spatial s’abime à son contact avec la terre, vu par deux randonneurs. Bon ben vous oubliez tout de suite: elle est monstrueusement… mensongère. A aucun moment on ne voit cette splendide soucoupe volante s’écrasant sur Terre. A se dire que l’éditeur se demandait comment vendre au mieux son film. Quand on voit le contenu, la décision semble presque compréhensible - même si totalement répréhensible dans son essence trompeuse sur la marchandise.
Production italo-britannique de 2017, présentée au marché du film de Cannes, mais arrivant seulement cette année sur les écrans, LANDING LAKE possède une rare particularité de nos jours: celle d’avoir été tournée en 35mm. Un rendu visuel impeccable, tournée principalement avec une caméra Arri 535B et sur stock Kodak Vision 3 500T (sans filtre, apparemment) ainsi que sur du Fuji Eterna Vivid 250D.
Cette absence de filtre expliquerait le look général du film, où tous les « verts » naturels semblent tués sur place. Laissant des bleus nuit et des gris permanents. Un choix artistique assumé mais qui peut entraîner chez le spectateur, au delà de l’interrogation sur sa pertinence, une certaine lassitude, passée la curiosité d’un tel traitement de la pellicule - et du rendu sur un DVD. Idem pour la pellicule Fuji, supposée donner -plus de contraste et plus saturée en couleurs - probablement les scènes les plus colorées du film?
Le film est le fruit de Cesare P. Libardi di K.., producteur, scénariste et réalisateur basé à Londres. Avec une équipe à très grosse majorité italienne et des acteurs anglophones, il a opté pour un tournage dans la région de Trente, dans le Nord/Nord-est de l’Italie. Bien que le récit ne se situe jamais géographiquement parlant. A noter que le film est également co-produit par Andrea Piazza, connu pour être assistant réalisateur récent de Nanni Moretti. Un beau grand écart des genres.
Avec son récit qui s’inspire quelque d’une ambiance à la THE THING en pleine forêt mâtiné d’un chouïa du MONSTRE ATTAQUE côté progression (bon, pas la meilleure référence qui soit, certes), LANDING LAKE tente de sortir des sentiers battus. Atmosphérique et avec des tentatives de caméra hypnotique. Des moyens en œuvres permettant des travellings circulaires qui veulent dérouter le spectateur, le mettre dans un état de transe. Des steadycams qui souhaitent également prolonger une certaine étrangeté, tout comme des effets sonores métalliques et un montage multipliant des élans brutaux d’accélération ou de ralentis.
Un des problèmes que le film rencontre assez vite: la qualité discutable de la direction d’acteurs et des acteurs eux-mêmes. Victoire Vecchierini incarne une Georgie hautaine, décideuse, presque antipathique. Mais s’avère malheureusement aussi expressive qu’une savonnette, ce qui n’aide en rien a s’identifier un minimum au personnage et à ses affres. On a aff aire ensuite à l’inévitable noir de service, Tom Assi, pas vraiment aidé par un rôle ingrat et qui of course disparait le premier. Et bien sûr affublé d’un personnage secondaire qui propulse le récit avec une boombox 80’s qui va aider par la suite le groupe à dépasser le champ magnétique. N’importe quoi. A noter aussi une ligne de dialogue particulièrement raciste par le salopard du groupe (Phil Zimmerman, très réussi en odieux personnage) dont on se demande si cela ne va pas générer une quelconque polémique en nos temps actuels.
Ensuite, passé une première partie qui installe de manière parfois artificielle les héros et l’action, une lenteur alarmante qui plombe le récit. A force de vouloir élaborer une ambiance morbide, les auteurs en oublient de faire avancer l’histoire - et on plonge quelque peu dans un ennui poli. Trancher dans le vif de plans inutiles et trop longs n’auraient pas été un mal. 103mn pour une telle histoire, ça vire parfois au supplice. Au moins 20 minutes en moins, par pitié. En tous cas, le réalisateur a du faire sacrément marcher ses acteurs à travers les forêts trentaines. Ils n’arrêtent pas pendant tout le long du film.
Le film possède en outre de sérieux problèmes d’écriture, et ce dès l’avion écrasé. Comme si les acteurs ne savaient pas quoi faire et où aller. Prenant des décisions en dépit du bon sens : deux canidés passent par là ? Autant les suivre. Pourquoi? Parce que.
Pour ajouter à l’incompréhension, aucune réaction notable à la première mort de l’un des leurs. Des envies de baise a des moments ridicules. Le scénario injecte des idées a priori intéressantes, comme la guérison des blessures, laissés inexploitées en l’état. Les hallucinations, voix distordues… tout reste élaboré afin de distiller un malaise. Mais ne portant pas à réelle conséquence sur le récit. Le film accumule les possibilités manquées.
Si on se réfère aux belles heures du cinéma de genre italien, on en serait déjà bien loin au bout d’une heure de film. Sexualité venue de nulle part, effets sanglants... Ici, hélas, beaucoup d’allers et venues inutiles, d’atermoiements, d’hésitations. La lente construction de l’ambiance déliquescente aboutit à l’envie d’appuyer sur avance rapide. Vous vous attendiez à un film d’horreur? Il faudra s’armer de patience car la première scène horrifique arrive au bout de 50 minutes. Pour ensuite virer dans des effets les effets sonores, des tunnels de dialogues artificiels… Et subitement, venue de nulle part, (68mn53) une scène gore de transformation. Puis trois nouveaux personnages montrés furtivement. Et à nuveau enchianement de plans de créature transformée. Mais tout ça... c'est vers la fin!
Il y a toujours un souci lorsque le spectateur possède une longueur d’avance sur les personnages. Un certain monceau d’incohérence narrative et une mise en scène pas toujours au point sur la génération du suspense et la mise en avant des effets chocs. On a donc saisi assez rapidement que l’avion et ses occupants dealent de la drogue. Le suspense des échanges entre Matt (Aaron Stielstra, héros du futur reboot de CURSE OF THE BLIND DEAD) et Géorgie tombe ainsi rapidement à l’eau. Et la « révélation » de la raison du vol en avion n’a aucun sens au bout de 75mn de film. Même l’effet spécial mécanique à l’ancienne de la tête qui fond (avec malgré tout un chouïa de CGi quelque peu raté) rate le coche. Abus de numérique, manque de savoir faire sur le choc apporté (73mn37).
Autre élément raté: l’arrivée des trois « hommes des cavernes » devant le lac... non, ça ne marche pas non plus. Comme un cheveu sur la soupe - ils ne servent quasiment à rien, hormis d’ajouter une couche inutile de ridicule. Un peu comme si LA GUERRE DU FER refaisait surface, mais tournée en forêt de Fontainebleau. Et là, de manière involontaire, des réminiscences de Bis 80’s reviennent en force à la mémoire, mais pas pour le meilleur.
Le film se rattrape quelque peu sur les 20 dernières minutes: poursuite, tension montante, effets spéciaux qui marchent quelque peu et de manière fugace sur les traces de Rob Bottin. Mais on oublie surtout pas un grand classique transalpin: les habituels clichés de la lesbienne frappadingue, car rejetée. Ça faisait longtemps!
Clairement, et il s’agit là du gros paradoxe final, on en vient presque (presque, hein) à regretter les bandelettes Bisseuses de Bruno Mattei ou de Claudio Fragasso. Techniquement incompétentes - à contrario d’ici où le cadre est très largement maîtrisé et le film possède un réel cachet technique - mais tellement plus fun à voir malgré les défauts à tous les étages. Ce qui est rageant avec LANDING LAKE, qui marche sur des traces illustres de récit à dominante Carpenter tendance glacée (sujet, ambiance, rythme et même la musique) c’est d’aboutir à un moment d’ennui avec les moyens mis en œuvre. Une ambition mise à mal par une intrigue qui aurait gagné en clarté, en resserrant le montage. A noter de rester jusqu’au bout du générique de fin pour une ultime scène.
LANDING LAKE effectue ses débuts sur format physique chez l‘éditeur américain High Octane Pictures sur un DVD Zone 1 double couche, au format 1.85:1, d’une durée complète de 102mn30 (hors générique de l’éditeur). Un menu animé donnant accès au film direct, à l’accès chapitré (au nombre de 8 césures), aux options audio et sous-titres, et les films annonces.
Le film a donc été tourné en 35mm puis scanné en 4K. Malheureusement, l’impression générale qui se dégage ne rend vraiment pas hommage à cela. Le rendu final fait plutôt penser à une caméra digitale au travail plutôt que du grain filmique. Terne et grisâtre, ça n’est pas très beau à voir. Il y a des scènes qui, malgré des réglages à effectuer sur l’écran TV (ici un plasma Viera pour ce test), où il y a difficulté à distinguer certains éléments, du premier à l’arrière plan.
Des scènes de nuit (ex: 47mn10) donnent des noirs imprécis, avec une sorte de halo de grisaille. Le film aurait probablement gagné à être diffusé en Blu Ray pour mieux profiter du travail très particulier sur la photographie et les ambiances. Le rendu général assez dépressif, même si voulu par l’auteur, en fait à se demander au spectateur si quelque chose ne va pas dans le traitement des couleurs; Mais par contre, on note une abondance de détails, des contours précis et une définition de très belle qualité. Aucun défaut à noter, aucune griffure ni poussière.
Pour la partie audiophile, nous avons à faire à une excellente piste anglaise en Dolby Digital 5.1 . Un mixage très réussi, ne serait-ce que pour la musique, aux effets de stéréophonie enveloppants. Des effets sonores proéminents, sur lesquels le film repose en grande partie, qui se répercutent sur l’ensemble des canaux. Un environnement très riche et superbement rendu. Pour la piste 2.0, principalement faite pour une écoute sur ordinateur ou personne n’ayant pas de système sonore permettant le rendu en 5.1, elle s’avère tout à fait efficace, bien que fatalement ne rendant pas bien compte de la précision du mixage initial. Des sous-titres anglais optionnels sont disponibles depuis le menu principal du DVD.
Malheureusement pour les suppléments, il n’y a absolument rien concernant le film lui-même. Il aurait été agréable et éclairant (au propre comme au figuré) d'entendre les auteurs du film sur son élaboration. Il faudra juste compter sur 4 films-annonces du catalogue de l’éditeur.