Après avoir perdu son père dans un accident de voiture, le jeune Vitya (Daniil Kamenskyi) a une peur irraisonnée des hauteurs. Lors d'une sortie en forêt afin de voir une éclipse solaire avec son école, il fuit un pont suspendu et se trouve aspiré de manière incompréhensible à travers une roche... pour se retrouver de l'autre côté au XIIe siècle. Pris entre des guerres claniques d'un village logé dans une forteresse, il semble cependant être au coeur d'une prophétie. Celui qui parviendra à récupérer une mystérieuse pierre de pouvoir permettant de libérer une force dévastatrice - un Golem géant fait de pierres.
Second plus gros succès local lors de sa sortie en Ukraine courant 2017, STOROZHOVA ZASTAVA arrive en Blu Ray et DVD en France sous bannière Rimini sous le nom de FORTERESSE, tout en étant connu à l'international sous le nom de THE STRONGHOLD. D'ailleurs, le titre du film qui apparait dans la copie qui nous a été fournie est le titre d'exploitation anglophone.
A première vue, on sent que les influences du cinéma américain sont énormes. de MATRIX à LA GUERRE DES ETOILES en passant par LE SEIGNEUR DES ANNEAUX ou encore l'univers HARRY POTTER. Avec un budget excessivement moindre, FORTERESSE tente d'en produire les effets (visuels, spéciaux, narration) tout en gardant un folklore ukrainien en la matière. Certes, la narration se rapproche des déjà existants récits de jeunes hommes remontant dans le temps/projetés dans un autre monde avec aventures (et amour) à la clé. Insérez L'HISTOIRE SANS FIN ici, par exemple. Mais considérer le film comme une copie locale du cinéma US me paraîtrait très réducteur. Cela rappelle aussi quelque peu l'ambiance d'ILYA MUROMETS, le très beau film d'Aleksandr Ptushko et son dragon à trois têtes cracheur de feu et, justement, de forteresse à défendre d'un envahisseur.
En fait, il s'agit plutôt du côté de l'origine géographique qu'il faut chercher un autre élément, plus politique. Difficile de ne pas faire le parallèle entre l'envahisseur du XIIe siècle et la situation actuelle tendue entre la Russie et l'Ukraine - et l'annexion récente de la Crimée par le régime poutinien. Ce qui tendrait à rapprocher d'ailleurs la future sortie de THE RISING HAWK, nouvelle adaptation d'un classique de la littérature ukrainienne - sortie en octobre 2019 en Ukraine, et avec Robert Patrick!-, déjà adapté au cinéma en 1972 (et en 70mm) - sur la tentative d'invasion de l'Ukraine par les mongols au XIIIe siècle. Pas de hasard si l'un des co-scénarIstes de FORTERESSE est aussi l'auteur de celui de THE RISING HAWK. Le folklore russe au sein de l'Ukraine - des frontières poreuses qui tenteraient presque à se questionner sur une des volontés d'un récit pour ados.
Des réminiscences slaves mêlées justement à une narration typiquement hollywoodienne... Autant être clair: l'issue du film ne fait guère de doute. On se trouve dans un contre fantastique adolescent, avec cheminement initiatique afin de trouver la force de dominer ses faiblesses prouver son essence et gagner le coeur de la jeune fille. Joint à tout cela un Chaman diabolique et un méchant bien réussi, Khan -joué par Erzhan Nurymbet, très convaincant. Tous les éléments en place pour une légende fantastique dont les fondements ont été déjà bien exploités auparavant. Le récit se positionne surtout sur le comment le mal sera vaincu plus qu'autre chose.
La longueur inhabituelle du film (111mn) permet cependant de bien développer les personnages. En fait, l'habituelle romance entre le héros valeureux guerrier et la belle de service va se trouver détaillée rapidement. Le valeureux guerrier Oleshko (un Roman Lutskyi en pleine forme) est en fait certes bon guerrier, mais surtout un bon idiot un peu brigand, et qui va régulièrement être tourné en ridicule. Il s'agit par ailleurs du rôle le plus charnu du film et l'acteur donne beaucoup sa personne : un apport très sympathique au récit. Tout comme le frère de Khan, Tuharyn (Ivan Denysenko, décédé hélas peu après le tournage) , un géant brutal mais capable de dualité. Le film étant clairement prévu pour un public adolescent et familial, ceci explique peut-être cela.
Un rythme relativement soutenu permet de bien profiter d'une multitude de sous-intrigues, sans alourdir le récit puisque l'ensemble servant clairement la partie finale de l'intrigue. Costumes, décors, maquillages... tout ceci revêt un caractère de précision où peu de choses semblent avoir été laissées de côté. Il ne faudra pas chercher d'audace autre. Les femmes étant clairement tenues à l'écart, tenant le rôle de faire-valoir et potiche romantique dans un monde d'hommes (des vrais, des chevelus, des barbus, des guerriers, quoi). La romance toute tracée et la guerre du bien contre le mal ne dévie pas d'un iota. Il n'y aura guère que le final, d'un romantisme naïf mais rafraichissant, qui pourra étonner.
Côté effets visuels, on reste assez étonné de voir la qualité de ce que livre l'écran. un budget minimal annoncé à un peu moins de 2 millions d'euros pour donner un monstre géant, un Golem fait de pierres, entre autres. Si certains effets numériques apparaissent contestables, d'autres frisent la toute beauté. Le monstre en question demeure impressionnant, se rapprochant aussi d'une autre production modeste, TROLL HUNTER, dans sa qualité d'insertion dans le visuel d'un film. S'y adjoignent une créature sous-marine judicieusement discrète, un nombre de jump-cuts, effets ralentis à la MATRIX venant grossir le trait de film d'action pour tous.
FORTERESSE est disponible sur un Blu Ray BD25, en 1080p, d'une durée complète de 111mn15. Le disque se lance avec une séquence indiquant AAA (Acteurs Auteurs Associés), pour arriver à un menu animé, donnant accès aux versions, 12 chapitres (bravo pour garder cette option, toujours très pratique) et le film annonce.
Concernant la copie en format 2.40:1, un avis partagé. Les plans extérieurs surexposés donnent dans des blancs brûlés et certains manquent de dynamisme dans la colorimétrie. Les couleurs primaires (notamment le rouge du mégaphone) ont beaucoup de mal à ressortir. Le tournage en automne ainsi que la lumière naturelle ne sont peut être pas étrangers à ce sentiment de couleurs quelque peu passées. Mais les séquences intérieures et avec effets visuels restent plaisantes à l'oeil. Le Golem y est pétri de détails, tous comme les divers costumes et décors. De très jolis contrastes lors de séquences nocturnes, notamment lors de celles impliquant le Chaman. Le teints de peaux naturels ressortent, tout comme tout ce qui est cheveux, les superbes costumes et détails de visage lors de gros plans. Un débit quelque peu irrégulier, cependant, s'établissant entrée 26 et 27 Mbps en moyenne.
Côté audio, une relative déception avec deux pistes: la version originale ukrainienne et le double doublage français. Et toutes deux en Dolby Digital 5.1, à savoir donc des pistes compressées. Pour une édition Blu Ray, c'est très dommage. Qu'il s'agisse des deux pistes, un mixage multicanal qui fonctionne à plein régime lors des scènes d'action. on sent qu'un net effort a été effectué pour envelopper le spectateur au creux de l'action. Bien évidemment, les basses s'actionnent principalement lors des scènes de batailles et d'attaques. Ceci posé, l'ensemble fait le job pour rendre l'ensemble vivant. A chacun ensuite de préférer la version originale ukrainienne (on a un faible pour celle-ci, plus vivace et collant mieux à l'action) ou du doublage français plus passe-partout pour les séquences dialoguées. En complément, seul un film annonce se propose à votre plaisir.
Au final, FORTERESSE offre un autre univers imaginaire et merveilleux que de nièmes super-héros préfabriqués. Un changement d'air salutaire, même si le film reste parcouru de clichés hérités du cinéma US. L'ensemble du casting se donne clairement la peine, des scènes filmées à l'énergie. Un moment très sympa à voir en famille et pour tout amateur de merveilleux et de fantaisie fantastique. Rien de vraiment nécessaire mais un divertissement honnête.
