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Critique du film et du DVD Zone 1
HELLBENT 2004

 

West Hollywood, la nuit avant Halloween : deux hommes se décidant à passer à l'acte dans une voiture se font décapiter par quelqu'un déguisé en diable. Soir d'Halloween : Eddie (Dylan Fergus), un jeune flic cantonné aux travaux administratifs, décide de sortir avec ses amis Joey (Hank Harris), Tobey (Matt Phillips) et Chaz (Andrew Levitas), au beau milieu de fêtes du coin. Il se rend compte être suivi par cette même figure diabolique et que le groupe est la prochaine cible du tueur.

SCREAM marque le renouveau du slasher en 1996. S'en suivirent fatalement une avalanche d'avatars et suites en tous genres - qu'il s'agisse de cinéma ou de DTV. En 2003, le scénariste/réalisateur Paul Etheredge-Ouzts tourne ce qu'il appela le « premier slasher gay ». Généralement, le genre slasher privilégie les victimes féminines, de préférence sexy et un tantinet déshabillées (si possible). Fatalement, HELLBENT s'en trouve dépourvu, marquant sa préférence pour des victimes masculines et, respectant les règles du genre, mourant à l'arme blanche et... un tantinet déshabillées.

Le film bénéficia d'une campagne publique afin de trouver le nom du film, faisant appel aux fans avant même que le film ne sorte. Générant un buzz positif, il sortit même au cinéma aux USA en 2004 avec un succès inattendu dans un petit circuit. De manière encore plus surprenante, il en fut de même en France, sur une salle (UGC Orient Express à Paris) le 22 février 2006 - frappé d'une interdiction aux moins de 16 ans. Il termina sa carrière à... 3 150 tickets vendus. Que reste-t-il de ce revival 15 ans après ?

Rien de révolutionnaire sur le fond. HELLBENT applique consciencieusement le schéma éprouvé du tueur masqué qui traque ses victimes et les exécute de manière nette et sanglante. La grosse différence ici étant que le terrain de chasse se trouve être West Hollywood (WeHo pour les intimes), quartier gay de Los Angeles par excellence. Donc un individu copieusement musclé et qui s'en va draguer les clubs gays et bi de WeHo, et de décapiter les têtes d'hommes qu'il considère comme séduisants. Un collectionneur de têtes, un vrai.

Le gros risque était d'apparaitre comme prosélyte ou prêchant pour sa propre paroisse. Pas du tout : le réalisateur livre un slasher bien sadique, avec un bodycount cependant moindre que ses confrères, mais tout aussi sale. Mélangeant Eros et Thanatos de manière flashy, au rythme rapide - et trouvant dans la célébration carnavalesque d'Halloween sa finalité orgiaque sanglante. Eclairages stroboscopiques des fêtes, concert rock sanglant mais surtout, ne cédant pas à la facilité d'aligner des cadavres au rythme des bobines de film. On suit assez curieusement une élaboration des différents profils des protagonistes. Le tout soigneusement agencé d'un visuel inspiré navigant de James Bidgood à Pierre & Gilles, et nourri au kaléidoscope horrifique de la genèse du thriller sanglant made in fin 80's. Le réalisateur connait bien ses classiques, tout en s'éloignant (un peu) d'une copie carbone.

Si le budget est considérablement bas, l'ambition se révèle supérieure en termes d'écriture et de caractérisation. Certes, on n'est pas dans la catégorie SPLENDEUR DES AMBERSON du Gore et du slasher, mais Paul Etheredge-Ouzts effectue un véritable effort afin d'élever le propos. A l'instar des « final girls » de VENDREDI 13 ou de SCREAM, justement, il réussit à rendre attachant son héros à la fragilité borderline. Et pour cause, sa faiblesse deviendra, lors d'un twist perçant, ce qui le rendra invincible aux yeux du tueur. Très bien vu !

Idem pour le groupe d'amis, l'auteur se paye le privilège de gentiment moquer les travers de la communauté dans ses propres pièges de stéréotypes. Le pendant comique du film, l'inévitable gars déguisé en drag-queen (Matt Phillips), s'avère incapable de draguer un seul mec - tout le monde le rejetant sur sa simple apparence. Malgré les déguisements, les clichés ont la vie dure chez les gays. Et c'est toujours d'actualité. D'autre part, il ne s'aventure guère ailleurs d'un terrain de gars plutôt bien fichus - la critique ne va pas très loin non plus dans la représentation de la diversité des corps... mais les points de vue sur l'aliénation à la dysmorphie du corps restent intéressants.

Etheredge-Ouzts a également compris que ce soir d'Halloween reste propice à la livraison de chair masculine attendue par la population ciblée : quiconque habitué des fêtes gay costumées sait que la semi-nudité fait partie du décorum. Il évite soigneusement la musique House et autre électro, pour des éléments plus audacieux, tendance concert rock. Inattendu. Mais aussi le côté « T&A » prôné par le slasher hétéro trouve toute sa conformité ici, mais sans gratuité propre au genre. L'énorme intérêt du film demeure aussi dans la représentation des gays à l'écran : ce ne sont plus des seconds rôles dont la narration se débarrasse rapidement, ou des malades mentaux en puissance. Mais des personnages quotidiens, insérés socialement - et, étant dans un slasher, à la libido présente. Mais jamais définis par leur sexualité. Là où s'échouaient des films comme CRUISING et consorts, comme de grosses otaries bourrées à la bière tiède.

Le point central du film reste aussi le chassé-croisé entre le jeune héros Eddie et l'homme sur lequel il jette son dévolu, le mauvais garçon Jake (Bryan Kirkwood), aux tendances BDSM et tatouages qui vont de pair avec le meurtrier qui rôde. Une séquence de séduction qui vire au menottage au moment inopportun, apporte un suspense bien tendu et bienvenu. D'une stricte perspective sociologique, les films d'horreur restent une réflexion de la culture qui les produit. D'où l'intelligence du propos ici de partir des clichés du slasher (la sexualité débordante, l'acte sexuel en lui-même, la drogue (c'est mal), le timide, le beau gosse, le mec final, etc...) comme amorce de la construction dramatique. Non pas simplement se reposer dessus - mais enrichir le concept. Bien que n'étant pas dupe que les producteurs réclamaient à la base un »slasher gay ». Exercice difficile car le rendu ne se montre pas toujours à la hauteur des intentions.

Malgré une distance de plus de 15 ans par rapport à son tournage, HELLBENT demeure tout aussi pertinent sur son commentaire sociétal, son tournage commando et le choix de ses acteurs. A noter qu'à l'époque, le réalisateur indiqua sa difficulté à trouver un casting plus diversifié d'un point de vue ethnique, essuyant des refus - hormis le héros latino. Seul élément qui aura changé sur cette durée, la représentation de minorités visibles au cinéma ayant considérablement évoluée en un laps de temps très court.

Le gore y apparait singulièrement généreux, mélange d'effets mécaniques et de numérique - pas toujours au top il faut bien avouer. Le film se plie aux règles du genre en filmant généreusement les découpages de tête, énucléations et autres coups de serpe en pleine poitrine.

Au final, HELLBENT, bien que médiocre, s'avère plus malin qu'une simple version gay d'un slasher. Son auteur y injecte suffisamment d'humour et d'auto-dérision de ses personnages pour rendre l'ensemble fun à suivre - spectateurs gays comme hétéros. Un montage alerte, un climax réussi et une dernière image délicieusement ironique complètent le tableau.

Le film sortit en DVD chez Regent Releasing aux USA le 12 septembre 2006, zone 1, au format 1.78:1 et 16/9e, d'une durée totale de 83mn34. Un menu animé, donnant accès aux options audio, un chapitrage aux 18 vignettes également animées et les suppléments. Le visuel trahit quelque peu son origine numérique. Une photographie baroque et nocturne qui privilégie de violents jets de lumières rouge sang et e bleus profonds. Si la définition n'est pas toujours optimale et que l'on trace quelques soucis de compression, le DVD traduit assez bien le soin apporté à l'emballage général malgré un budget très réduit. Même si le rendu demeure hélas médiocre au global, les niveaux de noirs peu précis, réduisant à une difficile vision les nombreuses séquences nocturnes. Dommage. Deux pistes sonores anglaises, en Dolby Digital 5.1 et 2.0, sans aucun sous-titres. Il faut privilégier la piste 5.1 afin de profiter de l'environnement Halloween et musical créé, notamment sur le concert rock. Le reste demeure hélas peu percutant et précis d'un niveau multicanal. Rien de bien mémorable non plus pour la piste 2.0, quelque peu réductrice.

En bonus, on retrouve le « Backlot Featurette » de la chaine TV Here! qui offre interviews croisées des acteurs et auteurs, racontant à la fois l'histoire, le tournage et les enjeux du film - le tout agrémenté d'extraits cruciaux du long métrage. Calibré, mais très informatif sur le processus créatif, le choix de l'ambiance musicale, la direction d'acteurs... Puis une série de 6 films annonce, dont HELLBENT et, entre autres, celui de DEADLY SKIES qui était disponible sous deux versions, dont l'une éditée afin d'exfiltrer toute référence homosexuelle de son héros - le film annonce concerne la version Uncut. A noter que le film sortit également en France et en Belgique avec des stf, mais au contenu bien moins fourni et d'une qualité nettement moins bonne.

Remerciements à Didier Noisy et boxofficestory.com.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
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L'édition vidéo
HELLBENT DVD Zone 1 (USA)
Editeur
Regent
Support
DVD (Double couche)
Origine
USA (Zone 1)
Date de Sortie
Durée
1h24
Image
1.78 (16/9)
Audio
English Dolby Digital 5.1
English Dolby Digital Stéréo
Sous-titrage
  • Aucun
  • Supplements
    • Backlot Featurette (29mn VO Dolby Digital 2.0)
    • Films annonce
    • HELLBENT (VO)
    • THIRD MAN OUT (VO)
    • DANTE'S COVE (VO)
    • APRIL'S SHOWER (VO)
    • JULIE JOHNSON (VO)
    • DEADLY SKIES (VO)
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