Header Critique : MORTE RISALE A IERI SERA, LA (LA MORT REMONTE A HIER SOIR)

Critique du film et du DVD Zone 2
LA MORT REMONTE A HIER SOIR 1970

LA MORTE RISALE A IERI SERA 

Milan, 1970. Amanzio Berzaghi (Raf Vallone) est un veuf solitaire qui s'occupe de sa fille Donatella (Gillian Bray), jeune femme à l'âge mental de 5 ans. Lorsqu'elle disparait, le commissaire Lamberti (Frank Wolff) et l'inspecteur Mascaranti (Gabriele Tinti) se mettent à sa recherche, soupçonnant un enlèvement par un cercle de prostitution. Tout change lorsque le cadavre de la jeune femme est retrouvé carbonisé.

Duccio Tessari reste un cas à part du cinéma populaire italien. Il a certes oeuvré dans divers genres comme le péplum (LES TITANS), le western (UN PISTOLET POUR RINGO), l'espionnage (le très fun KISS KISS... BANG BANG) ou encore le polar (BIG GUNS). Mais avec un goût moins prononcé pour l'exploitation que ses congénères du moment. Et plus un souci de s'insérer dans un genre pour mieux en contourner les règles.

Il s'agit justement du cas de LA MORT REMONTE A HIER SOIR (LA MORTE RISALE A IERI SERA) sorti en 1970 en Italie, puis en mars 1973 en France. Enorme succès italien, avec un peu plus de 1,7 millions de spectateurs... et, on a envie de dire « comme d'habitude » pour les thrillers, échec total français avec seulement 12 006 curieux via une sortie d'abord en province puis parisienne a minima.

Malgré un titre qui laisserait à penser qu'il s'agit d'un Giallo, il n'en est rien. Si le point de départ et la structure font penser à son superbe CRAN D'ARRET / UNA FARFALLA CON LE ALI INSAGUINATE (d'ailleurs, qu'attendent les éditeurs français pour le sortir ?), Tessari prend le contrepied des règles du thriller à l'italienne.

En effet, Tessari induit que les règles inhérentes au genre ne s'appliquent d'aucune manière. Un récit en deux parties distinctes. D'abord une enquête policière autour d'un meurtre sauvage, puis la quête d'un homme pour retrouver l'assassin et l'affrontement final. Mais la mise en images et la structure narrative apportent une réponse différente de son CRAN D'ARRET, beaucoup plus policé, en Scope, au ton et aux couleurs différents. D'autant que le film, inspiré du roman « Les Milanais tuent le samedi », écrit par Giorgio Scerbanenco (auteur de LA JEUNESSE DU MASSACRE et MILAN CALIBRE 9), s'inscrit dans une réalité urbaine d'une certaine noirceur. Et, fait non hasardeux, il est également l'auteur du roman « Vénus privée » dont s'inspira Tessari pour... CRAN D'ARRET.

LA MORT REMONTE A HIER SOIR offre une contextualisation sociale à l'inverse des canons du Giallo. Habituellement, les crimes se nichent dans la haute bourgeoisie, l'aristocratie, le clergé. Jamais au sein des « petites gens ». C'est exactement le cas ici, puisque suivant le parcours d'un cinquantenaire abattu, sans histoire apparente, engoncé dans la grisaille - seulement illuminé par sa fille. Dans ses enjeux sociologiques, le Giallo n'aimait pas se focaliser sur la misère du peuple, ça ne fait pas rêver le spectateur. Tessari choisit l'effet inverse, filmant un quotidien qui tue âme et corps dans l'indifférence presque générale.

Idem pour le traitement visuel. Un cadre serré, aux images urbaines milanaises banales. Un traitement de l'image crépusculaire, triste, grise aux relents morbides. Des maisons de passe sinistres, de sales secrets qui ne sont pas l'apanage de la bourgeoisie. Avec un regard parfois documentaire. En fait, le film s'avère un excellent compagnon de route de CRAN D'ARRET, les deux longs métrages se regardant en miroir l'un de l'autre de deux réalités distinctes.

Le film s'agrémente de ressorts dramatiques typiquement giallesques. Le duo de policiers qui mène l'enquête rappelle ceux écrits de manière beaucoup plus comique par Ernesto Gastaldi. Les thématiques de circuits de prostitution où sont ruinées de jeunes femmes : repris évidemment par la suite dans MAIS QU'AVEZ VOUS FAIT A SOLANGE ? ou ENIGMA ROSSO, entre autres exemples. Sauf que Tessari ne verse pas dans l'exploitation visuelle des corps. Le sordide s'affiche, mais pas forcément par une sexualisation facile de l'image et de la femme - la triste violence prédomine. Par ailleurs, LA MORT REMONTE A HIER SOIR se range du côté des thrillers à narration masculine, poursuivant le sillon creusé par Argento - à l'envers de LA MORT CARESSE A MINUIT ou encore LA FILLE QUI EN SAVAIT TROP où les femmes sont les héroïnes de l'enquête. Quelque part, un héritage du film noir US transposé dans l'Italie des années 70.

Un point également divergent du Giallo : Beryl Cunningham. Les actrices noires correspondent généralement à un stéréotype attendu d'exotisme sexuel, comme dans EXORCISME TRAGIQUE ou LES RENDEZ-VOUS DE SATAN. Ici, l'actrice possède certes un rôle de prostituée, mais avec une véritable inflexion sur le récit. Un vrai rôle charnu, riche, complexe - au-delà d'un simple alibi exploitatif. Qui lui permet de déployer un jeu dramatique inattendu. Nouvelle transgression aux règles du Giallo, n'offrant jamais cette richesse d'écriture et prisme de lecture de personnage généralement accessoire.

Au final, Tessari imprime un passionnant récit de vengeance solitaire. Une partition de jazz dissonant par son musicien habituel Gianni Ferrio - voir le très habile montage alterné final sur les mises à mort. Ce qui donne une ambiance curieuse à un film décidément hors norme sur la violence absurde. Les jeux de la mort et du hasard nichés dans une société populaire qui possède les mêmes relents de brutalité, d'exploitation et de sadisme que ses correspondants bourgeois. Les responsables de cette tuerie se révèlent minables, tristes, quelconques - et d'autant plus terrifiants car s'insérant de manière insidieuse et invisible dans une vie ordinaire. Insoupçonnables, mais bien coupables. L'image finale du poids des sévices reste saisissante - et déprimante.

Le film est sorti en DVD Italien chez Dynit avec une durée totale de 93mn32, au format 1.85:1 et signal 16/9e. Un curieux format, par ailleurs, puisque le cadrage ne semble pas le bon. Dès le générique de la Titanus, les haut et bas de l'image sont rabotés. On penche de ce fait plus pour un 1.66:1 d'origine. Un menu fixe, avec un simple lancement du film et des chapitres. Une véritable misère torchée à la va-vite.

Visuellement, c'est ce qu'on fait de pire. Une définition laide, parfois floue aux couleurs qui bavent - notamment les éclairages rouges. Les contrastes mal maitrisés et des scènes nocturnes où on discerne assez mal les personnages. Horrible.

Une piste italienne d'origine, en Dolby Digital encodée sur deux canaux mono. Là aussi, les oreilles ne sont pas à la fête. Un son étouffé de manière générale, du souffle... aucun sous-titre, donc il faut être italianophile 100% et doté d'une bonne audition pour « profiter » du film, Car aucune autre alternative européenne n'existe à ce jour.

Un Blu Ray US est sorti chez Raro Video en 2014 avec un scan tiré du négatif original du film, avec à la fois le doublage américain et italien. Image comme son, cette édition HD se trouve à cent coudées au-dessus de cette mocheté sans nom.

Vraiment dommage, et les éditeurs français feraient bien de se remuer pour donner à voir cette perle noire dans les meilleures conditions possibles. Il n'y a pas que Fulci, Bava ou Argento dans la vie d'un amateur de film de genre.

Merci à Renaud Soyer et toute l'équipe de boxofficestory.com.

Rédacteur : Francis Barbier
Photo Francis Barbier
Dévoreur de scènes scandinaves et nordiques - sanguinolentes ou pas -, dégustateur de bisseries italiennes finement ciselées ou grossièrement lâchées sur pellicule, amateur de films en formats larges et 70mm en tous genres, avec une louche d'horreur sociale britannique, une lampée d'Albert Pyun (avant 2000), une fourchettée de Lamberto Bava (forever) et un soupçon de David DeCoteau (quand il se bouge). Sans reprendre des plats concoctés par William Friedkin pour ne pas risquer l'indigestion.
56 ans
1233 news
397 critiques Film & Vidéo
On aime
Un film d'une noirceur peu commune
Une très belle réussite de Duccio Tessari
On n'aime pas
Une édition déplorable
Une copie laide
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L'édition vidéo
LA MORTE RISALE A IERI SERA DVD Zone 2 (Italie)
Editeur
Dynit
Support
DVD (Simple couche)
Origine
Italie (Zone 2)
Date de Sortie
Durée
1h34
Image
1.85 (16/9)
Audio
Italien Dolby Digital Mono
Sous-titrage
  • Aucun
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      Aucun
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