Jill (Carol Kane) vient faire du babysitting pour la famille Mandrakis. Après leur départ, elle commence à recevoir des appels d'un homme lui demandant avec insistance si elle a bien surveillé les enfants. Appelant la police qui trace le dernier appel, elle comprend alors que celui-ci provient d'un autre téléphone se trouvant à l'étage.
Voilà un film bien particulier que ce WHEN A STRANGER CALLS / TERREUR SUR LA LIGNE. Présenté au Festival du film Fantastique d'Avoriaz en 1980, il en repart avec le Prix Spécial du Jury. Alors qu'il n'a rien de fantastique. Inspiré par un court-métrage du même réalisateur, Fred Walton, et d'une légende urbaine alors très en vogue, il s'articule en trois parties, avec une spectaculaire entrée en matière. Qui reste probablement l'un des moments les plus terrifiants que le cinéma ait produit. Puis de bifurquer vers une enquête dans les bas-fonds de Los Angeles pour revenir vers un exercice de terreur nocturne. Cette construction en a frustré et désarçonné plus d'un. Car l'intérêt allant au-delà des premières vingt minutes du film, depuis passées à la postérité.
Ce qui frappe : le film fonce vers une peinture réaliste. Pas de monde adolescent sublimé par ses élans d'hormones et de punitions par un croque-mitaine quelconque. Walton s'accroche à un monde réel, à la dérive de son tueur et son besoin maladif de contact humain. A l'enquête de l'ex-inspecteur en proie à un cas de conscience qui vire à la vengeance. A ce bar miteux, point de rencontre de désoeuvrés de la vie. Rétrospectivement, TERREUR SUR LA LIGNE n'entretient que très peu de liens avec la vague de slashers qui envahit les écrans après la sortie d'HALLOWEEN, LA NUIT DES MASQUES. Et de ceux qu'il inspira par la suite, comme le meta-slasher postmoderne SCREAM de Wes Craven, qui en reprend les mêmes principe et construction.
Une quasi-absence notoire de jump scare (le film en compte 3 au mieux), à une époque où ce choix de faire frissonner le spectateur gratuitement n'était pas une norme. Fred Walton excelle, bien plus que John Carpenter, à provoquer une atmosphère terrifiante, sinistre. Un malaise palpable, graduel - et doté d'une mise en scène élaborant le suspense de manière quasi machiavélique. Sonore : les bruits de sonnerie de téléphone grimpent d'intensité appel après appel. Imperceptibles mais insidieux. Visuel : Walton élabore un suspense sur des éléments de la vie quotidienne qui font monter la pression là aussi de manière totalement insaisissable. Il crée une attente en lieu et place d'effets d'épouvante gratuits, marque de fabrique de nombre de slashers postérieurs. Il compose ses plans avec une caméra fixe, avec beaucoup de patience, où le cadre, le temps et l'espace semblent suspendus. Le tout quasiment sans aucune goutte de sang.
Paradoxalement, Walton fait de TERREUR SUR LA LIGNE une oeuvre sur Curt, le tueur, et non pas sa victime. Tony Beckley y effectue un remarquable tour de force. Alors que déjà malade (il était affecté d'un cancer en phase terminale et mourut juste après la fin du tournage), il livre un portrait de tueur monstrueux humanisé à l'extrême. Un être humain pathétique, détaché de tout, se raccrochant à une image de lui-même dégradée, aux impulsions de démembrements. Une mise à nu du mal dans toute son ambiguïté, sa faiblesse, et sa force de tuer. «Personne ne me voit», «je n'existe pas» ou «je ne suis jamais né», se dit-il à lui-même. Des éléments qui seront d'ailleurs repris au pied de la lettre dans la suite. Au passage, le film fut refait en 2006, de manière déplorable et insipide - à éviter à tout prix.
Il s'appuie également sur une direction d'acteurs précise et une brochette de comédiens hors pair. Carol Kane, formidable en adolescente éthérée, fragile, au visage morcelé par la peur - assise, prostrée, sur les escaliers de la maison Mandrakis - et poursuivie 7 ans après par ce même tueur. Tony Beckley, impassible mais à l'expressivité dérangeante, déstabilisante - dont on prendrait presque pitié. Colleen Dewhurst, scandaleusement sous-employée par le cinéma, mais qui donne à son personnage de femme à la dérive, tentée par une amitié avec Curt, une dimension équilibrée entre force de caractère et faiblesse sentimentale. Et Charles Durning, inattendu flic devenu détective privé, à la présence massive et impavide. Un quatuor re-mar-qua-ble qui fait croire en l'histoire, en sa progression, en sa résolution là aussi réussie pour un ultime sursaut de terreur entre quatre murs.
Et un plan final absolument glaçant.
TERREUR SUR LA LIGNE passe admirablement le test des années et demeure, à ce jour, l'un des trois meilleurs films d'horreur psychologique qui existe.
L'éditeur anglais Second Sight sort le tapis rouge et propose une édition deux disques dans un fourreau luxueux. Un Blu ray 50 GB, en 1080p et encodage AVC - MPEG 4, ainsi que le CD de la splendide musique originale de Dana Kaproff. Un menu sobre, avec une piste sonore inquiétante en toile de fond, permet de naviguer pour le choix du film - car en effet, l'éditeur propose en HD non seulement TERREUR SUR LA LIGNE (durée complète de 97mn18) mais également sa suite télévisuelle WHEN A STRANGER CALLS BACK (APPEL DANS LA NUIT), réalisée par la même équipe en 1993 ! Un éditeur qui n'a pas oublié le choix d'accès par chapitre - 16, tous nommés par leur spécification, un vrai plus pour les cinéphiles. Puis la riche partie suppléments tout comme la possibilité d'option de sous-titres anglais pour sourds et malentendants.
Une copie au format original 1.85:1 qui frôle la perfection. Un grain filmique présent respectant l'expérience cinématographique celluloïdale, adossé à un nettoyage précis. Un scan 2K du négatif original qui aide grandement à profiter des détails infimes : qu'il s'agisse des plans de la chevelure de Carol Kane, des intérieurs en clair obscur (quelle splendide photographie obsédante !), des extérieurs de Brentwood ou de Downtown L.A en nocturne... on ne peut que louer le travail effectué. En effectuant la comparaison avec la copie du Blu Ray US sorti chez Mill Creek, il n'y a pas photo avec le débit proposé. Le Blu ray Second Sight offre une meilleure définition et stabilité d'image. Là où Mill Creek a quelque peu forcé sur la réduction du bruit numérique et sur le rehaussement de certaines couleurs, Second SIght gagne sur le parti pris de naturel de l'image et du réalisme recherché par Fred Walton. Les contrastes, les noirs profonds et les détails, en sortent gagnants par la même occasion.
Et quel son ! Jamais la piste anglaise (LPCM mono 1.0 non compressée) n'aura été aussi belle à entendre. Aucun souffle notable, des bruitages précis (mouvements de balancier de la pendule, cliquetis divers, effets sonores de pleine rue) jusqu'aux dialogues d'une limpidité redoutable. Un vrai plaisir audiophile, surtout par rapport à la partition musicale de Dana Kaproff qui s'insère à la perfection à l'ensemble. Le disque HD US proposait lui une piste DTS HD MA 2.0 mono, oblitérant la nature mono-canal d'origine.
Au rayon suppléments, on ne peut guère espérer mieux dans le futur. Tout d'abord, le court métrage de Fred Walton qui a inspiré le film, à savoir THE SITTER. Plusieurs entretiens caméra pour agrémenter l'expérience spectateur. Fred Walton revient extensivement sur la manière dont TERREUR SUR LA LIGNE est né, son tournage, et jusqu'à sa perception actuelle. Beaucoup d'anecdotes qui jettent une lumière particulière sur le film. Puis Carol Kane, douce, enjouée et toujours aussi débordante de compliments sur le scénario et la manière de travailler avec Fred Walton. Un document passionnant, car rare concernant cette actrice, décidément bien focalisée sur son travail de comédienne pour décortiquer le comment elle a abordé le rôle. Rutanya Alda (FURIE) apporte son grain de sel avec beaucoup d'enthousiasme, malgré son rôle assez court. Et un apport non négligeable par le compositeur Dana Kaproff : ses débuts, ses influences, et la manière dont il a écrit et joué la si particulière musique. Des moments surprenants avec ses achats en droguerie pour certains ustensiles (!) afin d'ajouter à l'environnement sonore, jusqu'aux divers éléments jetés sur les cordes de piano pour obtenir le bon son. Très instructif !
Pour embellir le tout, Second Sight a produit le poster du film glissé dans le fourreau et un livret écrit par Kevin Lyons de 40 pages (en anglais) qui analyse de manière pertinente la trajectoire du film, jusqu'à la série de meurtres en octobre 1978 qui ont jeté sur le tournage du film une ambiance très particulière. Le livret parle également du changement de titre du film, influence de la sortie d'HALLOWEEN, des choix initiaux du casting et l'arrivée de Colleen Dewhurst à la suggestion de Charles Durning - qui n'était d'ailleurs pas le choix initial de Fred Walton !
Enfin, en plus d'une jaquette réversible, dernière pièce du puzzle de cette édition : le CD de la musique de Dana Kaproff pour TERREUR SUR LA LIGNE. Dommage de ne pas avoir eu celle de sa suite, qu'il a également composée. Intéressant choix, car la musique était sortie en juin 2012 sur le label Kritzerland à 1000 copies. Ici, de quoi écouter de manière parfaite (et dans le noir pour un effet maximal) la partition stressante et hors norme pour un film qui le demeure tout autant.
Une édition parmi les toutes meilleures sorties en 2018 et qui est hautement recommandée.