Sir Karell, un aristocrate, est retrouvé assassiné dans son château Tchécoslovaque. Tout indique que ce crime a été commis par des vampires ! Le professeur Zelen, spécialiste de l'occulte, mène l'enquête...
Après son prodigieux LA MONSTRUEUSE PARADE, Tod Browning réalise FAST WORKERS, un drame romantique de 1933, toujours pour la compagnie MGM. Pour cette firme, il retourne à l'insolite avec LA MARQUE DU VAMPIRE, réalisé en plein âge d'or du cinéma américain fantastique, en 1935. Il s'agit du remake parlant du LONDRES APRES MINUIT, une des fameuses collaboration entre le studio, Tod Browning et Lon Chaney au temps du muet.
Tod Browning retrouve Bela Lugosi, la Star de son DRACULA, qui enchaîne alors les productions fantastiques : LES MORTS-VIVANTS, DOUBLE ASSASSINATS DANS LA RUE MORGUE, LE CHAT NOIR... A ses côtés, dans le rôle de sa fille spectrale, nous découvrons Carroll Borland, à la fois écrivain et actrice de théâtre, très peu apparue au cinéma. Pourtant, ses quelques apparitions poétiques dans LA MARQUE DU VAMPIRE ont suffi à en faire une figure marquante du cinéma d'épouvante. Elle influencera aussi bien Mario Bava pour son emploi de Barbara Steele dans LE MASQUE DU DEMON que l'actrice Maila Nurma (alias «Vampira») ou les personnages de Morticia et Mercredi dans LA FAMILLE ADDAMS. L'inspecteur de police est incarné par Lionel Atwill, grand comédien de l'insolite qui interprète, entre autres, les rôles principaux de DOCTEUR X et MASQUES DE CIRE.
Dans LA MARQUE DU VAMPIRE, nous apprécions l'atmosphère fantastique des séquences au cours desquelles se manifeste l'irrationnel. Ainsi, les apparitions magnétiques du comte Mora et de sa fille Luna au milieu d'un cimetière en ruines, parmi les toiles d'araignée d'un vieil escalier ou dans une crypte sinistre, sont des joyaux noirs du cinéma envoûtant. Quand le récit l'exige, Browning imprime à son film une bonne dose de nervosité, de fluidité et d'humour. Nous apprécions encore l'homogénéité et le talent d'un casting remarquablement choisi et dirigé : Lionel Barrymore, Jean Hersholt, Donald Meek...
L'intrigue, touffue et astucieuse, repose sur une habile imbrication de la réalité et de l'imaginaire, entre le vrai et le faux. Dans cette construction, nous suivons des déplacements surprenants du fantastique et de l'étrange, lesquels, en fin de compte, ne se trouvent pas toujours là où on les attend. Ainsi, la séquence finale tourne malicieusement en dérision les conventions et les artifices du cinéma fantastique, et ce une bonne soixantaine d'années avant SCREAM de Wes Craven !
Plusieurs intrigues compliquées se mêlent, au sein desquelles la simulation, le déguisement et la manipulation des apparences tiennent un rôle clé. Cela n'étonne pas dans la filmographie de Browning. Dans L'INCONNU, Alonzo se fait passer pour un manchot, ce qu'il n'est pas. Dans L'OISEAU NOIR, Lon Chaney, incarne deux personnages aux caractères opposés, liés par un terrible secret. Dans LE CLUB DES TROIS, des cambrioleurs se déguisent pour faire des mauvais coup (un nain se fait passer pour un nourrisson et un ventriloque pour sa grand-mère !). LA MONSTRUEUSE PARADE renverse la donne puisque c'est le fait que les "monstres" NE soient PAS déguisés qui provoque l'horreur et l'étrangeté !
LA MARQUE DU VAMPIRE souffre certes d'une narration inégale, par moment confuse. Le spectateur peut alors avoir du mal à suivre qui a fait quoi, où et quand... Nous apprécions néanmoins l'originalité du scénario de LA MARQUE DU VAMPIRE, son atmosphère étrange convaincante ainsi que la qualité irréprochable de son interprétation, qui en font un solide jalon de l'âge d'or du cinéma fantastique hollywoodien.