Après l'enterrement de sa mère en Irlande, Dan O'Grady revient aux Etats-Unis en possession d'une bourse contenant cent pièces d'or. Selon ses dires, il tiendrait cette nouvelle fortune d'un Leprechaun qu'il aurait réussi à déposséder. Manifestement très au fait des tendances alcooliques de son époux, Mme O'Grady ne fait guère état de cette histoire abracadabrante. Du moins jusqu'à ce qu'une étrange créature ne jaillisse d'une valise et la tue ! Voilà qui dégrise Dan sur l'instant, et lui donne la force de séquestrer le Leprechaun, avant de s'effondrer lui-même, victime d'une attaque... Dix ans plus tard, J.D. Reding et sa charmante fille aménagent dans la maison décrépite des O'Grady. Entre araignées, poussière et rats, ils découvrent une caisse de laquelle s'évade la créature irlandaise, plus espiègle que jamais, et surtout prête à tout pour récupérer son or !
Nous sommes en 1992 lorsque Mark Jones, réalisateur exclusivement télévisuel, songe à son avenir tout en se délectant d'un généreux bol de céréales. Vitamines A, B1, B2, B12, D, E, trente-sept pour-cents de sucre et... du chamallow. "Dites donc, c'est dingue tout ce qu'on peut trouver dans ces céréales Lucky Charms" se dit sans doute Jones en engouffrant une pleine cuillère de substance obésifiante ! Mais la vraie surprise du petit-déjeuner, c'est que l'inspiration lui sera offerte sur un plateau, par la boite de céréales sur laquelle trône fièrement un facétieux Leprechaun... A ce lutin vêtu de vert, la mythologie celte prête des pouvoirs magiques, une propension aux mauvaises blagues et une fascination sans borne pour l'or. Jones y voit une figure intéressante, une créature aussi amusante qu'imprévisible dont le caractère obsessionnel pourrait être aisément détourné. En assombrissant le trait, il y voit même le pendant irlandais aux CRITTERS venus d'ailleurs, eux-mêmes inspirés des GREMLINS de Joe Dante. Mais ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'il est sur le point de créer une franchise qui comptera à ce jour plus d'opus que les deux sagas précédentes réunies !
Les ambitions étaient cependant très simples et l'objectif de Mark Jones était avant tout de boucler un long métrage horrifique pour moins d'un million de dollars. Il propose donc le concept à Trimark Pictures, une société qui a connu un certain succès en distribuant WARLOCK en 1989. L'idée séduit et Mark Amin, l'homme derrière Trimark, y voit l'opportunité de produire son premier film. Afin de rester dans les clous d'un budget limité tout en se montrant généreux, l'hypothèse d'une marionnette n'est pas retenue pour incarner le Leprechaun. La solution sera donc d'engager un acteur nain qui sera grimé pour l'occasion. A l'époque, les yeux se tournent assez naturellement vers Warwick Davis qui s'est fait remarquer chez l'écurie Lucas en incarnant tout d'abord un Ewok dans LE RETOUR DU JEDI, et les deux Spin-Offs de la saga, puis WILLOW dans lequel il tenait le rôle titre. Comme il le faisait en 1988 en tant qu'apprenti mage, Davis lancera donc des sortilèges dans LEPRECHAUN et ses cinq suites, de 1994 à 2003.
Avec le recul, on pourrait légitimement se demander comment une série aussi modeste a pu s'installer de manière durable au sein du paysage horrifique. Mais en réalité, la réponse est dans la question : tout est affaire de modestie. Les budgets resteront donc réduits au minimum avec des ambitions limitées, mais louables. La première est d'offrir quelques meurtres originaux et ce de manière régulière. La seconde est de proposer un ton décalé et déconneur, lié essentiellement à la nature du protagoniste. Bien que cet aspect "comique" ne fut pas envisagé à l'origine, il est indiscutablement l'atout qui donne sa personnalité à la saga. Ce premier volet nous montre donc le démoniaque lutin en excès de vitesse au volant d'une voiturette, puis d'un fauteuil roulant ! Ses victimes sont griffées, piétinées et démembrées au son de «punchlines» et autres jeux de mots douteux. Bien que l'ensemble ne vole jamais bien haut, nous admettrons bien volontiers quelques sourires, signe que la pelloche remplit finalement son rôle.
Mine de rien, ce premier volet installe également une "mythologie" qui, si elle est connue de la plupart des anglophones, peut être une découverte pour nous, francophones. En effet, si la "Fée des dents" anglo-saxonne s'est vue remplacée par la "Petite Souris" en France, le "Leprechaun" n'a pour sa part aucun véritable équivalent. Il faut dire qu'il s'agit d'un personnage typiquement irlandais, bottier de son état, vêtu de vert et obsédé par son or, qu'il cache généralement au pied d'un arc-en-ciel. Il n'est donc pas surprenant que de nombreux traits d'humour du film se montrent nationalistes et prônent la qualité des produits locaux, comme la bière ou le whisky !
Une fois digéré donc le concept du Leprechaun, sa mythologie "classique" et la surcouche que lui ajoute Mark Jones, le spectateur pourra pleinement goûter les décors champêtres qui constituent le film. C'est bien connu, l'air de la campagne se suffit à lui-même. Une vieille baraque, quelques hectares de champs et deux toiles d'araignées suffiront donc à planter le cadre d'un premier volet économe, pour ne pas dire radin. On descend dans la cave, on s'aventure dans les près, on examine avec conviction une vieille voiture rouillée et on court autour de la maison délabrée. Parce qu'en effet, on court beaucoup dans LEPRECHAUN. Ça permet de faire de l'exercice, de passer le temps, mais aussi de se rincer l'œil. Profitons-en à ce titre pour saluer le génie du réalisateur qui filme certaines poursuites en vue à la première personne. Et que voit une créature légendaire d'un mètre de haut lorsqu'elle court ? Et bien ne cherchez pas trop, nous vous offrons la solution : il s'agit bien évidemment de l'agréable cuissot de Jennifer Aniston ! Car oui, la jeune femme qui deviendra célèbre pour son rôle de Rachel Green dans la série FRIENDS faisait ici ses armes, hurlant et agitant les bras avec une puissance évocatrice relevant du génie... Bon. On s'emballe peut être mais reconnaissons toutefois et sans ironie que la demoiselle remplit correctement son rôle de Scream Queen et qu'elle offre un contre-pied pertinent à la laideur affichée de notre hideux gnome irlandais...
La formule LEPRECHAUN se résume donc finalement à peu de choses. Quelques effets gores (parfois) réussis, un humour hésitant entre le puéril et l'amusant, des situations décalées et, pour ce métrage du moins, un duo d'acteur sympathique assurant le spectacle. Bien que léger, ce bilan attirera les curieux en salles et engendrera 8,6 millions de dollars au Box-Office, soit presque autant que WARLOCK et ses 9 millions. Cette performance sera même salutaire pour Trimark, épongeant au passage les monstrueux échecs commerciaux de la même année que seront LE RETOUR DES MORTS-VIVANTS 3 et BRAINDEAD (oui, le film culte de Peter Jackson !). De quoi ouvrir la porte à une première suite qui verra le jour un an plus tard, en 1994.
Au milieu des années 90, LEPRECHAUN avait tout du produit phare pour vidéoclubs. Les éditions VHS se sont donc multipliées de par le monde, avec pour certaines un passage entre les ciseaux de la censure assez dommageable. Puis l'ère du DVD est arrivée ne proposant, à notre connaissance, que des versions intégrales de ce film finalement assez inoffensif. En France, seules les volets 3 à 6 ont obtenu les honneurs d'un pressage sur galettes DVD. Un constat bien regrettable tant le doublage francophone d'époque se montrait délirant ! Les voix étaient pour la plupart absurdes, celle du lutin irlandais particulièrement nasillarde et celle du flic exagérément... virile ! La version française de ce premier film se proposait en outre de traduire l'appellation «Leprechaun» par «Farfadet ». Ce raccourci ridicule (bande d'incultes!) sera fort heureusement oublié dès le second film.
Quoiqu'il en soit nous avons pour cette chronique décidé de nous pencher sur l'intégrale en Blu-Ray, parue aux Etats-Unis chez l'éditeur Lions Gate. Précisons pour commencer que ces disques sont zonés A et qu'ils ne seront donc pas lisibles sur un lecteur européen bridé. Ajoutons à cela qu'aucun des films ne propose d'options francophones, que ce soit doublage ou sous-titrage. Malgré cela, le prix du coffret reste très attractif, les sous-titrages anglais (pour mal-entendants) salvateurs, et la qualité générale du produit plus qu'appréciable. L'image en HD 1080/24p est ici splendide et respecte l'œuvre en tous points. Les contrastes et couleurs sont saisissants, autant que la propreté de la copie. D'un point de vue audio, la piste anglaise en DTS-HD Master Audio 2.0 fait des merveilles et donne au film une ampleur dont il ne dispose pas forcément !
Le premier volet des aventure du Leprechaun partage l'espace d'un Blu-Ray avec sa suite, et de nombreux suppléments. Parmi ceux-ci nous trouvons tout d'abord deux commentaires audio. Ce qui, pour un «petit» film, fait tout de même beaucoup. L'écoute ne fera du reste que le confirmer. Car si le réalisateur Mark Jones et son responsable des effets spéciaux Gabe Bartalos parviennent à meubler, ce ne sera pas le cas de l'acteur Warwick Davis... Là où les deux premiers délivrent donc quelques anecdotes, Davis est en effet bien en peine et se contente de «Ah ! Je me souviens !» qui n'ont que peu d'intérêt...
Pour quelque chose de bien plus pertinent, il faudra se tourner vers un documentaire de presque vingt-cinq minutes intitulé «Leprechaun's Chronicles - Part 1 : Beginner's lucky». En réalité, il est dit ici tout ce que l'on trouve dans les commentaires audios mais sur une durée bien plus adaptée. Les intervenants sont en outre beaucoup plus nombreux et chacun y va de sa petite anecdote amusante. Rythmé, intéressant, ce document se poursuivra à l'occasion des autres opus pour une durée totale dépassant allègrement les deux heures. A noter qu'à l'issue du générique clôturant cette première partie, nous aurons droit à Warwick Davis nous balançant deux des répliques cultes du Leprechaun avec sa fameuse voix nasillarde ! Immanquable !
Le disque propose également quelques prises de vues réalisées durant le tournage. La qualité des images est très mauvaise et cela ne présente en outre pas grand intérêt. Il en sera globalement de même de la galerie d'images qui progresse au son de la bande originale du film. Évoquons enfin la bande-annonce, efficace et davantage horrifique que comique, offerte ici en haute définition ! Voilà donc qui clôt le tour de l'édition plutôt luxueuse d'un film qui ne l'est pas franchement !