De retour de la guerre du Vietnam, deux potes vivent paisiblement à New York, travaillant comme manutentionnaires. Mais, un jour, l'un d'entre eux est agressé par une bande de délinquants et ses blessures le laissent paralysé à vie...
On pourrait croire que EXTERMINATOR, avec sa faune urbaine, est le fruit d'un enfant des quartiers défavorisés de New York. Mais, en réalité, James Glickenhaus est le fils d'un grand courtier en bourse, Seth Glickenhaus, ayant fait fortune sur les marchés financiers de Wall Street. A l'origine, James Glickenhaus n'a pas spécialement l'envie de suivre les traces de son paternel. Il préfère le cinéma et s'acoquine avec Mark Buntzman qui sera le producteur mais aussi l'un des acteurs de son tout premier long-métrage. Produit en marge des studios, THE ASTROLOGER est un film indépendant très bavard où se mélangent secte suicidaire et prophétie de retour du Christ. Après avoir tenté de vendre le film au Marché du Film à Cannes sans succès, le réalisateur et le producteur vont distribuer THE ASTROLOGER de façon artisanale en faisant le tour des salles américaines avec les bobines du film sous le bras. Ces débuts un peu difficiles vont changer l'approche du cinéma de James Glickenhaus. Les tournées des petites salles américaines lui permettent de discuter avec les exploitants des salles et il réalise qu'il lui faut réaliser un film bien plus commercial !
En vue de réaliser un film accessible à tous et aux ambitions internationales, James Glickenhaus pense tout d'abord limiter les dialogues au point d'écrire un script sans aucune conversation. L'idée étant d'obtenir un film limitant au maximum sous-titrage et doublage. A l'arrivée, EXTERMINATOR comporte tout de même des dialogues mais sa construction épisodique et linéaire est très certainement le résultat de cette approche minimaliste. Le point de départ du film s'inspire d'un fait divers qui a marqué James Glickenhaus. Un étudiant de l'Université de Californie a subi une agression le laissant paralysé à vie, à la veille de la remise des diplômes. Dans EXTERMINATOR, ce n'est pas un étudiant mais un vétéran de la guerre du Vietnam qui voie sa vie brisée ainsi que celle de sa famille. Son meilleur ami entreprend alors de réparer l'injustice, tout d'abord en exerçant une vengeance directe puis en défendant de manière violente la veuve et l'orphelin.
Au départ, le budget du film est fixé à 850.000 dollars mais au fur et à mesure du tournage, James Glickenhaus, toujours accompagné de Mark Buntzman, décide d'injecter plus d'argent. Au point que 400.000 dollars supplémentaires sont investis entièrement et seulement sur les dernières scènes tournées évoquant tout le prologue durant la Guerre du Vietnam, offrant quelques fantaisies pyrotechniques dans le style d'APOCALYPSE NOW. Au final, le film aura coûté environ deux millions de dollars. Rien n'est laissé au hasard pour que le film soit vendu un peu partout dans le monde. James Glickenhaus va ainsi prendre sa revanche au Marché du Film à Cannes en créant la surprise avec EXTERMINATOR. Alors que le film est complètement inconnu, le cinéaste dépense largement pour faire la publicité du film. Plutôt que de montrer le film sur un coin de table aux acheteurs du marché, une salle de cinéma est louée spécialement pour une projection survoltée. Et pour cause, James Glickenhaus et Mark Buntzman vont s'assurer que la salle soit pleine en donnant des invitations aux passants sur la croisette de Cannes. Le lendemain, les droits du film sont vendus à des tarifs exceptionnels pour quasiment l'intégralité du monde ! L'acteur Joseph Bottoms s'en mordra les doigts. En effet, à l'origine, il devait jouer le rôle principal et son contrat lui assurait des revenus sur les recettes. Mais suite à sa participation à une grosse production Disney, LE TROU NOIR, l'agent de l'acteur tente de renégocier le contrat le jour où le comédien doit essayer les costumes. James Glickenhaus n'a pas envie d'entrer dans des tractations alors qu'un arrangement avait déjà été accepté auparavant et décide de ne pas utiliser l'acteur ! Cela dit, EXTERMINATOR n'aurait peut-être pas amélioré la carrière de Joseph Bottoms. Celle de Robert Ginty, qui l'a remplacé en dernière minute, est restée un peu confidentielle avec essentiellement des rôles à la télévision et quelques films de cinéma peu marquants. En tout cas, EXTERMINATOR était un peu dans la continuité de l'un de ses rôles précédents. Il apparaissait dans LE RETOUR d'Al Ashby, film dramatique narrant les conséquences de la guerre du Vietnam sur les soldats et leurs familles. Pour autant, s'il est question de la guerre du Vietnam dans EXTERMINATOR, le film ne s'intéresse qu'assez peu au traumatisme des combats. Quelques flash-backs, en dehors du prologue du film, viennent simplement nous le rappeler.
Si James Glickenhaus se raccroche à un fait divers réel, il est tout de même impossible de ne pas voir ici le prolongement d'une vague de films ayant fleuri durant les années 70. Le héros de EXTERMINATOR suit assez nettement le prolongement de ceux de JUSTICE SAUVAGE de Phil Karlson, UN JUSTICIER DANS LA VILLE de Michael Winner ou encore de LEGITIME VIOLENCE de John Flynn. Dans ce dernier, deux vétérans du Vietnam se lançaient dans une vengeance brutale, ce qui n'est pas sans rappeler le point de départ de EXTERMINATOR. La deuxième partie du film s'oriente quant à elle bien plus sur le parcours du personnage principal de UN JUSTICIER DANS LA VILLE. Soyons clair, le succès de EXTERMINATOR tient énormément à son discours populiste avec des entrepreneurs cibles du racket de la mafia, des prolétaires confrontés à la violence des rues et à des politiciens véreux. "Tous pourris" nous dit James Glickenhaus avec EXTERMINATOR et il continuera, en quelque sorte, sur cette lignée, quelques années plus tard, avec BLUE JEAN COP.
EXTERMINATOR n'est pas un chef d'oeuvre du cinéma, sa construction narrative n'est même pas réussie. Par instants, le film semble suivre un fil rouge sur lequel son personnage principal venge ici son ami, là une prostituée ou encore son patron. Là où le film de James Glickenhaus marque des points, c'est essentiellement dans son ambiance glauque, représentant la face cachée des rues mal famées de New York. Réalité ou fantasme ? Peu importe, le personnage principal de EXTERMINATOR, c'est un peu le Jason Voorhees de VENDREDI 13 qui s'attaque non pas à des adolescents couillons mais à des truands et des délinquants, utilisant divers moyens pour les trucider avec un peu de gore à la clef. Le film fonctionne essentiellement sur cette mécanique meurtrière. Car, pour le reste, le message diffusé par le film aurait plutôt tendance à nourrir les inquiétudes fantasmées de l'extrême droite. Il n'y a pas ici de véritable débat sur l'aspect moral des agissements de son héros, bien au contraire.
En plus de Robert Ginty dans le rôle principal, EXTERMINATOR offre quelques rôles à des comédiens connus comme Christopher George et Samantha Eggar. A vrai dire, leurs personnages semblent très anecdotiques dans le film. EXTERMINATOR permet aussi de voir Steve James dans un rôle plus conséquent qu'à l'accoutumée. Et pour cause, jusque-là, il oeuvre en tant que cascadeur. Ainsi il apparaît fugacement le temps de quelques échauffourées dans LES GUERRIERS DE LA NUIT, WOLFEN ou FORT APACHE : THE BRONX. Par la suite, on le reverra souvent dans le rôle du pote du héros comme dans AMERICAN NINJA.
A l'époque, une suite à EXTERMINATOR est mise en chantier. Mais James Glickenhaus n'a fait que vendre les droits à Cannon Films par l'entremise de Mark Buntzman qui s'occupera de réaliser lui-même EXTERMINATOR 2. De son côté, après EXTERMINATOR, James Glickenhaus va continuer dans le cinéma en signant quelques films comme LE SOLDAT ou LE RETOUR DU CHINOIS. Il fondera aussi sa propre maison de production Shapiro-Glickenhaus d'où sortiront, entre autres, BASKET CASE 2, BASKET CASE 3, MANIAC COP... Mais, les gains générés par l'énorme succès de EXTERMINATOR mettent le cinéaste à l'abri du besoin. En effet, les sommes gagnées par les recettes du film sont investies en bourse sur les conseils du père de James Glickenhaus. Le cinéaste a abandonné le monde du cinéma au milieu des années 90 pour investir comme le faisait auparavant son père. Passionné de voitures, il a même monté une écurie de course, Scuderia Cameron Glickenhaus.
Carlotta propose EXTERMINATOR en Blu-ray et DVD dans une collection ayant l'ambition de raviver les souvenirs des vidéo-clubs et de la VHS. L'idée est curieuse puisque le Blu-ray est tout de même bien éloigné de la VHS. La qualité d'image et du son n'ont rien à voir. De plus, le marché de la vidéo a largement évolué et le Blu-ray semble un format bien plus élitiste que ne l'était la VHS durant les années 80. L'éditeur nous propose donc de revoir le film avec un transfert 1080p/24 particulièrement joli. L'image n'a pas la précision des films du XXIème siècle mais on ne l'avait jamais vu ainsi. Pour le son, l'éditeur propose la version originale sous-titrée et le doublage français. Dans les deux cas, il s'agit des pistes audio d'époque qui font leur boulot sans être particulièrement impressionnante pour du Dolby Stéréo assez basique, voire curieusement minimaliste (dans le cas de la version originale). La version française, mixée seulement en mono à l'origine, édulcore un peu le propos et le doublage a tendance à donner plus de légèreté au film.
On ne peut qu'applaudir la qualité de l'image et du son mais le Blu-ray de EXTERMINATOR est quasiment nu. Seul supplément, la bande-annonce du film et cela paraît un peu pauvre. Nous avons donc le traitement éditorial de la VHS alors qu'il aurait sûrement été bien plus pertinent de nous parler du film, de sa création voire du marché de la vidéo dans les années 80 et 90. Par exemple, quand la Fox propose d'acheter à James Glickenhaus les droits vidéo de EXTERMINATOR, le réalisateur refuse ne comprenant pas bien ce que va apporter la VHS. Bien lui en a pris puisque ces droits vidéo lui ont assuré par la suite pas mal d'argent supplémentaire. Il est donc dommage de ne rien apprendre de plus alors que le Blu-ray est le parfait écrin des amoureux du cinéma, qu'il soit prestigieux ou comme ici bien plus modeste. D'autant plus dommage que les éditions sorties dans d'autres pays présentent pas mal de suppléments ! Au moins, on peut retrouver le doublage ainsi que des sous-titrages français à un petit prix d'une quinzaine d'euros au moment de sa sortie.