Dans une petite bourgade reculée, la police se trouve face à une étrange vague de crimes sanglants. Suivant les rumeurs de quelques villageois, l'officier de police Gong-au se met à enquêter sur un Japonais qui vient de s'installer à l'écart de la ville...
Avec son premier long-métrage, Na Hong-jin réussissait à renouveler, à sa façon, une histoire de tueurs en série avec le réussi THE CHASER. Le cinéaste coréen avait par la suite continué à creuser le sillon du polar à l'ambiance noire dans THE MURDERER. Pour son troisième long-métrage, Na Hong-jin donne l'impression de changer de registre. Pourtant, le cinéaste conserve l'ambiance noire de ses deux précédents films et s'ingénie à désorienter le spectateur en changeant de rythme ou de direction. Cela pouvait surprendre auparavant mais dans THE STRANGERS cela provoque surtout une ambiguïté malvenue sur les intentions de l'auteur !
Na Hong-jin abandonne donc le thriller urbain pour installer sa caméra dans une zone rurale. Le cinéaste dresse le portrait minutieux d'une petite communauté coréenne empreint de superstitions, de querelles de clocher et de petites histoires inavouables. Cela pourrait ressembler à du Chabrol mais assez vite Na Hong-jin semble plus s'intéresser aux événements violents et laisse côté les petites habitudes des villageois à l'instar des escapades sexuelles du héros. Se faisant, THE STRANGERS efface petit à petit ce qui aurait pu réellement donner de la pertinence au film. En accusant les étrangers de tous les maux, les villageois cèdent aux a-priori et aux rumeurs. Cela aurait été plutôt bien vu puisque pour renforcer cet aspect, l'étranger du village est de nationalité japonaise. La xénophobie étant ainsi renforcée par l'incommunicabilité de la langue, l'homme ne parlant pas le coréen. Mais le fait qu'il soit Japonais renvoie directement à un passif historique impossible à contourner. En effet, l'Empire du Soleil levant a contrôlé de manière autoritaire la Corée durant plus de quarante ans. Cet aspect n'est pas évoqué dans le film mais l'inimitié entre les deux peuples n'a rien d'un secret et ne peut être qu'implicite. L'étranger est donc ici le parfait coupable ! Le film ajoute à tout cela une couche religieuse qui mêle les croyances catholiques avec celles ancrées depuis bien plus longtemps dans l'histoire de la Corée. Le film appuie aussi plutôt bien sur quelques paradoxes comme ce chaman détenteur d'une connaissance mystique antédiluvienne et qui s'habille en costard, communique par téléphone portable et se déplace dans une belle voiture. Très rapidement, on ne sait plus vraiment à quel Saint se vouer... Tout cela aurait donc pu mener à un pamphlet sur l'intolérance sociale et religieuse ou la xénophobie, voire tout cela en même temps ! Malheureusement, l'épilogue du film brouille tellement les cartes que l'on ne sait plus si la dernière confrontation est un fantasme nihiliste. On peut le prendre comme l'expression des convictions indécrottables des uns contre les autres, le monologue final semble aller dans cette direction. Mais la dernière partie du film est présentée avec un tel premier degré que cela fausse le dernier face à face maléfique. A partir de là, la démonstration s'effondre et se termine sur un final grandiloquent et spectaculaire qui a de quoi caresser dans le sens du poil les plus mauvaises croyances.
En dehors de ces très grosses objections, THE STRANGERS bénéficie d'une mise en forme extrêmement soignée. Le film alterne les passages contemplatifs avec des séquences bien plus énergiques. Parfois cela tombe un peu à plat comme une sorte d'attaque d'un zombie où la musique appuie lourdement ce qui ne semble pourtant pas être une menace très agressive. D'autres scènes s'avèrent bien plus efficaces. C'est particulièrement le cas d'un rituel survolté où un chaman tente de mettre un terme aux agissements d'un adversaire diabolique. Véritable point culminant dans THE STRANGERS, cette séquence est réalisée à la perfection alors qu'elle adopte plusieurs points de vue. Le film de Na Hong-jin fonctionne par moment mais les 156 minutes de THE STRANGERS, bien que jolies, finissent par très longuement se compter !