Au beau milieu des années 80, Charles Band régnait sur la série B américaine. En bon successeur de Roger Corman, il enchaina de nombreux films & succès cinéma avant de s'attaquer au marché naissant de la video. Après PARASITE, METAL STORM, FUTURE COP ou encore RE-ANIMATOR, il absorbe les studios italiens de Dino De Laurentiis et développe nombre de projets qui seront tournés sur place. Et lorsque les amateurs de SF virent débarquer l'affiche-taser de ZONE TROOPERS, le doute ne fut plus permis : nous allions assister à une bonne série B croisant Science Fiction et film de guerre. Un mélange audacieux et hors norme lorsque le tournage débute en février 1985, pour aboutir à une sortie limitée aux USA en salles, et en video quasiment partout ailleurs.
En pleine campagne italienne de 1944, un petit bataillon de soldats américains luttent contre des nazis. Les G.I se font décimer lors d'une attaque. Les quatre survivants menés par un quasi-indestructible sergent (Tim Thomerson) tombent alors sur… un vaisseau spatial écrasé en pleine campagne. Croyant d'abord à une arme secrète nazie, ils se rendent à l'évidence : les extra-terrestres ont bien débarqués… mais avec une seule créature survivante (Bill Paulson).
Les deals de Charles Band s'effectuaient au moment des marchés du film : une affiche vendue aux financiers et ensuite, force aux réalisateurs/scénaristes engagés de coller un maximum au projet sur papier. Difficile de devoir répondre à toutes les attentes avec une budget aussi infinitésimal que ZONE TROOPERS pour le tandem Bilson/De Meo, dont ce fut le premier film après avoir écrit FUTURE COP entre autres 7 films pour Empire. Peu étonnant d'ailleurs que leur style oscillant entre hommage, clins d'oeil et mélange des genres les emmenèrent à écrire THE ROCKETEER quelques années après. La référence à Roger Corman n'apparait pas vraiment superflue, puisqu'il leur a fallu déployer des trésors d'intelligence afin de pouvoir rendre crédible cette histoire d'extra-terrestres se crashant par erreur au beau milieu de la Seconde Guerre Mondiale. Et l'ensemble tourné dans les décors extérieurs ayant servi juste avant pour LADYHAWKE... avec une équipe technique dont les noms de Ted Nicolaou pour le montage, Antony Barnao pour le casting, Giovanni Natalucci pour les décors.. revinrent à quasiment toutes les productions Empire et Full Moon.
Peu d'acteurs et de figurants - 20 au maximum-, un nombre de décors réduits, beaucoup de tournages en extérieurs. Le challenge étant surtout d'incorporer l'élément SF au récit et que cela ne plombe le film. Les scènes du vaisseau spatial remplissent haut la main le contrat : un décor astucieux, assez gigantesque, donne le change - et effectué pour la ridicule somme de 20 000$! Idem pour les effets spéciaux mécaniques et maquillages orchestrés par John Carl Buechler (artisan en chef chez Empire Pictures) qui donne à la bestiole un look autre - collant aux multiples rebondissements finaux. Un bémol sur les aliens bleutés qui tempèrent l'élan créatif général, que Tim Thomerson surnomme à juste titre «coiffeurs de l'espace» ! En fait, pour un budget complet (post production incluse) de 500.000 $, le résultat final apparait plus qu'honorable - le film ne bénéficiant par ailleurs d'aucune miniature ni mattes, il faut le préciser.
Empire et Charles Band obligent, c'est vers Richard Band que se tourneront les auteurs du film pour la musique. Les plus mélomanes observeront qu'entre la partition originale, louchant vers (copiant?) John Williams et L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE (!), on note des morceaux repris d'une autre composition. Il s'agit de diverses mélodies que Richard Band composa pour le MUTANT de John Bud Cardos. La partition orchestrale faisant plus «riche», agrémentée en effet d'un orchestre ample, dynamisant de ce fait automatiquement les images qui défilent. Un subterfuge très Cormanien dans l'essence (et ce n'est pas un reproche!) qui montre à quel point la production ZONE TROOPERS fut minimaliste dans son apport financier! Pour les complétistes, le plan du conducteur de a jeep (à 4mn55) est votre seule chance de voir l'acteur Bill (William) Paulson qui joue l'Alien tout le long du film!
Le ton donné au film opte clairement pour celui de la bande dessinée - en écho aux récits de SF lus par Joey - joué par Timothy Van Patten, tout frais émoulu de CLASS 1984. Tim Thomerson (FUTURE COP, CHERRY 2000) est idéal en héros viril/bougon au nom de «The Sarge» prenant en charge le groupe après la mort du leader-bleu, dézingué dès le début. Il indique d'ailleurs s'être inspiré du personnage de Vic Morrow dans la série COMBAT !, en mélangeant l'ambiance de COMMANDO DE LA MORT. Tout comme le pur et dur Mittens, incarné par Art La Fleur, second rôle impressionnant ici. Mais l'intelligence du récit reste de ne pas suivre les pas tracés d'une aventure (trop) sérieuse. Le ton demeure braillard, à mi-chemin entre la SF, le film de guerre et quelques élans de comédie, virant au cartoon Warner (vers la 54e minute, par exemple). Un peu comme la série TV STALAG 13 jouait des thèmes guerriers avec une certaine légèreté, sans rien enlever à la gravité de la situation. Bilson et De Meo s'amusent des clichés des films de guerre des années 50 et 60. Ainsi l'arrivée d'Hitler au beau milieu du camp où se trouvent enfermés l'alien capturé et les soldats américains. Qui finit par se prendre un poing en pleine tête - un détail que l'histoire aura oublié! ZONE TROOPERS effectue ainsi un numéro d'équilibriste concernant les ruptures de tons, de manière assez surprenante dans les dernières dix minutes. Le scénario prend alors de court le spectateur bien acclimaté au quatuor combattant dans la bonne humeur générale. Idem pour chaque personnage, à multiples facettes.
Au final, ZONE TROOPERS traverse plus que bien les quelques trente années qui nous séparent de sa sortie. Il existe un côté cheap indéniable, mais élaboré avec classe, gouaille, amour des genres… la série B dans toute sa splendeur, ne se prenant pas au sérieux. Mais qui possède même une certaine ambition et un recul sur son sujet qui fait très plaisir à voir. (PS : bien regarder jusqu'au bout le générique afin de profiter d'un ultime clin d'oeil aux films de guerre de 1940 à 1945!)
De manière plutôt heureuse (et surprenante), ZONE TROOPERS se voit offrir le traitement Haute Définition par l'éditeur US Kino Lober Studios Classics. Au format original 1.85:1 respecté, d'une durée totale de 86mn02. Le master HD 1080p (sur un BD 25, encodé MPEG-4 / AVC) provenant de chez Fox/MGM trahit assez peu les faibles moyens mis en oeuvre. L'ensemble conserve le grain d'origine : une très bonne chose. Ceci posé, des plans extérieurs parfois surexposés provoquent de temps autres un halo, comme les scènes en pleine forêt dès lors que le blanc devient proéminent. Que l'on retrouve aussi sur les fonds inverses (extrêmement noirs) comme le générique de début, laissant transparaitre quelques traces de compressions, heureusement disparaissant par la suite. Les scènes intérieures offrent elles de belles teintes chaleureuses, couleur de peau naturelles. On notera quelques poussières blanches ça et là, mais qui ne viennent altérer nullement la bonne impression générale de clarté et de précision. Les gros plans sur les visages, les objets ainsi que sur la créature offre un bel exemple de HD réussie malgré un matériau de base qualitativement médian. A noter que l'éditeur garde sa marque de fabrique de menu fixe (voir notre critique du Blu-ray de METEOR pour mémoire) reprenant une affiche quelque peu mensongère pour les accès aux bonus. Basique et avec la réorchestration de In The Mood en fond sonore… un peu terne pour s'immerger dans cette aventure un peu hors norme. Un accès chapitré avec une découpe en 9 segments complètent le menu.
La piste sonore anglaise adopte ce qui a été enregistré à la base : du mono. Ici une piste DTS non compressée répartie sur deux canaux. Robuste, claire, elle diffuse plutôt adroitement les lignes de dialogue sans souffle`; tout comme la partition de Richard Band qui ni n'empiète, ni ne parait sous-dimensionnée. Lorsque l'action prend le dessus, les baffles rugissent avec entre autres la superbe explosion centrale ou les échanges de coups de feu entre bataillons. Un bon niveau général, surprenant même de qualité, sans variation notable de niveaux de son. Un bémol : aucun sous-titre même anglais, et bien évidemment, pas d'option francophone à l'horizon.
Côté bonus, Kino Lorber a tout d'abord réuni Danny Bilson et Paul de Meo pour un commentaire audio assez savoureux. Parfaitement conscient du petit budget alloué, ils se retrouvent pour retracer le tournage avec moult abondance de détails, anecdotes… toujours dans un même bonne humeur! Nul doute que leur complicité toujours intacte a vraiment transpiré sur le film. Entre les imitations de Steve McQueen par Tim Thomerson dans plusieurs scènes, un tournage rude mais qui pour beaucoup demeure l'une des meilleures expériences vécues, les cascadeurs italiens sur-jouant à mort, les exigences de Charles Band de voir plus de «magie Alien» (!) à l'écran, le moment GILDA et la référence aux 7 MERCENAIRES le peu de contrôle sur la post-production, les scènes expurgées par Band, Paul de Meo aidant Giovanni Natalucci à construire les accessoires (les rayons lasers des aliens, entre autres!)… un commentaire des plus fun à entendre, sachant rire des dialogues second degré et qui fait vraiment partager l'amour du cinéma.
Une interview caméra avec Tim Thomerson, retraçant son implication dans le film, le tournage dans la péninsule… Thomerson parle de ses influences pour le rôle, sa trajectoire avec Charles Band et autres points de tournage. Un acteur décidément plus que respectable! On se dit surtout qu'il aurait mérité largement d'autres rôles plus importants. Pour qui possède également le Blu-ray de CHERRY 2000 où il apparait également face caméra -et tourné dans la foulée de celui-ci-, c'est un vrai bonheur de l'entendre. Nostalgie certes, mais un homme de métier qu'on aurait cependant aimé entendre un peu plus sur le film. Enfin, l'édition se termine par le film annonce d'origine, le tout en HD.
Très recommandé!